Véritable phénomène de la scène rap hexagonal, Gradur ne laisse personne indifférent, y compris chez repreZent qui a profité de son dernier concert à Neuchâtel pour lui poser quelques questions sur sa vision du rap, mais aussi de l’image qu’il véhicule… enfin ça c’était notre idée de base, après on s’est renseigné sur l’artiste et l’on s’est pris une claque générationnelle quand on a découvert que Gradur avait l’âge de notre première platine. On a donc décidé de ne pas trop se la jouer vieux cons » qui connaissent tout mieux que les jeunes et l’on a abordé cette interview comme toutes les autres.

On commence donc en demandant à Gradur quel regard il porte sur le rap d’avant, le rap de notre jeunesse finalement… J’écoute du rap depuis longtemps donc évidemment que je respecte ce qu’a fait la génération d’avant moi, maintenant toutes les choses évoluent. Avant le rap était plus porté sur les textes, maintenant c’est plus les flows, la musique… c’est une sorte d’évolution.

Cette évolution justement, comment est-ce qu’il la perçoit, qu’est-ce qui a changé selon lui ? Je pense qu’il y a une certaine partie des jeunes qui n’a plus envie de se prendre la tête, qui veut juste écouter un mec qui va les faire kiffer sans plus, sans se prendre la tête.

Et c’est sans se prendre la tête que Gradur nous répond lorsqu’on lui demande s’il ne serait pas une sorte de porte-parole de cette génération… Porte-parole c’est un grand mot, je me vois plus comme un repreZentant d’une nouvelle génération, de mecs qui ne se prennent pas la tête, qui s’amusent… qui ne se prennent pas au sérieux dans le rap.

Ce serait donc ça qui explique son succès ? Si aujourd’hui mon style de rap marche c’est peut-être simplement parce que c’est ce que veut le public… comment expliquer ça… il y a des attentes au niveau du public, les jeunes aiment ce style-là. C’est une sorte de soupape, quand tu rentres du travail ou que t’as passé une sale journée, t’écoutes un mec comme moi, ça libère en quelque sorte, ou quand tu fais ton sport, t’as juste envie d’écouter un truc qui va te motiver, pas qui vienne te faire la leçon… des fois c’est juste ce qu’il te faut, un truc qui te fait simplement bouger la tête. Faut de tout dans le rap, y’a des mecs avec des grosses écritures qui vont te faire cogiter, des mecs comme moi… faut de tout non ?

C’est vrai… mais est-ce qu’il n’a pas un peu peur de s’enfermer dans un style, dans une case et de ne plus pouvoir en sortir ? Personnellement, j’assume de faire du rap façon trap même si je pense avoir démontré dans certains freestyles et sur mon album que j’étais capable de faire autre chose avec des sons comme « Jamais » ou « Secteur ». Je peux aussi faire des choses différentes et j’ai besoin de me prouver à moi-même que je peux faire autre chose. Je suis mon premier fan et donc automatiquement je me dis qu’il ne faut pas que j’écoute toujours la même chose.

On ne peut s’empêcher de lui demander comment se gère une telle notoriété gagnée en si peu de temps… C’est surprenant d’avoir une telle ascension en si peu de temps, mais après j’ai quand même travaillé, tout ne m’est pas tombé dessus du jour au lendemain non plus. Même si à la base tout est parti d’un délire, j’ai travaillé pour y arriver, j’ai travaillé ma promo, ma communication. C’est un tout, mais je reste toujours surpris.

Comme nous en fait… Et parce que finalement on ne peut s’empêcher de jouer aux vieux cons, on ne peut s’empêcher de lui demander s’il va profiter de cette notoriété pour faire passer quelques messages…
Si je peux profiter de ma notoriété pour conscientiser les gens sur des sujets plus graves, je vais le faire, des choses dont personne ne parle, comme ce qui se passe en Afrique et plus spécifiquement en RDC par exemple… Si l’on a l’occasion d’informer les gens, faut la saisir. C’est ça aussi être un rappeur, c’est bien de faire de la musique pour divertir, mais il faut aussi assumer son statut et prendre la parole quand il le faut.

Parole qu’il prend d’ailleurs sur les différents réseaux sociaux, à défaut de pouvoir le faire en interviews par exemple… C’est important de prendre position, maintenant si l’on ne me donne pas l’occasion de donner mon point de vue sur des points importants c’est plus difficile. On s’intéresse rarement à mes racines, à l’Afrique… sur ce qui s’y passe parfois. Personne ne parle des millions de morts en RDC, on a l’impression que tout ça doit rester un peu caché… Personne ne parle de ça dans les médias, on dirait que ça ne rapporte rien de parler de ce genre de chose alors qu’un petit truc qui se passe par ici tout le monde en parlera. Ça me fait mal quand je vois comment son traiter des sujets si peu important alors que personne ne prend vraiment position sur ce qui se passe en Afrique, et c’est la même pour les artistes… c’est un tout. Si tous les artistes qui ont la possibilité de se faire entendre en parlaient, les choses bougeraient j’en suis persuadé.

Et alors que notre interview prenait une tournure plus consciente, la réalité du showbizz nous rattrape, il est l’heure pour Gradur de monter sur scène, juste après nous avoir demandé de passer un dernier message à ses fans en Suisse : Un gros big up à tous les Suisses qui me soutiennent depuis le début, grosse force à vous, ça me fait toujours très plaisir de venir en concert par ici… donc force à vous les shegueys.