Flavor Flav: Fuck Def Jam

flavor_flavVous connaissez sans aucun doute l’excellent site internet GasFace et il doit se trouver un haut de vos onglets favoris, si ce n’est pas le cas, alors hop! Pour vous donner un petit avant goût de ce qu’ils font, voilà un superbe itw de l’homme à l’horloge, Mr Flavor Flav qui revient sur sa carrière, le rap game, Def Jam, son horloge, etc… Un itw que tout repreZentien doit avoir lu!
Big Up à l’équipe de Gas Face, merci pour le taff!

Comment as-tu connu Chuck D ?
En 1981, par le biais de mon pote Son of Bazerk, qui avait à l’époque un groupe appelé Townhouse Street, dont Chuck et lui étaient les leaders. On était tous deejays itinérants à l’époque. Un jour, je suis venu chez mon pote pour jouer du clavier, et j’ai rencontré Chuck, Hank et Keith Shocklee [la moitié du Bomb Squad]. A partir de ce moment là, j’ai intégré le crew, qui est devenu Spectrum city. On posait notre sound-system dans les parcs… histoire d’apaiser les tensions : dans notre quartier, c’était super chaud, les gens se mettaient la pression sans arrêt. Grâce à ces shows, les gens pouvaient se défouler, libérer toute cette énergie contenue sans se faire de mal les uns aux autres…

J’ai lu quelque part que le 1er sampler utilisé par le Bomb Squad leur avait été prêté par Eddie Murphy (alors inconnu)…

Fausse information. Le 1er sampler que j’ai vu de ma vie, c’est un truc que j’ai vu devant moi avant même de pouvoir imaginer que ça puisse exister, et c’est Chuck qui l’a fabriqué. Ca c’est passé comme ça : un soir, j’arrive au studio, et il y avait ce disque, «Blow your head», avec lequel on a fait «Public Enemy Number One». Chuck était en train de le sampler à partir d’un poste cassette, relié à un micro, lui-même relié à un autre poste cassette. Donc notre premier sampler ne venait pas d’Eddie Murphy… Mais Eddie est bien mon pote : on était ensemble en cours d’anglais au lycée de Roosevelt, en 9th grade. On avait cette prof, Miss Muckle, dont je me rappelle bien… lui aussi, je parie. J’ai fréquenté cette école 6 mois et je suis retourné à Freeport ensuite, pour valider mes exams… enfin, non : pour les passer seulement puisque je les ai loupé. J’ai aucun diplôme en fait.

Eddie était marrant à l’époque ?
Non. Il est plutôt discret, on l’entendait jamais.

Qu’est-ce qu’il lui est arrivé alors ?
Ben…il a explosé, et il est devenu la star des foyers, une icône. Can’t nobody mess with Big Daddy Day Kay, il est de retour au top !

Tu as vu Ghost Dog (1) [de Jim Jarmusch]? Ca parle de toi à un moment.
On m’en a déjà parlé, mais je l’ai pas vu. On m’a parlé de ce Mini-me (2) …J’aime le fait qu’on ait ce genre de pensée pour moi, ça me touche. Un jour je le verrai, mais en fait, je ne suis pas branché télé, ni films d’ailleurs. Même les films où je joue : j’ai vu New Jack City deux ans après sa sortie.

Tu joues dans ce film ?
Dans deux scènes : celle de la boite, et celle du réveillon à la fin. Tu te rappelles pas ? Quand Nino Brown arrive dans le club ? C’est moi qui gueule «Ninooooo !!!»

Ca me revient… quel est l’histoire du titre Burn Hollywoood Burn [avec Ice Cube et Big Daddy Kane] ?
Chuck a écrit toute la chanson, et j’ai rajouté un petit truc à la fin… C’était un véritable honneur de poser avec BDK, et le tournage du clip à LA, c’était du délire… Cette chanson est révélatrice de l’état d’esprit de Chuck à une époque où les blancs se foutaient ouvertement de la gueule des noirs à la télé : des mecs venaient même faire le singe avec le visage peint en noir… Attends, on est des gens normaux, pourquoi tu te fous de nous comme ça ? Les gens sont simplement des gens, il n’y a pas de race qui soit supérieure ! Pourquoi nous descendre à la télé ? Est-ce que les noirs viennent se foutre de la gueule des blancs ? A l’époque, il y avait un tas de film de merde dans ce genre, sans un seul noir au casting.

C’est le sujet du Bamboozled de Spike Lee… C’est Spike qui a réalisé le clip Fight the Power ?
C’était pour la B.O du film Do the right thing… Je me rappelle du tournage à Bed Stuy : un truc de malade, avec 50 000 personnes dans la foule. On a rebossé avec lui pour He Got Game. J’aimerais bien jouer pour lui dans un vrai film, d’ailleurs c’est prévu depuis super longtemps… Mais bon, je désespère pas.

Tu le vois toujours ?
Ouais, souvent… à la télé, quand les Yankees ou les Knicks jouent ! … Mais d’un point de vue personnel, non.

Vous êtes apparu dans les Simpson…
Les Simpson ??? Ah bon ? Je savais pas. J’ai jamais regardé cette série.

«It takes a nation of million to hold us back» est un des albums préférés de Kurt Cobain; c’est un des must de la production Hip Hop pour George Clinton
(Flatté to the fullest) Whoa ! C’est un honneur ! Et George Clinton ! He’s my boy ! C’est un ami très proche… un patron du style ! Lui, et James Brown, ont porté le Funk vers les autres musiques. Et une partie de mon style vient de lui : le côté cinglé, sa façon de se saper, les lunettes de ouf… En fait, je suis le George Clinton du Hip Hop ! Je ne suis pas seulement le hype man, je suis aussi le cinglé… Pas dans la vie, hein ? Seulement sur scène.

T’es le papa des ODB, Redman…
Et c’est génial ! C’est à travers eux que je réalise l’impact que j’ai eu sur la scène Hip Hop. J’ai dû faire quelque chose de bien pour qu’ils s’en inspirent… Busta [Rhymes], Buschwick Bill [le nain des Geto Boys], ODB, et les autres… Je suis le premier à avoir mis ça sur disque et en images : le mec de rue cramé ! They gotta bow down to the king, kid !

Pourquoi l’horloge autour du cou ?
Un jour, on se balade dans un port du New Jersey avec mes potes… Son of Bazerk attrape une horloge waterproof, comme celles qu’on met dans les douches. Il me la met autour du cou, « T’oseras pas la porter ce soir au concert ». J’ai tenu le pari, pour rigoler, et les gens ont même plutôt bien réagi. Très vite, ça a pris de l’ampleur : le mois d’après, au Japon, tous les mecs présents dans la salle portaient une horloge autour du coup ! In-croy-able ! Pareil à Londres dans la Brixton Academy… D’ailleurs, Chuck aussi en portait une à l’époque… Ca me rappelle qu’il m’est arrivé un truc de fou un jour en Suisse : j’étais au resto quand quelqu’un est venu m’apporter un paquet : «C’est pour vous». J’ouvre le truc : c’était une horloge avec mon nom gravé dessus ! Quand je la passe autour du cou, je vois un genre de coucou, avec ma tête, qui sort en faisant «Yeeaaah bwoyeeee !» (Ri-go-lade) Le pire c’est que je n’ai jamais su qui l’a faite, ni même qui me l’a offerte !

Sur scène tu as évoqué Barry White…
Barry était là bien avant nous… c’est une personne pour qui j’ai beaucoup de respect… La première fois que je l’ai vu, c’était après un concert, au Hoosier Dome, dans l’Indiana. Je ne savais pas qu’on partageait le même hôtel. Quand on s’est croisé, j’étais sur le cul. «Hey, comment ça va Flavor ?» (il imite son timbre de voix). «Merde ! Vous me connaissez ?» Mec, c’est BARRY WHITE ! J’allais me présenter, et il me fait «Salut Flav», comme si on était potes ! On s’est échangé nos numéros… on s’est même revu par la suite… On devait enregistrer ensemble… avant de perdre contact. C’est dommage, j’aurais aimé le revoir… La prochaine fois qu’on va se revoir, c’est au paradis, parce que c’est là qu’il est pour avoir été un homme si bon et pour nous avoir donné de la bonne musique pour des siècles et des siècles.

T’as aussi dédicacé Jam Master Jay…
JMJ… On a fait deux tournées mondiales en compagnie de Run DMC, ce qui fait qu’on a partagé plein de bons moments ensemble. On était de bons amis… La plupart du temps, ils jouaient après nous, alors j’allais me doucher et me changer en vitesse pour être sur scène avec eux. J’ai pas mal fait sauter les cellules de JMJ en dansant sur sa table, ça le rendait dingue. Je lui ai souvent cassé les couilles… j’aimais bien.
On avait inventé un mot ensemble : «meccadoscious». Un jour, on allait au Texas, et quand on nous a annoncé qu’on allait jouer à Meccadoscio, Jay se retourne et me fait «Waow ! That’s meccadoscious !». Il me manque beaucoup… En plus, c’est lui et DMC qui ont introduit Chuck chez Def Jam pour sortir «Public Enemy Number One». On se connaissait depuis 83, à l’époque où on avait, en tant que deejays, une émission sur WBAU, une radio universitaire où Run, Dmc et JMJ venaient souvent, ainsi que les Fat Boys, Doug E Fresh, Just-Ice, les Beastie Boys… tout le monde en fait. (Long soupir) Ouais… tu me manques Jay.

Qu’est-ce que tu penses de l’évolution du label Def Jam ?
Fuck Def Jam !

… c’est tout ?
Ils m’ont tourné le dos, donc je les emmerde.

A toi ou à P.E ?
A moi, personnellement. Une fois, j’ai vraiment eu besoin d’eux pour une putain d’urgence vitale, et Russell (Simmons) et Lyor (Cohen) m’ont laissé tomber. En plus, j’avais un contrat solo avec Def Jam, et ils n’ont pas sorti mon album. Pourquoi ? A cause de Public Enemy. Les gars de Def Jam veulent me baiser ? Je les emmerde. Question suivante.

(Silence… on est écœuré… Nico lance tristement) C’est pas cool. C’est vous qui avez fait Def Jam.
C’est clair, j’ai contribué à construire Def Jam, et eux m’ont planté. If I can wash your hands and you can’t wash mines, fuck you.

Vous étiez de bons potes avec Russell ?
Ouais, avec Russel et Lyor… On est toujours de bons amis, c’est juste le business qui est mort. On peut toujours faire la fête et picoler ensemble : j’aime Russel, j’aime Lyor, et je refuse de laisser ce business de merde ruiner notre amitié.

Tu connais un type anglais qui s’appelle Tricky ?
C’est mon pote ! J’aime ce mec, c’est mon putain de pote ! Ca fait des années qu’on se connaît, en plus on a fait quelques scènes ensemble. He rocks da house !

Il a fait plusieurs reprises de vous, dont «Black steel (3) »15, je crois… T’as aimé sa version ?
Ben ouais, c’est mon pote : il est bon ! J’aime sa musique : Word up. Personne ne peut dire du mal de lui. Pas quand je suis là.

Et la reprise de «Public Enemy Number One» par Puffy ?
… Elle était bien, vu que j’étais dans le clip. Remarque, je l’ai un peu forcé à m’y mettre : il ne m’avait rien demandé au départ. Le premier clip qu’il a fait pour ce titre a été tourné pendant la Portorican day parade. Je me suis tout simplement incrusté. Il ne cherchait pas à m’avoir dans la chanson ou dans le clip, je suis donc allé le voir :
« – Qu’est-ce que tu fais ? Tu reprends ma chanson et je ne suis même pas dans le putain d’clip ? What the fuck ?!
– Attends Flav, calme-toi… Va voir mon styliste, il va te filer des sapes pour le tournage et tu vas…
– OK, c’est parti !» (Rires)
Il m’a invité en Californie… je suis à côté de lui dans une Lamborghini blanche, avec des lunettes blanches… c’est raccord. Au final, j’ai bien rigolé, donc ça va.

Dans «Black Steel», Chuck parle des menaces qu’il reçoit de la part du FBI. Vous êtes toujours sujets à des pressions de ce type ?
Non, plus maintenant, on a fait en sorte de s’éloigner d’eux au maximum, de les tenir à distance… Un autre truc dont Chuck parle dans l’album c’est la draft : si les USA entre en guerre, tu peux recevoir une lettre chez toi qui t’oblige à intégrer les rangs de l’armée. (Il rappe… avec Gro Swift) I got a letter from the government / the other day / I opened it n’ read it / it said they were suckers / they wanted me, for their army or whatever / but pitchin’ me givin’ a damn / I said never…

Et il est allé en prison pour avoir refusé.
Ouais, si tu refuses d’aller à la draft, tu pars faire 5 ans de taule.

Chuck a fait 5 ans ?
Non ! Il a seulement décrit la chose. Il n’a pas été drafté, pas plus qu’il n’a été en prison. Il n’a pas passé la moindre journée en prison, de toute sa vie. Le seul membre de Public Enemy à avoir fait de la taule, c’est Flavor Flav.

(1) Un mafioso en peignoir rappe «Cold Lampin with Flavor» devant sa glace, avant de se faire buter par le Ghost Dog.
(2) Il confond avec le nain qui l’imite dans Austin Powers 3 «Goldmember» et qui dédicace ses homies de Bruges sur un beat de Jay-Z. On avait pas encore vu le film à l’époque de l’itw, d’où le malentendu.
(3) Black steel in the hour of chaos. Voir le 1er abum de Tricky, Maxinquaye