L’appel du large, Jul, les tatouages, Le Grand Soir et plein d’autres encore. Des sujets qui n’ont, a priori, rien à voir ensemble. A priori, seulement. Parce qu’une fois tous les points reliés entre eux, le dessin apparaît : celui d’un chien bleu. Le seul artiste genevois à pouvoir se dire au centre d’autant de thématiques différentes. 

repreZent : Sur le titre « Océan Salé » de la session Nayuno, ton timbre de voix, ta mélancolie et ton univers très marqué m’ont fait penser à Arm, le rappeur breton. Comme il a vécu à Saint-Malo, quand je l’écoute, je vois les plages de Bretagne. Toi, du coup, compte tenu du titre et de ton refrain : «Attends reste encore un peu, jt’ai pas parlé des châteaux de sable/jt’ai pas parlé des marins qu’ont survécu/aux sirènes et ça peu le savent » est-ce que tu as grandi ou vécu proche d’un point d’eau? Sinon, as-tu une attirance particulière pour les océans ou les mers?

Chien Bleu : Nan,ma seule mer c’est le lac de Genève. Le truc c’est que ce sont des paysages qui inspirent. Ce sont des endroits qui ont des histoires, qui laissent la place à l’imagination. Dans mes deux pays, que ce soit la Suisse ou la Tchéquie, il n’y pas de points d’eau au sens où tu l’entends. Mais c’est peut-être aussi pour ça que ça me fait autant rêver. Je n’ai pas besoin de vivre pour en parler, parce que ça m’évoque des choses. Je trouve aussi qu’il y a quelque chose d’hyper graphique dans la mer. Il y a plein de métaphores associées : partir, quitter, s’échouer quelque part. Il existe toute une atmosphère et ça raconte plein de trucs. Brassens ou Renaud parlaient souvent de la mer dans leurs chansons.

« Je trouve aussi qu’il y a quelque chose d’hyper graphique dans la mer. Il y a plein de métaphores associées : partir, quitter, s’échouer quelque part ».

R : Pour continuer les présentations, j’ai lu que tu avais été chanteur dans un groupe de punk local. Comment s’est opéré la transition du punk au rap, depuis combien de temps rappes-tu et d’où vient ton pseudo?
CB : Très vite, je me suis mis à écouter du rap. Quand j’étais môme, j’écoutais Mafia K’1 Fry avec mon père. Ensuite, des groupes politisés parce que c’était le seul truc que je me permettais. Mais super vite, j’ai glissé : j’écoutais du Booba, du Kaaris. Même maintenant, j’adore ça. En fait le punk et le rap sont assez proches de par leurs origines populaires, leurs débuts politisés et leur accessibilité. À l’adolescence, je faisais du punk avec mes potes et à côté, je freestylais aussi avec d’autres qui étaient dans le pe-ra. J’écoutais beaucoup Furax [Furax Barbarossa, rappeur toulousain, NDR] et j’essayais de rapper comme lui. Mais le fait de rapper avec ma proposition actuelle, ça fait seulement quatre ans.  

Concernant la transition, il faut savoir que dans les groupes, il faut faire des concessions et je suis mauvais pour ça. À un moment, j’ai eu envie d’avoir ma vision, partir en solo avec ma proposition. Quitte à me tromper, autant me tromper tout seul.

Et pour finir, mon pseudo vient du livre « Chien Bleu » que me lisait ma maman. Au-delà de ce livre, j’aime bien l’aspect onirique du titre et le fait qu’il renvoie à une image simple. J’ai l’impression que mon écriture est assez graphique, que je propose des images, des saynètes. Si je m’étais appelé ZPLS, par exemple, ça ne renverrait à aucune image.

R : Concernant ton écriture justement, je trouve qu’elle est assez « céleste » par moments. Tu cites souvent le ciel, les étoiles. Assez contemplative aussi. T’es-tu essayé à la poésie littéraire avant la chanson?
CB : Je ne fais pas la distinction entre écrire de la poésie ou du rap. Pour moi, c’est pareil. Je suppose que Jul écrit de la poésie aussi.

R : Dans le clip « Un Plan », les scènes du caddie sur le parking m’ont rappelé Le Grand Soir, le film de Benoît Delépine et Gustave Kervern. C’est l’histoire du plus vieux punk de France, joué par Benoît Poelvoorde, qui se rapproche de son frère joué par Albert Dupontel. Ensemble, ils veulent entamer une révolution à leur manière.

CB : Je ne l’ai pas vu! Et c’est moi qui ai proposé la scène de caddie. Peut-être que j’ai vu quelque chose de similaire une fois… bon, on en a fait des courses de caddies quand on était plus jeunes, enfin des trucs de cons! Je me rappelle avoir poussé un pote dans un caddie en pente, il s’était pris une voiture garée. Eux-mêmes ont dû s’inspirer de quelque chose. 

« Je ne fais pas la distinction entre écrire de la poésie ou du rap. Pour moi, c’est pareil. Je suppose que Jul écrit aussi de la poésie ».

R : Toujours sur « Un plan », tu dis : «J’ai fait un plan qui tient dans une feuille OCB ». Est-ce que dans la vie et par rapport à la musique, tu laisses beaucoup de place à l’improvisation, la spontanéité et l’imprévu ou tu es quand même un peu du genre à prévoir et planifier? 
CB : Je suis quelqu’un qui aime bien maîtriser ce qui se passe autour de moi. Donc, je fais quand même pas mal de plans dans ma tête. J’ai un côté très réaliste. Il faut savoir que je suis indépendant, je suis tatoueur. Ce sont des vies qui nécessitent de la prévoyance de toute façon. Cependant, j’ai un instinct qui parfois prend le dessus et qui aboutit à une spontanéité impossible à contrôler.

Par rapport à la musique, je suis super au clair avec ce que je veux faire, je réfléchis toujours au projet en entier. J’aime bien avoir une vision d’ensemble. Je ne suis pas du genre à faire des sons au hasard et les mettre ensemble pour faire un album. Donc, je me demande quand le prochain projet va sortir, quels moyens on va mettre et quel sera le visuel…

R : Dernière question, j’ai vu que tu avais sorti plusieurs projets, mais je n’ai pas réussi à en déterminer l’ordre.
CB : Alors j’ai sorti un projet qui s’appelle La maison brûle, c’était mon tout premier. Ensuite, j’ai sorti Azur dans lequel il y a « Océan Salé ». Et pour finir Papillon, dans lequel il y a « Un plan ».

Par M. Macfly
Photo de Chien Bleu par Fabien Scotti