Entretiens à la clé, le principe de [The Architects] est de s’entretenir avec des Beatmakers qui ont marqué l’auteur de cette chronique. Parce que s’il est bon de bâtir sur de solides fondations, il est primordial d’avoir des architectes.
Été 2019. C’est en préparant les cartons chez moi, que je suis retombé sur « Start a Fresh », un CD de remix US composé par Soulchildren, duo émérite de producteurs français. L’idée d’en contacter l’un deux a suivi tout naturellement… C’est finalement par mails interposés que s’est concrétisé cet entretien.
repreZent : Quand as-tu commencé à produire ?
Lionel : C’était autour de 2000. Ce qui m’a mis dedans, c’était d’abord le côté Dj qui était proéminent à ce moment-là. On faisait des mixtapes artisanales. On achetait beaucoup de vinyles. On écoutait la musique de cette époque avec tellement d’amour que l’envie de produire est venue toute seule. J’ai rencontré mon premier sampleur (S2000) et puis j’ai vite bifurqué vers le tout PC. Maintenant c’est la norme. A ce moment-là, les gens trouvaient bizarre de voir quelqu’un produire à la souris.
Tes inspirations ?
Au départ c’était exclusivement DJ Premier. Donc Group Home, Gangstarr, Paula Perry, Rakim. Je crois qu’au début, je n’aimais pas vraiment le rap US mais j’aimais le son de Primo. Ça m’a collé longtemps. Encore aujourd’hui, je ressens beaucoup d’émotions à écouter ses prods. Il y a eu aussi Rockwilder de l’autre côté du panorama qui m’a passionné. J’ai écouté, disséqué… Timbaland également m’a beaucoup influencé. Sans oublier Hi-Tek, Dr Dre (l’équipe Aftermath), Alchemist et Nottz. En France, DJ Logilo m’a beaucoup marqué aussi.
« Installés c’est un bien grand mot. Ça a été très progressif. Au départ, et pendant 15 ans, je me suis pris un nombre incalculable de vestes. »
Te rappelles-tu du premier titre qui vous a installé (Soulchildren) en tant que producteurs dans le paysage du rap en français ?
Installés c’est un bien grand mot. Ça a été très progressif. Au départ, et pendant 15 ans, je me suis pris un nombre incalculable de vestes. J’ai essuyé des dizaines de refus de rappeurs qui parfois n’écoutaient même pas les CDs de prods qu’on leur donnait. Et puis il y a eu Start a fresh notre CD de remix US. A partir de là, le label Bombattak a manifesté de l’intérêt pour notre travail. Le morceau « l’Effet Papillon » de Youssoupha nous a fait connaître plus largement je crois.
J’avais acheté à l’époque votre CD de remix US. J’y reviens encore régulièrement, d’ailleurs. Parle-moi de la conception de cet album.
Il nous fallait sortir un disque. Mettre en avant notre travail de producteurs. Quand tu n’es personne, ton travail n’intéresse personne. Même si il est qualitatif. Je faisais beaucoup de remix pour moi depuis mes 1ères mixtapes, c’était très formateur. Là on s’est dit qu’on pourrait impressionner en s’attaquant à des remix de morceaux de rap US connus pour leurs prods. Du coup, j’ai bossé pas mal de titres dans mon coin. Avec Nico (2ème moitié des Soulchildren), on a fait un titre ou deux ensemble. Sur le disque, il y a même une prod d’Xpert (Laurent) qui est mon premier binôme.
J’étais dans la position du producteur qui doit trouver une prod’ qui colle à la peau d’un rappeur, lui trouver un univers. Et qui si possible puisse rivaliser avec l’original. Grace au CD, on a eu beaucoup de bons retours.
Big L – « Flamboyant » (The Soulchildren remix), extrait du LP “Start a Fresh” sorti en 2006
Avec quel matériel travailles-tu en ce moment ?
Depuis des années, je travaille avec un PC (Cubase). J’ai laissé passer un tournant technologique ces dernières années.
« Une histoire parmi tant d’autres, c’est lorsque Booba nous avait bloqué une prod’, qu’un tracklist de l’album était sorti sur internet avec le crédit Soulchildren. Le titre n’a jamais été fini. Ça a été le cas trois fois, je crois, avec Booba. »
Une ou deux anecdotes bonnes ou mauvaises, sur vos sessions studio
Les enregistrements des albums avec Pejmaxx sont d’excellent souvenirs. Tout était très facile entre nous. Je bossais beaucoup pour lui proposer les meilleurs prods possibles. J’ai d’ailleurs dans mes archives des centaines de remix de ses morceaux qui me servaient à tester les prods avant de les lui proposer.
Une autre anecdote: Nous étions allés à Marseille pour le mix du morceau que j’avais produit pour Akhenaton (« On te valide »). J’étais très heureux d’aller à sa rencontre. Finalement, la journée n’a pas été pour moi un grand souvenir. J’aurais voulu avoir le temps d’échanger et d’installer une relation de travail avec lui. Ça ne s’est pas fait. Ce morceau avait d’ailleurs été pressenti par Iam pour être le 1er single de leur album de l’époque. Ça n’a pas été le cas. Au même moment, Akh avait posé un autre titre sur une de mes prods. J’avais été très déçu que la prod soit finalement remplacée par une autre sur leur album (« Nos Heures de Gloire »).
Une histoire parmi tant d’autres, c’est lorsque Booba nous avait bloqué une prod’. Qu’un tracklist de l’album était sorti sur internet avec le crédit Soulchildren. Le titre n’a jamais été fini. Ça a été le cas trois fois je crois avec Booba.
Les pires anecdotes sont si longues à énumérer… Les heures à attendre, les retards, les refus, les promesses non tenues, les déceptions, la violence morale du milieu de la musique… Mais c’est la vie, bien entendu. Et je ne regrette rien.
La prod’ que tu préfères en rap français, toutes époques confondues ?
C’est une question trop difficile. Il y a celles que j’écoute avec émotion comme Ideal J « J’ai mal au cœur » et celles qui me rappellent de grands souvenirs comme IAM « Elle donne son corps avant son nom » , Zoxea « Hymne au Mozoezet »… et puis celles qui m’impressionnaient comme Triptik « Le piège » ou Puzzle « J’pousse à fond ». Ces derniers temps, j’ai aimé A7 de SCH, tout l’univers de Damso (Festival de rêves, Nwaar, J’respecte R, etc.), le travail de Sofiane Pamart avec Scylla et plein d’autres choses…
R: Ta prod préférée parmi celles que tu as produites ?
« Thérapie 2 » de Pejmaxx.
Futurs projets ?
Je travaille beaucoup pour la télévision en ce moment. Je compose la musique pour l’émission Cash Investigation. J’aimerai bien sortir un 3e projet solo. Il y a des choses commencées avec Lucio Bukowski, L’Hexaler, Isha, Bakary Sama, OlZico, etc… En complément de la musique, j’écris également. J’ai publié des poèmes dans plusieurs revues littéraires (L’Hermine et la plume, Schnaps!, Nègre Blanc). D’autres sorties sont prévues à l’avenir !
par Marty MacFly