MAM – Comme Les Jeunes (Album)

S’il est un album qui était attendu au tournant sur la petite planète Hiphop suisse c’est bien ce « Comme Les Jeunes » de MAM. Voilà maintenant 15 ans que le Genevois roule sa bosse entre productions, mixtapes, featurings et concerts. Nos attentes sont donc grandes et le risque d’être déçu tout autant. Le communiqué de presse de sa maison de disque n’est pas là pour nous rassurer puisqu’il nous fait comprendre entre les lignes que ce disque a un peu été enregistré dans l’urgence… On sait aussi qu’il sera difficile pour nous de laisser nos a priori de côtés et de parler de « Comme Les Jeunes » comme de n’importe quel autre album. En effet, il faut bien garder en tête qu’il s’agit ici non plus simplement d’un album de rap suisse, mais bien de l’album d’un rappeur signé en major. Ceci implique donc des attentes toutes autres qu’artistiques de la part de ceux qui ont misé sur lui. Inutile de se voiler la face, on sait avant l’écoute que MAM a dû composer avec le facteur commercial, reste maintenant à savoir comment il a résolu cette quadrature du cercle consistant à garder son identité artistique tout en réussissant à toucher un large public ? Le coefficient Stress allait-il lui permettre de faire ce grand écart ? Notre réponse sera nuancée, et cela pour plusieurs raisons.

S’il est indéniable que l’influence de son mentor se fait ressentir et que ses recettes de réussite sont utilisées sur plusieurs titres qui devraient permettre à MAM une diffusion sur les ondes FM non spécialisées, MAM a su rester lui-même, puisant dans son vécu et dans sa vie de tous les jours, pour nous conter son parcours et ses aléas. Malheureusement, cela implique une récurrence dans les sujets un peu lassante, particulièrement pour un premier album et trop rare sont les surprises comme son excellent « Pop Cette Pill » qui nous prouve que lorsque MAM empoigne un sujet grave il devient tout simplement intouchable. Des regrets se situent également dans le manque de régularité et de constance. Certains morceaux semblent avoir été bâclés, tant dans l’écriture que la réalisation. Heureusement pour lui, MAM peut se reposer sur une technique de rap impeccable et largement au dessus de la moyenne qui lui permet à chaque fois de sortir la tête de l’eau, faisant de « Comme Les Jeunes » un album globalement réussi, alternant le très bon avec le moyen et qui nous laisse un petit goût d’inachevé, comme pour la plupart de ces travaux d’élèves doués, mais pas assez assidus, portant la mention « peut mieux faire ». Mais, et parce qu’on ne veut pas finir sur une touche négative, on vous propose maintenant notre analyse titre par titre, car finalement « Comme Les Jeunes » méritait bien cette double attention.

Je survis
C’est sur une longue montée en puissance servie par les Sparring Partners que MAM nous accueille dans son album. Morceau d’introduction par excellence, ce « Je Survis » nous surprend d’entrée et nous met dans d’excellentes conditions pour débuter l’autothérapie lyricale de MAM qui en profite pour nous rappeler qui il est, d’où il vient et qu’il y va pour sa culture. Les bases Hiphop de l’album sont clairement posées, le flow de MAM est d’une simplicité presque déconcertante, techniquement le mc est là, mais ça on le savait.

Grind
Pour « Grind » MAM a réuni un tandem qui a fait ses preuves à savoir Yvan à la prod et Stress en invité qui nous gratifie d’un de ces refrains sirupeux dont il a le secret. Que retirer de cette track ? Que MAM a su intégrer la nécessité de faire de la musique diffusable sur les ondes FM, mais aussi que MAM est fidèle à ses principes, qu’il nous raconte ce qui l’entoure, remercie ceux qui le soutiennent et que quoiqu’il fasse il ne fera pas de rap minable. Sur ce point pas grand-chose à lui reprocher, son rap est effectivement très propre.

Next
Très bien servi par une prod de Blunt Killah qui correspond parfaitement à la teneur du morceau, MAM continue dans sa lancée « radiodiffusable » et nous propose « Next » sur lequel il nous surprend par son chant. On sent que Stress n’était pas loin, mais on a tendance à penser que l’élève a dépassé son maître… Ici encore, MAM nous parle de lui, de son vécu, son passé, ses amis, sa carrière. Un rap très personnel donc qui a le mérite de nous toucher par son côté vrai. On ressent bien le vécu et on se laisse bercer…

Pop Cette Pill
Avec « Pop Cette Pill » MAM nous révèle une nouvelle facette de sa personnalité avec un texte sombre parlant du suicide des jeunes en Suisse. Servi par une prod musicale très bien arrangée de Benno Calmbach (aka 76), MAM se livre complètement et devient l’instant d’une chanson le porte-parole d’une génération en manque de repères qui se sent mal. Première grosse surprise textuelle de l’album, on découvre ici que MAM peut lui aussi faire du rap dit « conscient », et qu’il peut le faire très bien. Notre seul regret est peut-être la longueur de la track qui la rend difficilement diffusable sur les ondes… mais un tel sujet méritait bien 4min30.

Comme Les Jeunes
La transition avec « Pop Cette Pill » s’annonçait difficile, on n’est donc pas surpris que « Comme Les Jeunes », introduit par Karolyn, nous laisse un peu perplexe. On cherche donc à faire abstraction de ce qui précède et de se plonger dans ce morceau, mais on n’y arrive pas. Peut-être que l’on n’est plus comme les jeunes, mais ce titre ne nous touche pas et nous fait trop penser au mea culpa d’un adulescent qui refuse de grandir… tout cela semble bien trop formaté « Pour Les Jeunes » et d’ailleurs on se dit que c’est comme ça que devrait s’appeler ce titre.

Fass 90
Sur une prod maison, MAM nous offre un morceau un peu brouillon au niveau du mix. Tout semble poussé à fond et on a de la peine à différencier les subtilités de la prod. Une fois encore un refrain chanté, mais qui semble ici un peu inutile. Mais voilà, même si l’on n’est pas convaincu par l’ensemble, MAM est plus que propre dans son rap, et nous confirme que son texte aurait mérité un meilleur arrangement… La fin du morceau nous laisse néanmoins percevoir une plus value en live… Mais est-ce que ce morceau méritait d’être sur cet album, la question mérite d’être posée.

Toxic
Produit par Key, les excellents arrangements et la musicalité de ce titre confirment notre impression de brouillon de Fass90, mais on est heureux de constater qu’il ne s’agissait que d’une erreur de casting. On ne surprendra personne on vous disant qu’une fois encore MAM se livre à cœur ouvert dans ce titre, nous parlant des ses déboires amoureux. Et si son amour est toxic, on se dit que la personne à qui s’adresse cette chanson a dû être touchée… d’ailleurs nous aussi on a été un peu touché, c’est peut-être notre côté « girly », ou alors le groove de Nacim au refrain, ou la prod.. ou tout simplement l’ensemble qui est très réussi.

On peut le faire
Difficile enchaînement, une fois encore serait-on tenté de dire, après la prod aux arrangements parfaitement maîtrisés de « Toxic ». Comme pour « Fass90 », ce « On Peut Le Faire » nous confirme l’impression que certains morceaux ont été un peu bâclés. Et c’est là qu’on se fait avoir par MAM qui réussit à nous emmener exactement là où on ne voulait pas aller, à savoir au bout du morceau… MAM a réussi à s’imposer sur la prod de Béatrice Kidou (on t’a connu vraiment meilleur) et, si l’on fait abstraction du refrain, (décidément on a des gros problèmes avec les refrains) on se dit qu’il est quand même techniquement très bon MAM.

Street Lights
Avec « Street Lights » on retrouve avec plaisir Mark Angelil à la prod qui révèle une fois encore le gros potentiel live de l’album même si le fade out nous semble un peu long. À nouveau, on fait un blocage sur le refrain, alors on se dit qu’on doit sérieusement avoir un problème avec ça donc on n’en parlera plus, surtout qu’on l’oublie vite, tant on est occupé à observer la rue depuis la chambre à MAM qui nous décrit son Pâquis comme lui seul sait le faire, on regrettera que la visite s’arrête au milieu de la nuit, frustration de l’auditeur volontaire ou temps manquant pour finir son texte, le doute demeure.

15Minutes
On retrouve les Sparring Partners qui nous replongent dans un rap plus sombre avec ce morceau référence à la fameuse déclaration de Warhol. MAM en profite pour remettre les points sur les i, il vide son sac, les punchlines sont au rendez-vous et certaines ne manqueront pas de toucher les personnes visées… Voilà pour ceux qui doutaient encore de la capacité de MAM de faire du rap qui tape. On adhère.

Contre le monde
Une fois encore dans cet album on passe un peu du coq à l’âne avec ce « Contre Le Monde » qui, après l’écoute de « 15 Minutes », nous donne un peu d’urticaire. Décidément Béatrice Kidou va se dire qu’on en a après lui, mais il n’en est rien, ce n’est juste pas notre came. Mais on comprend bien que MAM doit également proposer un titre diffusable sur des radios comme NRJ, on ne va donc pas lui jeter la pierre, ça fait partie du jeu. Et s’il est capable d’assumer ce genre de grand écart musical, on retiendra qu’il a su poser son rap impeccablement une fois encore.

La rue vers l’or
Le dicton dit qu’on ne change pas une équipe qui gagne, c’est donc logiquement que l’on retrouve Karolyn et Stress sur ce morceau. La prod simple, mais efficace de Draks manque peut-être un peu de basse pour totalement asseoir ce morceau qui sans révolutionner le genre a le mérite d’être propre. Une fois encore MAM assure au rap, on passe le refrain (on a dit qu’on ne parlait plus des refrains) et l’on attend le couplet de Stress pour voir si l’élève a définitivement enterré son maître… Et alors que Stress rappe, on ne peut s’empêcher de tiquer sur ses premières rimes « maintenant je ride, sbn, vison, python »… étrange pour quelqu’un qui prônait l’écologie et le développement durable il y a peu. On a bloqué, et comme un autiste en crise on s’arrête sur ce détail qui n’en est pas un pour nous.

Faux départ
Retour au calme avec ce « Faux Départ » à la prod travaillée de Bio, une fois encore MAM nous livre ici un morceau très instrumental aux arrangements soignés accompagné par les voix des SugaZz au refrain. Il n’en fallait pas moins pour une chanson dédiée à sa mère. Deuxième morceau en forme de demande de pardon de l’artiste, une fois encore envers une femme… « Comme Les Jeunes » nous aura permis de découvrir une nouvelle facette de MAM.

Loin du top
On reste dans une ambiance posée avec ce « Loin Du Top » produit par Benno Calmbach (aka 76). MAM entonne le refrain et nous livre un nouveau couplet dans lequel il nous parle de lui, de sa vie, son vécu, et des difficultés qu’il rencontre dans sa vie d’artiste. On ne manquera pas de souligner le gros couplet de Shaka qui donne à ce morceau une dimension tellement Hiphop… Franchement, on n’est pas loin du top là.

Haute Couture
Morceau dans la lignée de « Je Survis » MAM pose et ose une prod très « à la Kanye » signée Mr F. Le rap est assuré comme à chaque fois, le texte n’est pas transcendant, mais voilà, ça fait presque un album qu’il nous parle de sa vie, donc logiquement on tourne un peu un rond. Mais comme la forme change complètement, on adhère, et puis au final il nous surprend en balançant sa verve envers ses « miss de soirée » qui veulent un ptit métis. On sourit, on bouge la tête et on commence à imaginer un album entièrement dans cette lignée…

Le Large
Dans la continuité de « Haute Couture », MAM confirme ce que l’on pensait il y a 5 minutes. Il faut musicalement qu’il prenne des risques, qu’il s’écarte de la facilité, qu’il ose, car c’est exactement ce qu’on attend de lui. Il nous parle une fois encore de son histoire, de ce qu’il fait, egotrip à 100% assumé. Les bons et les mauvais côtés sont passés en revue. On aime et l’album se finit comme il a commencé, bien joué Mr F.

Par Mr Seavers