En publiant ces premières chroniques, je me demande encore s’il faut faire une introduction, écrire quelques lignes pour expliquer le pourquoi du comment mais finalement à quoi bon ? Tu kiffes ou tu kiffes pas, de toute manière à trop vouloir faire plaisir à tout le monde on ne satisfait personne, alors j’assume d’être un vieux con légitime, ça vaudra toujours mieux que tous ces connards qui prétendent l’être. Parce que c’est bien joli de nous faire chier à dire que c’était mieux avant, mais si avant t’étais pas là, alors qu’est-ce que t’en sais ? Et si t’étais là, pourquoi tu continues de nous faire croire à un conte de fées ? Non parce que si vraiment le rap c’était mieux, alors pourquoi on n’a rien fait pour préserver le truc, le faire perdurer tel quel ? Alors ouais tu me diras qu’il y avait des mecs qui… mais en vrai on était déjà bien plus dans du chacun pour sa gueule que du peace, love and havin’ fun.
Et c’est peut-être déjà là que tout est parti en couille, quand t’as des thésistes qui ont essayé de définir ce que devait être le Hiphop, de nous dire quoi et surtout comment faire alors qu’on cherchait juste à se donner la force de croire qu’on pourrait être les boss de quelque chose, d’y arriver par nos moyens. On sentait que ce qui était en train de se développer était différent du reste, que c’était quelque chose pour nous. Le Hiphop c’était notre truc, notre famille et ça le resterait toujours. On n’avait pas vraiment prévu que notre culture devienne un géant, on voyait bien que le monde changeait, que n’importe qui portait des Jordans mais après tant d’années de rejet on trouvait presque ça bien de voir toutes ces personnes qui se foutaient de notre gueule adopter notre façon de s’habiller, de s’exprimer. Alors on n’a pas fait gaffe, le buffet était ouvert, c’était gratuit et à volonté en plus alors ils sont simplement venus se servir. Tout le monde s’est gavé ; les marques, le cinéma, les politiques, les maisons de disques bref tout le monde sauf nous. Y’avait de l’argent à se faire et nous comme des connards on s’est contenté des miettes et d’un peu de lumière. On pensait être les princes de la ville mais on n’était rien de plus que ses amuseurs. 30 ans plus tard ce n’est pas vraiment mieux, on ne sait toujours pas trop comment se situer face à tout ça, on en est encore à se réjouir de voir du rap programmé dans des salles qui avant nous refusaient l’entrée. Mais bon, faut voir les choses en face, on n’a tout simplement jamais été capable de le faire nous-mêmes alors on continue d’attendre que les autres le fassent, enfin c’est ce qu’on a répété toute notre vie alors on a fini par le croire.
Mais dans quel monde on vivait à croire qu’ils nous considéraient alors que tout au plus ils nous toléraient ? Ils ne faisaient que de perpétuer leur héritage; se faire de l’argent sur notre dos, comme leurs parents l’avaient fait avec les nôtres. Et on était là avec nos baggies et notre culture à penser qu’on allait changer les choses. Oh et puis merde quoi, fallait bien se faire quelques billets alors on y est allé et une fois sur place on a fait le job parce qu’il fallait bien le faire. La passion ça sert juste d’excuse quand ça ne marche pas alors on s’est vendu au plus offrant. Les mecs ont commencé à breaker pour défendre les couleurs d’une marque de boisson, les graffeurs ont fait des toiles pour des galeries hype et les rappeurs… ils ont vite compris qu’en faisant exactement ce qu’on attendait d’eux alors leurs morceaux pourraient être diffusés, leurs concerts programmés dans les festivals. Bordel, quand tu te dis qu’on est allé jusqu’à cautionner le concept de concours de dj « open format » pour avoir enfin un peu de lumière sur nous… ce besoin de lumière, de reconnaissance de la part de ceux qui nous ont toujours méprisés. Mais sois sûr que rien ne changera, on restera toujours leurs larbins tant qu’on continuera de se laisser persuader qu’on ne peut pas faire les choses sans eux. T’as déjà essayé de calculer ce que le Hiphop leur a rapporté comme cash ? Et nous qu’est-ce qu’on a eu en retour… les calculs sont vite fait, toujours le même schéma, génération après génération.
Mais demain peut-être… Partout je vois des gamins qui petit à petit sont en train de reprendre le terrain, ils ont compris que nos rêves pouvaient se réaliser, mais surtout ils ont vu qu’à toujours se plier en quatre on ne s’assoit jamais sur le trône, on ne fait que se prosterner.
Alors ils osent, ils entreprennent là où on s’est senti bloqué, for us by us ça pourrait enfin devenir réel.
Alors on va croire en eux, on va les soutenir, et ça passe par regarder la vérité en face.
Alors on va leur dire qu’on s’est planté, qu’on a pris la tonfa pour une torche et qu’avec le recul ça fait mal. Mais on avait cette passion, alors on va leur dire que ce n’est pas qu’une excuse à l’échec, mais c’est aussi une flamme qui sert aussi à ne rien lâcher. C’est elle qui nous a permis de continuer à porter le Hiphop, à faire qu’il soit devenu ce qu’il est aujourd’hui et ça, personne ne pourra jamais nous le retirer.
Le problème c’est qu’en route on s’est tous un peu perdu et maintenant plus personne ne sait vraiment ce qu’il fait, plus personne ne fait ce qu’il sait, la transmission a sauté. C’est plein de ces « fils de » qui se sont inventés une vie pour venir vampiriser les nôtres, encore, toujours. Tu peux entendre des mecs prétendre que cette musique c’est un mélange de rap et de hiphop, de la musique urbaine quoi… bah ouais mais faut aussi dire qu’on a vendu notre culture pour des miettes alors après c’est difficile de réclamer du respect… de la musique urbaine… non mais merde. Et nous on a laissé dire ça. Et on continue à laisser faire parce qu’on est allé trop loin pour revenir, parce qu’on a peur de perdre nos contrats, nos bookings, etc. Mais en vrai on n’a plus rien à perdre depuis qu’on a bradé ce qui faisait notre force.
De la musique urbaine…
on n’en a pas fini toi et moi, parce qu’il faut arrêter de faire semblant.
Colt, un ami qui vous veut du bien.