Un contrôle n’est jamais neutre, c’est même parfois une condamnation sans procès. On nous répète que la police protège, mais qui nous protège de la police ? Pour beaucoup d’entre nous, la vue d’un uniforme n’annonce pas la sécurité, elle annonce l’humiliation. La peur est devenue réflexe et quand la peur prend le dessus, fuir devient un reflexe logique.

Deux adolescents meurent en quelques semaines lors d’une poursuite. Quelques jours plus tard, une conférence de presse de la Municipalité de Lausanne nous avoue ce que l’on sait depuis des années, le racisme gangrènent la police. Au moins 10 % de ses agents se lâchent dans des groupes WhatsApp. Racisme, sexisme, antisémitisme, validisme… la routine du mépris. La Municipalité parle enfin d’un mal « systémique ». Rare aveu. Trop tard.

Car ce n’est pas un accident, ce n’est pas juste une intervention qui finit mal, c’est une répétition. Dans le canton de Vaud, les noms s’empilent… Hervé Mandundu abattu à Bex, Lamin Fatty mort après un contrôle, Mike Ben Peter plaqué au sol et étouffé, Roger Nzoy tué sur un quai de gare. Quatre visages, quatre histoires, un même fil rouge, un uniforme en face, un cercueil à la fin et rien ou presque pour les policiers mis en cause qui continuent d’exercer leur métier.

On dira que la Suisse a confiance en sa police, 75 % selon l’OCDE. Mais cette moyenne masque ce qu’on ne voit pas tant qu’on n’est pas confronté aux dérives policières. Car dans les faits, la confiance se distribue par couleur de peau, par apparence. La Cour européenne des droits de l’homme l’a reconnu en 2024 dans l’affaire Wa Baile, la Suisse pratique le profilage racial. Un contrôle fondé sur l’apparence est une discrimination. Point.

Et pourtant, dans la rue comme à la douane, rien ne change. Les contrôles se répètent, toujours les mêmes profils, toujours les mêmes humiliations. Pas besoin d’avoir fait du droit pour le comprendre, ta peau, ton apparence est une cible.

Alors pourquoi fuit-on ?
Parce que rester peut coûter la vie.
Parce que les morts d’hier ne sont pas des légendes mais des avertissements.
Parce que la justice a fermé les yeux plus souvent qu’elle n’a ouvert des procès équitables.
Parce que les blagues racistes qui circulent en interne ne sont pas des délires privés mais un révélateur de culture.

On veut croire au progrès. La ville de Lausanne annonce des réformes, parle d’éthique mais tant que les enquêtes resteront aux mains des collègues, tant que Vaud refusera de créer une instance réellement indépendante, tant que l’impunité restera la règle, les promesses sonneront creux.

Et ce n’est pas seulement une question de technique ou de formation. Mettre des bodycams ou distribuer quelques flyers ne changeront rien. C’est une question de pouvoir.
Qui contrôle les contrôleurs ? Qui surveille les dérives ? Qui ose dire que la confiance ne se décrète pas ?

La peur n’est pas née d’une théorie mais de la rue, des corps plaqués, des noms gravés sur des banderoles. La fuite n’est pas un aveu de culpabilité, c’est un réflexe de survie.

On fuit la police parce que trop souvent, la police fuit ses responsabilités.

Mr Seavers