Une des premières bonnes surprises de l’année est à chercher du côté de la Capitale Olympique. Une sortie regroupant trois éléments visuels notables: une (belle) pochette énigmatique, un nom d’artiste lié à une fuite inexorable ainsi qu’un titre renvoyant à un film magnifique dans lequel les personnages s’oublient dans une mégapole inconnue évoquant un autre espace-temps (Lost in Translation). Ces paramètres entretiennent le mystère et participent à maintenir le projet dans un état d’apesanteur constant, amplifié par des productions vaporeuses. Comme si l’univers éthéré du beatmaker lausannois appartenait à une dimension parallèle que l‘on rejoindrait en empruntant un portail temporel.
Que l’on ne s’y trompe pas: c’est bien de rap dont il est question ici. Et au-delà d’une DA réussie, peut-être sans le vouloir, Lost in Transition renseigne sur l’industrie actuelle. Le EP révèle un panel d’artistes talentueux invisibilisés par le matraquage médiatique incessant des « têtes d’affiche » et autres gros vendeurs de streams qui allient difficilement qualité et (rythmes de) sorties. En 2021, certains ont même eu l’audace déplacée de promouvoir leur album en considérant qu’il était « le meilleur de tous les temps ». Une indication révélatrice de l’époque qui rappelle fortement la ligne cavalière et très à-propos d’un rappeur péruvien: « Cause if you go platinum, it’s got nothing to do with luck/ it just means that a million people are stupid as fuck. » On pourrait également déceler, à travers le projet, une invitation adressée au public afin qu’il creuse et découvre des pépites enfouies sous une tonnes de sorties peu inspirées : https://www.abcdrduson.com/special/annee-rap-2021/rap-francais-trop-dalbums-peu-didees/. Grande parenthèse fermée.
Pour revenir au travail de Kronos, malgré le titre qui pourrait laisser penser à de l’égarement, le EP trouve au contraire sa place flottant quelque part loin du rap street et proche du cloud rap : «…Crache ton oseille, vas-y FDP-P/ c’est du putain de pe-ra, pas du reggae-gae-gae. » Car oui, des invités crachent le feu et se succèdent tout au long des six titres: Oni, Hades, Marcel Polaire, Faye, Person, Nostra, Rox et Jonas (Reformation en vue ?). Tous.tes pourraient très bien sortir d’un monde super héroïque dans lequel les aptitudes à rapper sont légions et transférables, à la manière du One for All. La question ne serait donc pas de savoir qui possèdent des skillz dans ce microcosme nébuleux- la réponse coule de source- mais qui pourraient en être dignes parmi les mc’s restés sur terre?
M. Macfly