La sortie de « Ground Zero » coïncide avec l’anniversaire des deux tours jumelles, 10 ans après le désastre, jour pour jour (11.09.2011). Emplacement symbolique d’un lieu où tout reste à reconstruire pour les uns, il est synonyme de pulvérisation pour les autres : Encadré par le label genevois nouvellement formé « colors records » (colorsrecords.ch), Basengo est bien parti pour atomiser la concurrence en partant du « point zéro » de l’impact. Après une intro rappelant que Baseng’ rappait déjà du temps où la grosse pomme peinait à se relever : « 2004, c’est mon année… » (GTA mixtape), le mc prépare le terrain.
« C’est toujours pas sur mon flow que tu danses/ aucune chance de changer, alors recule/ j’ai toujours eu le rôle du cancre ou traîné le gros du temps/ j’ai écrit c’que j’ai retenu »
Un mal pour un bien certainement, tant Basengo allie particulièrement bien le fond et la forme. Littérairement parlant, les figures de style s’enchaînent et il y en a pour tous les goûts : euphémismes, ellipses, antithèses, litotes, ironie et assonances se déploient sur la longueur de « Ground Zero ». « J’connais l’ivresse, ses virus/la vie de rêve et ses problèmes de sinus/j’ai fui tes règles comme linux » ;« C’est vivre qui est mortel » ;« Que Dieu me protège, parce que l’autre va pas me rater » ;« Un peu de poils aux pattes, travailler jsuis pas fan » ;« On va pas se noyer dans le même paquebot, matelot/tes collègues veulent ma peau/pour ma lumière sous le capot/j’ai un drapeau, pour ceux qui en ont pas/on a beau saboter la beauté d’ma cause… ».
Pour le fond, il propose un début de réflexion aux détours d’une phrase: «Grave, comme c’qu’on a fait du mot patrie/du concept pas vu, pas pris..», « On investit dans ce qui est rentable/ seul assis autour d’une trop grande table/et ton cœur tombe en panne, c’est le piège de l’opulence » ; distille une touche d’humour : « Moi j’suis un peu vieux jeu/j’ai quelques mots à te chuchoter au coin d’un vieux feu…/nos liens ont encore un peu d’nœuds » ou fait taire les rivaux : « J’crache deux phrases et j’gâche tes raps ». Le tout accompagné d’un flow 4×4.
« L’ancien toi » et son témoignage triste avec Shaka accroche dès la 1ère écoute, tandis que « Je te raconterais », en compagnie de Mr. Bill, flirte avec la nostalgie. Certaines formulations pleines de sens retiennent l’attention comme « Appelle-moi par ton prénom ». Même sur des thèmes plus délicats à traiter comme l’amour, Basengo s’en sort avec les honneurs : « Tu rythmes mes jours, ton absence gifle mes joues/j’écris mon impatience de kiffer ce jour/certains savoirs n’ont pas de sciences/encore une vérité chuchotée à des sourds ».
En plus des membres du label en featuring (Braccobrax et Williman), une flopée d’invités locaux se bousculent sur la galette et croisent le mic de la « colorsfamily ». En vrac : Dogzy Blue Malone, Zrink le soul chimist, Sainkel, Meija, le belge Gandhi, Flowlly Kid, Nacim et… Aurelie Djee sur le titre « Ground Zero ». Belle performance qui rappelle la prouesse de « Notre identité » et pourquoi pas faire émerger quelques idées de collaboration…
La production musicale n’est pas en reste et si à l’avenir, le choix des beats devait aboutir à pareille sélection, tout le monde s’en satisferait largement. Une fois de plus, la prod’ de Butch sur« Quelque part » et son sample de voix pitchée fait des merveilles. Les productions « maison » n’ont pas à pâlir de la comparaison et « Oui oui », tout comme « Godzilla » sont des bombes en bonne et due forme.
Sur les 24 morceaux (plus ou moins longs), intro et outro inclus, difficile d’en jeter un. Comme si les années passées à « briller par son absence », Basengo avait peaufiné la sortie de sa mixtape qui glisse tranquillement « des oreilles aux lèvres ». En espérant que les New-Yorkais voient s’élever sur leur site des édifices aussi aboutis que ce premier projet, souhaitons à présent à « l’homme tranquille » de bâtir sa carrière pierre par pierre, de la plus belle des manières et d’attaquer l’album sur de solides fondations. A consommer sans modération.
Skywalk
Et c’est disponible où…?
Idal> +1, m’intéresse ce skeud….
Dispo sur Itunes.