Hocus Pocus A L'Interview

Il y a une année et demie, je vivais ma première interview pour repreZent (et même première tout court) en compagnie de 20Syl, la voix du groupe français Hocus Pocus. À l’époque, le groupe s’apparaîtrait à sortir « 16 pièces », leur troisième album. repreZent a donc trouvé sympa de prendre le temps de papoter avec 20Syl au Royal Arena, histoire de faire le bilan de cette année et demie écoulée, des projets qu’il nous prépare et de son opinion sur le rap actuel.

Vous tournez depuis un moment avec votre album « 16 pièces ». Est-ce que vous abordez le live différemment ?
C’est vrai qu’aujourd’hui, avec Hocus Pocus, on a pris du recul puisque la tournée est en quelque sorte terminée. On est déjà passé à un autre projet, celui de C2C. On fait quelques lives exceptionnels. Hier soir, on était à Hip Hop Camp, par exemple. C’était l’occasion aussi de faire une date en Suisse pour le Royal Arena et on est content d’être là. Mais, c’est vrai qu’on prend le live avec plus de recul. On ressent moins de stresse que pendant la tournée. On connaît bien les morceaux vu qu’on a tourné avec pendant un an. On fait ça vraiment pour le fun.

A force, est-ce que vous être lassés ou plutôt content que la tournée dure ?
On n’est pas lassé parce qu’on aime jouer nos morceaux et on aime se retrouver. Quand on n’est pas dans le cadre des tournées, on ne se voit pas énormément. Sauf avec les gars de C2C. Les autres musiciens sont un peu éparpillés donc on se voit moins. C’est l’occasion de se retrouver, de passer du bon temps ensemble et de se marrer un peu.

Quel a été le moment le plus marquant de votre tournée ?
Le Zénith à Paris qui était une grosse date où on avait beaucoup d’invités comme Alice Russel et Oxmo Puccino. C’était une grosse soirée, un gros événement qui nous a mis beaucoup de pression. Le concert était complet dans une grande salle parisienne donc pour nous ça a été un vrai succès. Ca été un peu la finalisation de tout le travail de ses trois albums. C’est peut-être ça le gros souvenir. Mais, les petites dates qu’on a pu faire en Europe et dans le reste du monde ont aussi été importantes, et ça reste de très bons souvenirs. On était pour la première fois au Québec récemment et ça s’est très bien passé. Tout va bien pour nous. On va laisser Hocus Pocus en marge pour quelque temps. Ça va être l’occasion de revenir avec quelque chose de frais, de neuf et avec de nouvelles idées.

Comment est-ce que tu prépares un concert devant un public qui n’est pas francophone ? Est-ce que tu le fais différemment ?
Non pas du tout, on a un set qui vachement basé sur l’énergie musicale et la communication, au-delà des messages purement textuels et cela même s’il y a du fond dans les paroles. Ça va plus loin que ça. Ayant joué au Japon, ayant joué dans des pays où les gens ne comprenaient pas un mot de ce que je disais, on arrive toujours à les embarquer dans notre délire. Finalement, j’ai assez peu d’interventions parlées dans le set où je m’adresse aux gens, où je leur explique des choses. C’est vraiment une communication musicale donc ça se passe assez bien dans n’importe quel pays.

Quand tu apprends que tu vas jouer au Japon, qu’est-ce que ça te fait de voir qu’il y a des Japonais qui t’écoutent ?
Avant tout, ça me fait un énorme plaisir. C’est une belle reconnaissance de se dire que j’ai réussi à faire une musique – sans parler des textes et de ma voix – qui touche au-delà des frontières. Ensuite, la musicalité de mes mots – et cela malgré la dureté de la langue française – a réussi à être acceptée par des gens qui ne comprennent pas la langue. La forme est aussi vraiment importante pour moi et c’est ce que j’ai perdu durant ces dernières années dans le rap français. C’est-à-dire que le fond et le message un peu dur ont pris le dessus sur la forme et le flow qui étaient quelque chose de primordial dans le début des années 90. On retrouve des groupes aujourd’hui, comme 1995 et tout ces jeunes groupes, qui reviennent au travail du flow et de la musicalité des mots. Je trouve que c’est quelque chose d’important et surtout quand tu parles d’exporter ta musique. J’aimerais pouvoir écouter du rap français comme j’écoute du rap américain. À savoir, sans forcément porter attention au texte et juste en écoutant le truc comme un flow abstrait. C’est quelque chose que j’ai dû mal à faire parce que les mots ne sont pas mis en musique de manière très rythmique et très fluide. Souvent, c’est assez plat ou brutal ou encore mal calé. J’ai entendu beaucoup de rap où tu ne sentais pas la rythmique et le swing dans le flow et dans la voix.

Tes tweets nous ont révélé ton nouveau projet. Tu peux nous en dire quelques mots ?
On est tout les jours en studio avec C2C, donc les quatre DJ : DJ Atom, DJ Pfel, DJ Greem et moi-même. Là, je lâche mon micro pour prendre la place de producteur, compositeur aux côtés des trois autres DJ. C’est un beau projet dans lequel on ne s’est fixé aucune limite musicale. On va dans tous les sens et on prend beaucoup de plaisir à le faire. On arrive quand même à donner une ligne directrice à tout cela tout en ayant des morceaux rock, jazz voir même plus pop parfois. C’est un projet très ouvert qui fait plaisir. Ça permet de rafraîchir toutes les idées qu’on pouvait avoir.

Il y a quelques semaines, je suis tombée sur un de tes tweets accompagnés d’une photo. Sur la photo, on pouvait voir une image de M. Pokora sur ta bibliothèque. Simple blague ou appel à la collaboration ?
Non, non c’était juste une blague. Pour la petite histoire, c’est la chambre de DJ Atom chez moi pendant la session d’enregistrement. Ma copine lui avait mis un petit calendrier Matt Pokora pour la blague. On s’est dit qu’on allait prendre la photo, la mettre sur twitter et voir si les gens iraient chercher le détail dans l’arrière-plan.

As-tu une idée de la couleur d’un éventuel prochain album d’Hocus Pocus ?
Pas vraiment et c’est aussi l’intérêt de mettre le projet entre parenthèses pendant quelque temps et de se concentrer sur quelque chose de complètement nouveau avec C2C. On va se rafraîchir les idées et s’ouvrir musicalement. En côtoyant les gars de Beat Torrent qui font aussi partie de C2C, j’écoute plein de nouveaux trucs, pas mal d’électro un peu bourrin, du dubstep. C’est des styles que je n’écoutais pas trop jusqu’ici. Ca me donne des nouvelles idées et je me dis que c’est aussi des choses qui pourraient nourrir un peu les univers d’Hocus Pocus. En travaillant sur C2C, il y a des petites idées qui commencent à me venir pour les prochains albums d’Hocus. C’est aussi une expérience, car on est tous les jours en studio, on teste des sons, on enregistre des nouveaux instruments, des nouvelles percussions testent des nouveaux sons de synthé. Tous ces sons-là, c’est aussi une expérience qu’on met de côté pour les projets d’Hocus Pocus. Il n’y a rien de précis pour le moment, mais on est en train de se nourrir pour la suite

Le monde du hip-hop a été tenu en haleine jusqu’à il y a quelques jours en ce qui concerne la sortie de l’album de Kanye West et Jay-Z, « Watch the throne ». L’as-tu écouté ? Si oui, qu’en penses-tu ?
J’ai acheté l’album par curiosité plus que par réel goût. J’étais curieux de voir ce qu’ils avaient pu faire. Je n’ai pas été enflammé par le truc. Il y a de bons morceaux comme celui produit par Pete Rock par exemple, même si c’est du gros gros sample. Il y a d’ailleurs pas mal de choses comme cela dans l’album. Bon, les gars sont là. Ils rap bien, il y a du flow. Au niveau du texte, par contre, j’ai l’impression que ca ne va pas très très loin. Rien que pour le clip qu’ils ont sorti (ndlr : le clip du titre « Otis ») j’ai été vraiment déçu. Et pourtant je suis un grand fan de Spike Jonze mais là j’ai été vraiment déçu par le truc. Ca pas été la révélation pour moi, il y a d’autres trucs qui m’ont plus mis la claque.

Comme quoi par exemple ?
L’album de Zo ! qui est, je crois, un projet qui est affilié par Foreign Exchange et qui est sorti gratuitement sur BandCamp et qui tue tout simple.

En 2010, lors de notre première rencontre, tu nous définissais le terme « repreZent » comme un mot te faisant penser au morceau de Nas mais aussi comme un mot qui, mis en rapport avec le hip-hop, ne te plais pas tellement puisqu’il peut donner un esprit de dédain. Cette définition est-elle toujours d’actualité ?
Négatif dans le sens un petit peu chauvin. C’est un petit peu ça, le côté « on se représente soi-même ou en tout cas un entourage très proche ». Je comprends la démarche, mais je pense que c’est avant tout de la musique et que cela doit aller plus loin que la simple représentation d’une localité ou d’un état d’esprit. Peut-être, quand c’est pour reprezenter un message positif, etc. pourquoi pas. Mais oui, ça m’évoque toujours le morceau de Nas et c’est peut-être le côté que je retiendrais, le côté plus positif.

par Sophia Jasmina