C’est devenu tellement habituel qu’on pense que c’est normal, que ce n’est pas si mal finalement… On avait oublié que des révélations Saïd, Hubert et Vincent un seul avait aussi été nommé pour le César du Meilleur acteur. Parce que ce n’est pas nouveau, juste qu’avant ça se voyait moins vu qu’on ne nous considérait tout simplement pas.

On n’avait pas à se demander qui était médiatisé au détriment des autres puisqu’on était de toute manière méprisé. On n’avait pas à critiquer telle ou telle prog de festival puisqu’on n’existait pas. Pareil pour les soirées où mettre le mot rap ou hiphop sur un flyer suffisait à faire interdire la soirée. Les temps changent à ce qu’il paraît, mais est-ce que les choses changent vraiment ? Est-ce que l’on est plus respecté maintenant que toutes les soirées sont open format et que les festivals programment des soirées avec des artistes urbains ? Est-ce que l’on a réussi à infiltrer le système comme on le voulait ou est-ce que l’on continue à se faire piller notre culture et notre travail par des gens qui nous méprisent ? Est-ce de notre faute ? Peut-être un peu, mais nous a-t-on au moins laissé l’opportunité de le faire ou est-ce que tout était verrouillé dès le départ ? Est-ce qu’on aurait pu créer des salles de concert, des maisons de disque alors qu’on n’avait même pas le droit d’organiser une soirée ?

Mais les temps changent… maintenant il y a de l’argent en jeu, beaucoup d’argent, alors on nous invite parfois à l’apéritif, mais beaucoup plus rarement au repas, parce que c’est comme ça, nos mondes ne se mélangent pas, tout au plus ils se croisent de temps en temps. De plus en plus maintenant que leurs enfants écoutent tous du rap ou qu’ils se sont subitement découvert un amour pour cette musique et nous parlent des années 90… Sauf que nous on y était et on se souvient. On se souvient qu’ils détestaient notre culture. On se souvient mais on fait comme si, comme s’ils nous respectaient parce qu’on en a besoin, mais au fond de nous on sait.

Mais les temps changent… alors maintenant ils font une place au rap à leur soirée, à leurs festivals, sur leurs plateaux et même qu’ils écrivent des articles pour dire à quel point ce rap catégorie musique urbaine est génial. Mais est-ce que les choses changent vraiment quand pour pouvoir entrer dans leur cour le rap doit être ce qu’ils en veulent, pas ce qu’il doit être ? Le rap doit livrer un message parfaitement en adéquation avec l’idée qu’ils s’en font et surtout rester à sa place. Sorte de bouffon du roi moderne à qui on lance les miettes, et tant mieux s’il est blanc, ça leur permet d’avoir l’impression de partager le gâteau entre eux. Parce qu’il est là le fond du problème, le rap doit entrer dans leurs cases pour être respecté et leurs cases sont blanches, donc un rappeur blanc aura toujours plus de place sur leurs plateaux de jeu…

Mr Seavers