4 mois où il y eut…

Le retour de Nessbeal avec en ouverture de Zonard des étoiles le track « Intro R.S.C » et cette ligne incisive qui raconte plus que n’importe quel manuel de sociologie : « Il a menti celui qui dit qu’derrière chaque grand homme, y avait une femme/Y avait une armée d’braves, une âmе, une vision, des armes, dеs armes… ». Le retour, également, de Bigflo & Oli avec un cube de verre en guise de studio planté pendant une semaine au beau milieu de différentes villes de France. La sortie du 2ème album de Makala, Chaos Kiss. « Embrasser le chaos ou se faire embrasser par le chaos »?

Le très bon Corner, et son esthétique toute baltimorienne, du rappeur Black P issu du groupe M City. Assurément un des EP de l’année. Avec celui de Benjamin Epps Vous êtes pas contents? Triplé! Référence à la punchline du parisien le plus rapide. Le livre de Driver J’étais là, 30 ans de dévouement sarcellois au service d’une culture originellement américaine. Le documentaire Netflix sur Kanye West qui présente un Yeezus très touchant à ses débuts, que personne ne calcule dans les bureaux de Roc-A-Fella ou qui enlève son appareil dentaire pour converse. Bien loin de l’ego démesuré qu’on lui connaît aujourd’hui. Et pour finir, une bien triste nouvelle : le décès de DJ Kay Slay aka« The Drama King ». Figure incontournable de la scène new-yorkaise.

Rattrapage 2021 :

1 podcast, 2 tracks (parce que « le sud le fait mieux »).
Les excellents podcasts locaux Rap Science enregistrés à The Spot Geneva qui convient Haythem B au cours des trois derniers, un « américain-genevois débarqué chez Def Jam de 1996 à 2001 ».

JuL — Dans la cour
Il est loin le temps où l’enfant de Saint-Jean-du-Désert était raillé sur les réseaux pour ses mocassins et ses chemises aux couleurs bigarrées. Depuis, il existe un son « à la Jul » et son immense fan base lui est aussi fidèle qu’un MTP du virage Depé un soir de match. Un gamin de quartier qui a réussi, au fil des ans, à rallier un groupe d’adeptes autour de sa musique grâce à une franchise à toute épreuve, une pudeur attachante et une identification hautement possible. Jul, c’est « Toi, eux, lui, elle… ». Un anonyme passé des chantiers BTP à l’immense succès qu’on lui connaît. Dans la cour est à ce propos représentatif de l’évolution de Julien vers Jul. Le fait de vivre de tels changements personnels semble avoir créé un trop-plein à l’intérieur de son crâne qui agit comme une piscine à débordements : les anecdotes fusent de toutes parts, sans interruption. Aussi bien celles de sa vie d’avant que celles de sa vie actuelle : « Gros jme levais tôt/J’allais au chantier le matin… », « C’est pour ma team si j’fais quatre albums par an/Et en concert les p’tits font chanter les paroles aux parents ». Avec une ligne qui sert le cœur et qui aurait pu passer comme générique sous la plume d’un autre rappeur : « J’suis ici, j’suis là-bas, j’suis partout, j’suis quelque part, comme Luc »/Mama j’te l’dis pas assez, mais te quiero mucho ». En espagnol… tout pour l’allitération ou par pudeur? Peut-être un peu des deux, mais la sincérité dégagée n’a jamais été aussi grande.

Kalash l’Afro – Lumière
Berretta était une formation en vue dans les années deux mille, une époque où le rap français sondait tous les départements à la recherche des fils spirituels de IAM. La tâche était ardue, d’autant plus que la période favorisait l’émergence de récits de cow-boyeries urbaines. Heureusement, le 13 porte bonheur et comme l’olive ne tombe jamais loin de l’olivier, c’est à trente-cinq kilomètres du berceau des darons, dans une commune bordant un grand lac salé (l’étang de Berre), que le groupe lacustre commençait ses gammes. Grâce à quelques retournements syntaxiques, les quatre membres (Sheir, Belleck, Skwal et Kalash l’Afro) issus de Berre l’Etang devinrent Berreta. Un peu plus street dans l’approche que les moines shaolins égyptiens, mais pas moins bien écrits pour autant, le groupe sortait en 2005 son petit classique : L’encre est dans le chargeur. Au programme : Rap à thèmes, témoignages et transmission de valeurs. Une tendance sudiste encore présente de nos jours.
Aujourd’hui, son membre le plus éminent revient aux affaires après une carrière solo bien menée. Sur Lumière, il n’a rien perdu de sa verve et de son level, reléguant la concurrence à des années… lumières. Un milieu d’origine, une trajectoire, un constat : Le résumé de tout ce que la pauvreté implique et génère en France, en 3 min 30 s, avec une touche d’optimisme quand même. « Que Dieu nous épargne/qu’on soit de ceux qui perdent ou ceux qui gagnent/de la lumière, faut pas qu’on s’éloigne. Que Dieu nous épargne/qu’on soit de de ceux qui perdent ou ceux qui gagnent, de la misère il faut qu’on témoigne ».

M. Macfly