La théorie à Jean-Claude

19_JCEn 1981, la TSR était allée filmer les joueurs du FC Saint-Barthélemy dans leur vestiaire. Resurgie sur internet, la théorie made in Gros-de-Vaud de l’entraîneur Jean-Claude Magnin fait un tabac.
La scène se passe dans le vestiaire du FC Saint-Barthélemy, en 1981. Jean-Claude Magnin, entraîneur-joueur de ce club de 3e ligue est filmé par les caméras de la TSR en pleine théorie d’avant-match. Le hic, c’est que ce jour-là, le papa de l’international Ludovic Magnin a un verre dans le nez. L’instant solennel prend alors des allures de sketch.

L’entraîneur commence son speech en s’excusant de son retard: il a oublié les passeports à Bercher. Puis arrive la séquence où il passe en revue son effectif avec le plus bel accent du Gros-de-Vaud. Il égratigne un joueur, félicite l’autre. Les gros plans sur les bouilles hirsutes de «Kéké», Jean-Michel, Jean-Marc, Germain et les autres footballeurs des talus sont tous plus drôles les uns que les autres.

Cette séquence de 2’37 a resurgi dernièrement sur le site internet YouTube. «Tout est parti de Lucien Favre, lequel a montré les images à sa fille, raconte Jean-Claude Magnin. Un ami de celle-ci a ensuite eu la riche idée d’en faire profiter les internautes.» Le bouche à oreille a fait le reste. Quelque 10 000 personnes ont déjà éclaté de rire aux envolées rhétoriques du père Magnin. Son fils est d’ailleurs le premier fan de ce buzz. «Plus je le regarde, plus je me marre, explique le joueur de l’équipe de Suisse. Je connais les répliques par cœur. Mon père raconte tellement de bêtises! Il ose dire à ses camarades que l’attaque n’était pas bonne, alors qu’ils ont marqué 15 fois au match précédent! Pour moi, ces images sont du niveau des Bronzés font du ski.» A la différence près que cette fois, Jean-Claude est entraîneur de foot et que tout est 100% authentique.

Histoire de voir ce qu’ils étaient devenus, nous avons voulu rencontrer les joueurs du FC Saint-Bart, 28 ans plus tard. Un coup de fil à Jean-Claude, l’entraîneur, et tout s’organise. Agriculteurs, mécanicien, maître de travaux manuels, les nouveaux «héros du Gros-de-Vaud» se sont ainsi retrouvés un soir de Ligue des champions dans le salon des Magnin, à Echallens. Pour revisionner ensemble les images d’autrefois. Chez certains, la calvitie a remplacé les boucles généreuses. Les sourires et les yeux pétillants sont, eux, restés les mêmes.

Les images défilent sur le petit écran. La machine à remonter le temps plonge les acteurs dans leur passé. Le Sous la loupe de Roger Felix visite les rues de Saint-Barthélemy, ses deux cimetières, ses champs et son terrain de foot. Arrive le Jean-Claude de 1981 qui donne l’entraînement en hurlant: «C’est du chenit, Toto. Jouez plus vite! La tête!» Et le coach de se prendre le ballon en pleine poire. «Je saigne maintenant». Les éclats de rire envahissent le salon.

L’émission se poursuit. Vient le tour de la séquence diffusée sur internet et des images du match. Les buts tombent les uns après les autres. Lorsque Germain, le centre avant inscrit sa troisième réussite, l’autre Germain, celui de 2009, crie sa joie en levant un bras au ciel, comme s’il se trouvait toujours sur le terrain de Saint-Bart. Et sans doute qu’à cet instant, il y est vraiment, sur le terrain de Saint-Bart.

Onze Favre dans l’équipe
«Cette année-là je crois bien que j’avais onze Favre dans l’équipe», coupe Jean-Claude Magnin une fois passées les ultimes images du reportage. Avant de quitter les complices du FC Saint-Bart, on ose une dernière question. Mais cette fois-ci à Isabelle Magnin, l’épouse de Jean-Claude. «A la maison, fait-il autant de théorie.» Un sourire amusé éclaire son visage. «Oh, vous n’imaginez même pas!»

Merci à 24 Heures et Pierre-Alain Schlosser pour cette perle!