Cher Grëj

J’ai le sentiment que tu nous as donné rendez-vous au cœur même de Brooklyn avec au menu, des mélodies composées seul ou accompagné. On devine tout de suite que tu as fait joliment mijoter ce projet avant de nous le servir sur un plateau d’argent. Le tout, délicieusement saupoudré de feats choisis avec attention, chaque artiste apportant sa saveur pour mieux encore mettre en valeur celles des autres, même s’il faut que j’avoue d’entrée de jeu avoir eu un coup de cœur pour celui avec Djeemy Reduzi. Quoi qu’il en soit, écouter ton projet c’est aussi me ramener à l’année de mes débuts dans les médias rap suisse, où tu étais d’ailleurs présent à mes côtés, une époque où « Jeunes Coupables & Ivres » de M.A.M faisait son apparition. D’ailleurs en y repensant, je trouve que vous avez une nuance commune les deux, dans cette vibe que l’on retrouve sur certains morceaux même si M.A.M avait plus mélodies sur sa mixtape et ça n’aurait pas été de trop venant de toi aussi. 

J’parle tellement de langues, h-24 on the road.

Je te sais être un véritable polyglotte et en connaissance de cause j’aurais vraiment aimé t’écouter rapper en plusieurs langues, juste histoire de retourner des cerveaux. 

Aux amateurs de rimes très riches comme moi, j’ai envie de leur dire qu’ils ne seront pas forcément rassasiés avec ta cuisine, mais on sait aussi que derrière ta simplicité se cachent des punchlines parfaitement assaisonnées ainsi que de nombreuses références. Les amoureux du bon vieux rap sauront sans aucun doute savourer chaque minute fondante qui leur laissera même l’eau à la bouche. Car si les codes bruts des années 90 sont totalement respectés dans la composition des morceaux, les codes de 2022 consistants surtout à rendre ceux-ci plus courts le sont eux aussi. Exception faite sur « Beannie », le couvre-chef favori de notre cuistot favori. Mention spéciale pour le passage « Ils disent que j’suis le diable, que j’ai des cornes sous mon beannie. Que j’m’habile comme une tainp, que j’ai une chatte sous mon bikini. S’ils savaient que j’avais p’t’être un glock caché sous l’chiquito mimi… J’pose un seize plus chaud qu’celui d’ton idole et j’taille comme Houdini » qui m’a fait me taper un bon fou rire de validation, affalée dans mon canapé, en écoutant ton album de manière cérémoniale. En parlant d’où j’écoute ton album, bien au chaud, je remarque que ses couleurs chaudes ont été finement choisies, jusqu’au choix de la cover, et ça, c’est fort. Et que dire de son titre Cuisine ? Quel meilleur choix pour nom d’album, quand il s’agit de l’univers le plus abouti de celui-ci ? Mais venant de toi, je n’en attendais pas moins.  

Et si j’ai eu du mal à entrer dans ton univers au début (car bien trop matrixée par la Jersey Drill depuis quelques semaines), plus j’ai avancé dans les tracks et plus je m’y suis enfoncée comme dans du sable mouvant, ne cherchant à la fin, même plus à m’enfuir. Acceptation de mon sort ou potentiel Syndrome de Stockholm, j’ai même ressenti une certaine mélancolie en arrivant à la fin. Comme si j’avais passé plusieurs semaines sur l’écoute de ce projet alors que vingt minutes à peine venaient de s’écouler. Et là tout de suite, je suis totalement capable de te dire que tu vas me manquer. Je ne te cache pas que mon morceau préféré restera « Jardin Secret pt.2 » qui tournera dans ma playlist automnale et dont je reparlerai sûrement l’an prochain dans l’article allant avec ce thème. Parce que comme on dit « La mort n’arrête pas l’amour, elle l’intensifie. On est à jamais plus vivant que par des souvenirs car ils ne connaissent point l’oubli » et c’est l’hommage à tes êtres chers partis trop tôt, je le sais, qui a signé la conception de ce nouveau-né. 

Avec tout mon respect, 

Amy Mikaelson

Cuisine est disponible sur toutes les plateformes de streaming dont Spotify mais aussi et surtout en disque vinyle sur diggersfactory.
Pour tout savoir sur Cuisine on vous conseille d’aller lire ce thread sur son Twitter sans oublier la page rap genius de Grëj.