L'exécutif de la Ville de Genève punit l'Usine

Geneve_coat_of_arms.svgLe Conseil administratif sort l’artillerie lourde contre l’Usine. L’exécutif de la Ville de Genève retire le crédit budgétaire de 200,000 francs destiné à soutenir le projet U.ZN, élaboré pour célébrer les vingt ans du lieu emblématique de la culture alternative genevoise. Cette mesure de rétorsion sanctionne le bar Moloko, qui a programmé un concert samedi dernier malgré plusieurs mises en demeure de la Ville. Celle-ci rappelle que ce local n’est pas prévu pour accueillir des concerts, de par son statut de buvette et par son absence d’insonorisation. Le concert de samedi a été maintenu, alors que les programmateurs du Festival Electron, qui s’est déroulé il y a quinze jours à l’Usine, avaient annulé, sur injonction de la Ville, les quatorze concerts prévus de longue date au Moloko. «Surprise» par la «démesure» de la punition, la permanente de l’Usine Albane Schlechten dénonce une stigmatisation du bar punk.
Selon Jean-Bernard Mottet, du Département de la culture, l’attitude du Moloko prétérite les discussions menées dans le cadre de la médiation visant à réduire les nuisances sonores qui dérangent les voisins de l’Usine. «Le Moloko doit faire preuve de bonne volonté dans ce processus qui va peut-être porter ses fruits.»
L’avenir dira si la mesure de rétorsion est définitive, ajoute Jean-Bernard Mottet. «Mais dès lors qu’un des partenaires ne joue pas le jeu, il y a des conséquences. Tant que le problème du bruit n’est par réglé, les concerts au Moloko doivent cesser.»
«Le Moloko joue le jeu! rétorque Albane Schlechten. Il a réduit le nombre de concerts, leur niveau sonore, et ils finissent plus tôt. Celui de samedi a terminé à 23h. Le problème a été ciblé, on fait tout pour l’arranger. Mais, en attendant, la vie continue. Les concerts du Moloko répondent à un réel besoin vu le grave manque de lieux culturels à Genève. Mettre par terre, juste pour un concert, un projet vieux de deux ans qui doit ouvrir l’Usine sur la cité et qui inclut des partenaires comme les maisons de quartier, c’est contraire au mandat du Département de la culture. Il doit soutenir la culture locale en difficulté.»
Selon Albane Schlechten, le Conseil administratif cherche «à montrer du doigt» le Moloko. «C’est une stratégie. Mais c’est absurde, lors du Festival Electron, je ne vois pas en quoi cette petite scène dérangeait plus que tous les autres concerts qui duraient jusqu’à 5heures du matin!»
Prise au dépourvu, puisqu’elle a appris la sentence par la presse, Albane Schlechten ne peut pas dire comment l’Usine compte rebondir. Le Moloko fera-t-il profil bas? U.ZN sera-t-il revu à la baisse? D’autres soutiens seront-ils cherchés?…
Jean-Bernard Mottet nie que le but soit de stigmatiser un mouton noir, mais insiste sur le problème sonore spécifique au Moloko. A l’entendre, l’intention – à défaut du résultat – n’est pas d’infliger une punition collective au collectif de l’Usine.
U.ZN a reçu en 2009 30,000 francs sur une subvention de 230,000 francs. L’événement devait se dérouler en 2009 mais il a été repoussé à 2010. C’est pourquoi le Conseil administratif devait déposer au Conseil municipal une nouvelle demande pour le crédit supplémentaire. La subvention devait financer un ouvrage extérieur éphémère. L’autorisation de construire a été reçue début mars, mais un recours a été déposé.
Ce n’est pas la première fois qu’un complément budgétaire destiné à une institution culturelle part en fumée. L’an dernier, le Département de la culture voulait demander une rallonge de 500,000 francs pour fêter le centenaire du Musée d’art et d’histoire, durant toute l’année 2010. A la suite de la crise suscitée par les résultats d’un audit externe dévoilé en mai 2009, le département avait changé d’avis.

Par Rachad Armanios sur Le Courrier