Interview du BM clan pour la sortie de Secret Society

promo2A l’occasion de la sortie du dernier album du BM clan, repreZent a interviewé Blanco avec qui nous revenons sur plus de 10 ans d’activisme, l’état du rap game en Suisse et bien sûr Secret Society, leur dernier opus qui contient non seulement un CD rempli de très bonnes choses mais aussi un DVD dans lequel on découvre la face cachée des 10ans de BM

BM est actif depuis maintenant plus de 10 sur la scène hiphop suisse, quel regard portes-tu sur votre évolution ?
Il y a 10-12 ans on était vraiment des petits sauvageons, quand on bougeait c’était toujours en nombre, on était là pour tout niquer comme on dit. Les concerts on débarquait à 40… sans jamais rien regretter notre comportement de l’époque nous a quand même fermé de nombreuses portes. Aujourd’hui on a tous entre 26 et 32 ans, certains sont père de famille, d’autres ont connu des expériences difficiles voir tragiques donc ont s’est tous plus ou moins assagi… heureusement d’ailleurs. Pas tout le monde n’a eu cette chance.
À nos débuts c’était assez freestyle on voulait juste kicker le mic et représenter. Maintenant on se prend beaucoup plus la tête sur la qualité de nos morceaux, on prend notre temps, avec l’expérience les thèmes abordés ont eux aussi évolué. Sans prétention on peut désormais aussi donner des conseils au plus jeunes pour peut-être leur faire éviter certaines erreurs qu’on a pu commettre… le vécu est là.

En plus de 10ans vous avez dû connaître quelques échecs, quelles sont tes plus grandes déceptions ?
Très vite on a compris qu’ici il n’y avait pas vraiment moyen de gagner de l’argent avec le son, à part pour les djs comme Jesaya qui vit de ça en mixant plusieurs fois par semaine et qui accompagne des ricains dans leur tournée européenne (CNN, Main Flow…). En plus vu qu’on est 14 artistes, quand on partage les benefs il ne reste pas grand-chose ☺. Donc de ce côté on a jamais vraiment été déçu… par contre, le manque de support de la part de certains médias et certaines chaînes tv nous a vraiment freiné dans notre évolution en terme de notoriété par rapport au grand public.
Sinon malgré notre activisme (plus de 25 projets sortis en 10 ans pour environ 14,000 ventes) et l’aspect social qui existe derrière BM, nous n’avons reçu aucune subvention pour notre projet et ça quand d’autres dont on n’entend jamais rien reçoivent 40,000.- ou se font financer des séjours à NY… bref on fait pas nos victimes, mais des fois ça dégoûte quand même.
Le manque de moyen financier nous limite vraiment par rapport à ce qu’on souhaiterait faire en terme de production et c’est notre plus grande déception.

D’où vous vient la motivation de continuer ?
C’est d’être sur les Guestlists et de boire a l’œil ☺
Non c’est essentiellement le plaisir de se retrouver ensemble en studio ou en concert.
Le fait d’être créatif, de partager ses idées, de se faire de nouveaux contacts un peu partout est également important. Étant indépendant nous pouvons réaliser nos projets de A à Z nous-mêmes donc on peut les sortir comme bon nous semble… même gratuitement sur le net.

Vous êtes très actif en suisse alémanique et vous pourriez vous en contenter, pourquoi cette envie de briser la barrière de roesti ?
Pour toucher plus de monde, en plus on attache une grande importance à nos textes que ce soit sur le fond ou sur la forme donc c’est bien d’essayer de toucher des auditeurs qui les comprennent. En plus ça s’est fait naturellement on est régulièrement sur Lausanne et Genève. Avant on était toujours en vadrouille que ce soit pour nos bizz ou simplement pour traîner ou sortir dans les soirées.

Comment expliques-tu que le public suisse alémanique soit plus acheteurs de rap suisse ?
Faut pas croire, mais ici aussi les artistes ne vendent pas beaucoup, à part 1 ou 2 personnes qu’on ne peut d’ailleurs plus vraiment classer dans la catégorie rap.
C’est partout pareil regarde le marché français ou allemand quand tu vois les chiffres de vente d’aujourd’hui et ceux de l’époque ça n’a plus rien à voir.

On peut aussi remarquer que les Suisses alémaniques sont friands de rap romand, comment expliques-tu cela ?
Il connaît essentiellement Stress et ça surtout par rapport à son dynamisme et à cause des médias qui le mettent en avant depuis de nombreuses années…
Il faut noter que le rap français n’a ici plus du tout le même impact auprès des jeunes qu’il y a quelques années. Avant il y’avait beaucoup de concerts de groupe français. Les gens du mouve connaissaient bien la scène française, maintenant ce n’est malheureusement plus trop le cas.

Quelles sont tes connexions en suisse romande ? Sur votre dernier album, est-ce qu’il y a des romands ?
Avec les compils CH200x que j’ai sorties tous les ans entre 2000 et 2006 j’ai pu rencontrer beaucoup de groupes romands. Ceux avec qui on a ou avait le plus d’affinité était des groupes par exemple la Sickswan Fam de Vevey, l’équipe Time Club, Mxx ou Underground Suspect de Lausanne, Wicked, African Thugs ou DHC de Genève, il y’a aussi Erikson mon poto de Fribourg… y’en a plein … big up à eux
Au niveau des featurings sur ce projet on n’a pas collaboré avec beaucoup de monde étant nous-même assez nombreux. On a cependant un morceau avec Futur Fambo un artiste de Kingston, un autre avec Sanders un chanteur de Montreux qui habite maintenant sur Zurich et on a fait un allstars avec les principaux rappeurs de Zürich

Comment se passe le travail, y a-t-il un fossé de langue ?
Non la langue n’a jamais été une barrière entre nous…. Ce qui compte c’est la vibe
Et sinon pour ce qui est de l’aspect organisationnel, promotionnel ça va je maîtrise quand même un peu l’allemand.

Parle-nous un peu des autres artistes présents, n’oublie pas que tu t’adresses à des romands, donne-nous envie d’écouter du rap en allemand !
Déjà plus de la moitié des textes sont en français, de plus la vibe est là, les sons sont lourds donc même si tout le monde ne comprend pas tous les textes, je pense que l’auditeur peut prendre plaisir à écouter nos sons et ressentir l’énergie qui s’en dégage…

Secret Society quel est le concept ?
Le titre Secret Society a été choisi, car il représente ce qu’est BM, en effet ce n’est pas seulement un label ça va beaucoup plus loin. Il faut savoir que l’entourage du BM Clan a réuni durant son apogée plus d’une centaine de personnes. On représente une catégorie de la population que l’état et les institutions tentent de mettre un peu à l’ écart de la croissance économique.
Le titre a aussi été choisi au moment où on parlait beaucoup du secret bancaire et des affaires suisses pas toujours très propres qui se passent dans les salons des grands hôtels. C’est une sorte de clin d’œil à tous les thugs en col blanc qui pèsent des millions et qui eux agissent en toute impunité.
Au niveau du message on veut montrer que même en « marge », ensemble on peut réaliser des choses positives et ça peu importe l’origine, la religion, le niveau social. L’aspect multiculturel est très important chez nous. On a des suisses, des français, des congolais, des yougoslaves, des italiens, un tibétain… et c’est une richesse énorme.
On veut montrer que ça ne sert à rien de se plaindre en attendant passivement, il faut se bouger et se prendre en main, même si ce n’est pas toujours simple faut pas oublier qu’on est en Suisse l’un des pays qui reste pour l’instant l’un des plus riche du monde.
L’album évoque bien entendu également tous les bons moments de la vie que ce soit les soirées en clubs, les délires entre potes durant les concerts, les voyages ou la vie de tous les jours.

Quelles sont tes influences musicales ?
Personnellement c’est assez large j’écoute de tout, rap, soul, ragga, funk, electro… ça dépend de l’ambiance dans laquelle je suis.
En ce moment j’aime bien des artistes comme birdman, mack 10, rick ross, drake
Serani, Major lazor… y’en a trop qui me touche, la musique est vraiment essentielle pour moi.

Est-ce que vous avez cherché à définir une ligne commerciale pour vendre l’album, est-ce que vous vous êtes fixé des limites ?
En fait, on travaille essentiellement au feeling sans penser forcement à l’aspect commercial… on a par exemple pas pu se payer de vrai clip pour ce projet, alors on a fait quelques vidéos nous-mêmes pour mettre sur le net comme la vidéo *Le monde est* qu’on a fait durant des vacances à Miami.
Maintenant l’aspect club, refrain chanté, on l’a toujours eu et ça notamment grâce à Piment qui a toujours été à la pointe en terme de production. Il est au courant de tout ce qui se fait aux states. Ça fait environ 3 ans qu’il se sert de l’autotune par exemple.
Pour ce qui est de l’aspect promotionnel c’est clair qu’on utilise tous les moyens qui sont à notre disposition, on essaie d’être partout… ya pas de limite.

Quels sont vos objectifs pour considérer que cet album est une réussite ?
Sincèrement le simple fait que ce projet soit sorti est déjà une réussite en soi. Ça m’a pris environ 2 ans à le réaliser et ce n’était pas simple tous les jours. En effet, il m’a fallu beaucoup d’énergie et de temps pour coordonner le tout. Et pour ceux qui connaissent personnellement certains membres de l’équipe, ils savent de quoi je parle.
Maintenant d’un point de vu commercial si on arrive à en vendre 1500-2000 exemplaires ce sera déjà bien

Est-ce que vous prévoyez une tournée pour cet album ?
À partir du printemps on va commencer les concerts, on va essayer de participer à quelques open air cet été. Mais bon trouver des plans concerts n’est pas simple… surtout qu’on n’en fait plus gratuitement… sauf quand c’est des concerts à but caritatifs

Parle-nous un peu du DVD qui est également disponible, est-ce une façon de remercier les gens qui achètent le CD ?
En fait, on a réalisé ce DVD dans un premier temps pour nous-mêmes. Depuis 10 ans on a toujours plus ou moins une camera avec nous et on voulait mettre tout ça au propre pour pouvoir montrer un jour a nos petits enfants comment on était dans notre jeunesse ☺
Maintenant, comme tu dis, c’est aussi pour remercier ceux qui nous suivent et nous soutiennent depuis le début. Comme il est offert avec l’album, on espère aussi en vendre un peu plus.
De plus, on l’a aussi fait pour que les gens se rendent mieux compte de ce qui se cache vraiment derrière la BM organisation. Il y a eu trop de désinformations qui ont couru sur nous ces dernières années et on a voulu par ce biais remettre certaines pendules à l’heure.
On y trouve des interviews, des images de concerts, backstage, studio. La thématique du reportage va au-delà du rapgame. En effet l’aspect sociologique est très important. Ça parle d’intégration, de la jeunesse zurichoise… malheureusement, on a plus eu le temps de le traduire en français… mais bon les images parle d’elle-même.

À propos du téléchargement, comment te positionnes-tu ? Penses-tu que l’important c’est d’être écouté ou qu’il faut avant tout vendre ses disques ?
Franchement je pense que le téléchargement est en train de tuer la musique indépendante et personne peut dire le contraire, regarde les labels français ou allemand ils ferment les uns après les autres… ça veut tout dire.
C’est bien d’être écouté, mais personnellement je préfère la qualité et pour qu’un artiste fournisse de la qualité il faut qu’il en ait les moyens. L’underground ça va un temps, mais après faut évoluer vers autre chose sinon ça ne sert à rien.
Désormais avec internet et tous les programmes disponibles il n’y a plus de public, juste des rappeurs qui écoutent d’autres rappeurs. Avant fallait vraiment faire ses preuves pour être reconnu dans ce game et ça n’était pas si simple de sortir quelque chose, la sélection se faisait naturellement.
À l’époque quand on voulait un cd on allait le voler au moins pour l’artiste ça comptait comme une vente et il pouvait continuer ☺
Maintenant pour ceux qui veulent juste faire les beaux sur myspace ou facebook et qui sont addicted au nombre de clics qu’ils ont sur leur page c’est clair qu’internet est un outil formidable.

Quelles sont les alternatives au CD selon toi ? Comment un artiste peut-il en 2010 vivre de son art en Suisse ?
Seuls des concerts réguliers permettent de gagner un peu d’argent… mais de là à en vivre faut pas rêver, le marché est beaucoup trop petit… je connais des gens trés doués que ce soit dans la mode, la photo, le design, la vidéo… et tout le monde galère. C’est un peu le problème de la Suisse, ici c’est vraiment dur d’entreprendre quelque chose en temps que créatif… ça reste du hobby. Ceux qui veulent vraiment tenter leur chance doivent bouger à l’étranger.

Pour terminer, quel message as-tu pour la Suisse romande ?
Je n’ai pas de message particulier à part l’union fait la force, faut faire des connexions, s’entraider, faire tourner les plans… on est déjà dans un petit pays et quand je vois les tensions et les barrières qui existent entre certaines villes ça me fait marrer… ici pour certains la Romandie c’est déjà l’étranger alors que franchement Zurich-Lausanne c’est 2.30 de voiture ou de train.
Sinon même si ce n’est pas évidant pour tout le monde essayez de soutenir les artistes suisses en achetant leur CD.

Qu’est-ce que veut dire repréZenter pour toi ?
Pour moi repréZenter c’est savoir d’où tu viens, c’est aller de l’avant quoi qu’il arrive, de tout faire pour atteindre ses objectifs, c’est de s’entraider avec ses proches, de rester loyal et c’est surtout faire connaitre son crew, son quartier par tous les moyens… comme à la bonne époque du tag.

Pour l’acheter c’est chez nos amis d’hiphopstore.ch, d’ailleurs et pour conclure cet interview, on vous annonce que désormais repreZent et aightgenossen collaborerons afin de pousser nos artistes dans l’autre côté du roesti-graben, on commencera par des échanges d’articles, ce qui veut dire que désormais une publication sur repreZent peut vous ouvrir les portes de la suisse-alémanique… encore une raison de plus pour nous envoyer des jolis dossiers de présentation.

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