Luzi + Dar= GrandBazaar. Après un premier EP balancé l’année dernière, peut-être la véritable ogive rap français de 2023, il était temps d’en apprendre plus sur la conception du projet. La rencontre s’effectuera sans Luzi et pour cause, son binôme vit à Montréal. Une conversation au cours de laquelle on apprendra que Zek était l’invité d’honneur de ce 1er EP, que la cover a été signée par Ivan Lavague ou encore que M.A.M a bossé sur le clip de Veust « Eau de parfum ». Du name-droppinget des shout out en pagaille, pour rappeler que les meilleurs projets sont concoctés en équipe.
[L’entretien a été réalisé fin 2023 mais la vie et ses contraintes…, NDR]
« Magnéto, Serge. »
Luzi et moi sommes issus du collectif C.Karré, on a toujours été dans ce crew-là. Ça fait depuis 98-99 que nous sommes dans le son. On a sorti plein de trucs : des mixtapes, des street-Cds, des albums avec la Résistance et Numanist [Deux anciens groupes genevois, NDR]. Luzi rappait mais produisait aussi. Moi je manageais et je touchais un peu aux prods également. Il faut savoir que je suis un gros digger de toutes sortes de musiques. Du coup j’ai des montagnes de samples. Je sais où aller les chercher, j’ai les disques, j’ai tout en tête. Mais je ne sais pas utiliser les machines, jusqu’à ce jour.
Pour revenir à C.Karré, les années ont passé et comme dans beaucoup d’équipes, tout le monde a un peu lâché l’affaire. Le seul qui est resté dans la musique c’est Luzi, parce qu’il est parti vivre à Montréal. Il bosse là-bas et s’occupe du Sound Design dans les jeux vidéo. Job rêvé pour un geek-beatmaker. De son côté il a donc continué à taper des prods. Pour bosser depuis le Canada avec Luzi, on fait des zooms. On se refile les samples. Moi je fais tout à l’oreille, lui est grand technicien.
Un jour, alors qu’il est en vacances à Genève, il me dit qu’il a un plan pour un studio. Du coup je l’accompagne et lui file des samples. En deux heures de studio, on avait fait cinq, six prods dont l’embryon de celle de Veust. Sur Insta, j’avais quelques rappeurs dans mes DM et du coup j’ai commencé à les leur envoyer en leur demandant leurs avis. On a eu tout de suite des retours positifs. Ça nous a donné confiance et on a continué. Avec Zek, on s’est tout de suite bien entendu. Il a co-produit plusieurs tracks. C’est l’invité d’honneur de ce 1er EP. D’ailleurs, petite anecdote concernant son morceau : Après avoir trouvé la boucle, j’ai appelé Luzi dans la minute pour lui dire que je ne voyais qu’une seule personne poser là-dessus et c’était lui. Des fois, on a des flashs : on entend un sample et on pense tout de suite à quelqu’un.
Discutons identité musicale et visuelle. Y a-t-il des lignes directrices sur cet EP ?
Oui, c’est d’avoir à la fois une identité musicale et une identité graphique forte. Proposer quelque chose de radical comme mettre des fruits sur une cover : il n’y a pas les têtes des rappeurs. Quand tu vois le disque sans connaître, tu ne peux pas savoir que c’est du rap. Et c’est complètement voulu. Il y a un gros travail d’équipe derrière cet EP. Concernant l’aspect visuel, la pochette a été réalisée par Ivan, du coup mega S/O à lui parce que l’on s’est beaucoup pris la tête dessus. Au niveau musical, Zek a signé trois co-prods. Mr Lacroix, qui est ingénieur son chez Colors, mais finalement beaucoup plus, a été un mentor sur le projet. Lui, il va transformer tes brouillons en vraies chansons. Il a un talent d’arrangeur et une oreille incroyable. Les gens ne parlent pas assez de lui. Un autre personnage avec qui on a collaboré et qui est très important dans le rap à Genève, c’est Mamadi alias M.A.M [qui a sorti l’année dernière l’excellent Starter Pack, dont la DA visuelle a également été conçue par Ivan Lavague, NDR]. Ce mec, c’est une icône. Je ne saurai pas te dire combien de rappeurs français connaissent les couplets qu’il a sorti il y a vingt ans. Ses mixtapes de l’époque ont marqué beaucoup de gens, elles ont ramené une touche cainri qui n’existait pas du tout dans le rap français. Lui et Ivan ont réalisé « Eau de parfum » de Veust. J’ai saoulé M.A.M pour qu’il le fasse. Il n’est pas réal’ à la base, mais il est tellement perfectionniste que c’est lui qui donnait les directives sur les tournages de ses propres clips. Et donc, on a réussi à le convaincre de passer derrière la caméra. Les deux ont travaillé comme des dingues. M.A.M, on a dû lui donner une deadline sinon il serait encore en train d’affiner le montage.
Vous avez remarqué un avant et un après EP ?
Complètement, on est pas mal sollicité. J’ai l’impression qu’il y a un boulevard qui s’ouvre pour ce genre de projets et de sonorités. Et je crois que les gens sont contents que l’on amène quelque chose de soigné : nous allons au bout de notre démarche que ce soit au niveau musical ou visuel. Par contre, le piège dans lequel on se refuse de tomber, ce serait le côté revival, à l’ancienne. On veut que ça garde une certaine fraîcheur. Le deuxième EP est en route. On veut vraiment faire chaque EP dans une couleur musicale différente. Le 1er c’était des bangers sombres, lents et crasseux. La suite n’a rien à voir. Ça ne m’étonnerait pas que les gens qui ont aimé beaucoup le un, n’aiment pas le deux. Ou l’inverse. Et nous n’avons pas peur de perdre des auditeurs.trices. C’est justement ça qui est intéressant : amener les gens vers autre chose.
L’avenir de Grandbazaar dans un futur plus ou moins proche?
Le but c’est que Grandbazaar devienne comme une marque en s’associant avec plein d’autres gens. Exemple : un jour on fait une scène avec Ratus, Okis, Zek et Veust mais lendemain on fait une autre scène avec d’autres gens mais toujours sous le nom de GrandBazaar. On aimerait bien faire des trucs au Canada vu que Luzi habite là-bas. Et un des gros trucs qu’on a en chantier, en plus de continuer cette série, ça serait de faire des EP communs avec des artistes.
Par M. Macfly