voix de fête
Du 19 au 25 mars s’est tenu le festival Voix de fête, à Genève. Cet événement exclusivement dédié à la musique francophone — dans le sens linguistique du terme — a principalement pour vocation la mise en lumière d’artistes émergents que les programmateurs s’astreignent, avec un plaisir non dissimulé, à produire pour moitié, sur les multiples plateaux présentés. Répartis sur 6 lieux, ce ne sont pas moins de 55 concerts que le festival a proposés à son public majoritairement local, mais pas seulement…

RepreZent s’est invité à la soirée entièrement dédiée au rap avec des artistes locaux comme Geule Blansh et KT Gorique, des artistes internationaux en devenir tel qu’Ash Kidd et Davodka, mais aussi d’autres nettement plus confirmés comme Disiz La Peste. Et au milieu de ce beau monde, la contrastée prestation proposée par Scylla en mode quasi slam, uniquement accompagné au piano par Sofiane Pamart… Contrastée car, au milieu de ces concerts rap et de leur traditionnelle ambiance enflammée, Scylla et Sofiane Pamart se sont adressés à un public assis et silencieux, comme au théâtre, pour mieux asséner le verbe puissant et affûté du lyriciste bruxellois que l’on ne présente plus. Une expérience emplie d’émotions, recommandée sans réserve.

L’occasion également pour repreZent de s’entretenir avec Guillaume Noyé, codirecteur du festival, qui assume une partie de la programmation, en particulier la partie rap, laquelle nous intéresse tout particulièrement et d’en savoir un peu plus sur les tenants et aboutissants du Voix de Fête. Créé en 1999, le festival célèbre aujourd’hui sa 20e édition. « Pendant longtemps, le festival était défini comme un festival de chanson, mais depuis que je suis à la codirection (fin 2014, NDLR), on essaie de le réorienter vers un festival de musiques actuelles », nous explique Guillaume. Du point de vue du public, l’aura du festival est principalement locale, en revanche, pour les professionnels, le festival représente une opportunité extra-muros avérée de rencontres, de découvertes artistiques, de networking et… D’opportunités professionnelles. En effet, ce ne sont pas moins de 200 professionnels de la musique — en particulier des programmateurs internationaux et autres directeurs de festival — qui se retrouvent pour l’occasion dans la Cité de Calvin, carrefour des nations et de la pluriculturalisme. « On essaie de programmer 50 % d’artistes émergents et 50 % d’artistes suisses ou artistes confirmés. Les professionnels de la musique viennent du Canada, de Belgique, de France, d’Afrique du Nord, de festivals en Allemagne aussi et ont l’opportunité de découvrir en live ces artistes émergents. À l’inverse nos programmateurs se rendent dans les festivals à l’étranger pour y découvrir leurs artistes émergents afin de composer les plateaux du Voix de Fête et mettre ces artistes en vitrine ».

Ce networking est notamment possible grâce à la Fédération internationale des festivals de chanson francophone (FFCF), auprès de laquelle Voix de Fête est représenté par Priscille Alber, codirectrice du festival et directrice artistique. Les membres s’invitent parmi afin de faciliter les rencontres et le travail de découverte, à moindres coûts. « En revanche, et c’est normal, tu dois rendre la pareille et inviter les professionnels à ton événement, en couvrant leurs frais sur site ». Financièrement, l’opération est quasi nulle, mais cette pratique permet de créer un lien et favorise d’autant plus la mobilité, puisque se rendre dans les festivals étrangers ne coûte plus grand-chose. « Ça crée même des microréseaux de collaboration intensifiées. Par exemple, on travaille avec un festival qui s’appelle FrancoFaune à Bruxelles et un autre Pause Guitare, à Albi, dans le sud de la France. On est revenu de là-bas avec plusieurs artistes et eux, en contrepartie, s’engagent à programmer au moins deux artistes de Voix de Fêtes. On a aujourd’hui une dizaine de collaborations spécifiques de ce type ». Concrètement, pour les artistes encore méconnus, mettre le pied dans la porte de ce réseau, c’est s’assurer une visibilité certaine dans les mois à venir. « On évalue les retombées d’une programmation à Voix de Fête pour un artiste suisse à 40-50 dates ultérieures, souvent à l’étranger, conclues à cette occasion », assure Guillaume. Magnifique opportunité pour eux !

Et quid de la programmation rap du festival ? Quelles sont les lignes directrices et les contraintes ? « À l’échelle du festival, sur la cinquantaine de prestations qu’on propose, il nous arrive d’opérer des choix qui sont des twists marketing : on n’a pas ciblé tel public, cette fois-ci, on va faire un concert pour eux. Mais pour le rap, assez peu. J’ai la chance de pouvoir programmer ce que j’écoute ; mes propositions sont souvent validées. Quand j’étais gamin, j’écoutais énormément de rap ricain. J’ai moi-même rapé plus de 10 ans. Aujourd’hui, je n’ai plus vraiment le temps d’aller chercher les perles moins connues d’outre-Atlantique, donc je me focalise sur le rap francophone. Je suis très client de cette nouvelle tendance lancée par les Belges, un rap un peu déglingo. J’aime beaucoup ce que font des artistes comme Caballero & JeanJass ou Romeo Elvis ; mais je préfère les voir sur scène. Roméo Elvis, ce n’est pas forcément ce que j’écoute dans mon bus, le matin. Mais c’est une bête de scène et j’adore le voir en live ! Quand je me déplace, j’écouterais plus facilement quelque chose comme Rox — La Route du Soi».

Il convient également de garder en tête, outre les contraintes budgétaires, que les artistes doivent être en tournée, à tout le moins en période de scène, faute de quoi, ils ne pourraient être programmés. « On recherche aussi une certaine cohérence dans la soirée. Même si on passe par des époques différentes et des styles différents. On aimerait notamment faire en sorte que quelqu’un qui est venu voir un artiste qu’il connaissait puisse ressortir de la salle, entendre la musique d’une autre salle, qu’il s’y laisse porter par curiosité et prenne au final une claque par un artiste suisse qu’il ne connaissait pas ».

De la diversité, de l’éclectisme, une programmation pointue, mais accessible, une passion pour la musique à l’état pur et surtout une ferme volonté de faire découvrir les artistes de demain, en primeur… Ces lignes directrices qui guident le Festival Voix de Fête laissent augurer de belles perspectives pour les prochaines éditions.

Par Sadri