review + interview : Elodie Rama

Jeudi 18 octobre, RepreZent.ch est parti sur à la rencontre des croisées du jazz, de la soul et du hiphop au Box de Carouge. Au programme ? Un doux voyage au son de la voix d’Elodie Rama.

Certains concerts poussent aux hurlements de fureur pour entrer en communion avec l’univers musical d’un artiste. D’autres vous emportent dans une introspection nostalgique. L’art émanant des notes vous prend aux tripes et le silence devient or. On écoute, on s’évade. Parfois au son d’une poussée vocale stupéfiante, parfois au bout un solo de guitare ou de piano bluffant. Parfois, il suffit d’une osmose, d’un univers musical intimiste pour vous éblouir au point que rien d’autre que la musique n’existe. C’est cette beauté harmonique qu’Elodie Rama, Hervé Godard (guitare) et Julien Drochon, alias ShenRoc (beatboxer) ont offert au Box, jeudi 18 octobre, nous permettant ainsi d’affirmer l’idée que le hiphop peut se marier magnifiquement avec les harmonies de ses ancêtres.

C’est sous l’emblème d’une pure poésie musicale que le projet d’Elodie Rama s’est décliné dans l’ambiance intimiste du Box. Tantôt sur des mots francophones, anglophones et tantôt sur de légères touches de scat, la chanteuse nantaise nous a présenté une musique dotée d’un caractère alliant douceur et dureté. Sur « Baby Please don’t go », Elodie Rama s’aventure dans les tranchées du plus vieil ancêtre de notre culture, le blues. Elle s’affirme ainsi dans un style parfois difficile à maîtriser. Son alliage de hiphop, de soul, de jazz et de touches reggae s’aventure parfois même dans des douceurs de concluant sur une exposition poétique de fureur (« Out of Time »). Elle prend le temps de décrire cette Martinique qu’elle n’avait jamais visitée avant d’écrire « Strange Island » et d’imaginer une New York à la fois douce et emprunte de frénésie (« Cityof hope »). Sur « Same old thing », elle distille ses talents de scat et nous démontre que cette particularité du jazz vocale se marie avec le beatbox sous une belle harmonie. Ses patterns sont intéressants, travaillés et accessibles au novice du jazz. Un pur délice.

Les dernières minutes du concert approchent, ShenRoc prend les devants et sert un solo de beatbox aux détours bluffants. Le trio reprend la parole et quitte le Box de Carouge au son du standard de jazz « Cheek to Cheek ». Le hiphop a pris le chemin de ses ancêtres ce soir en se dévoilant comme un séduisant petit plus à un jazz modernisé et métissé. RepreZent.ch s’est alors demandé quelle était la relation d’Elodie Rama avec le hiphop pour tenter de savoir ce qui pousse une chanteuse à la voix jazz de s’aventurer vers les frontières de notre culture. Lisez plutôt.

repreZent.ch : Tu as beaucoup déjà collaboré sur des projets alliant jazz et hiphop, notamment avec Hocus Pocus. Comment se passe le mélange entre hiphop et une vocaliste plutôt jazz ?
Elodie Rama : J’ai écouté beaucoup de Hip Hop avant d’en arriver au Jazz. A Tribe called Quest, Slum Village, De La Soul, The Roots ont tourné un milliard de fois dans mon discman (oups je suis vieille !) puis mon iPod avant que je ne m’intéresse sérieusement au Jazz 🙂 C’est pourquoi la rencontre du Jazz et du Hip Hop m’a semblé naturelle parce que ces musiques sont « sœurs ». Je ne me pose jamais la question des genres musicaux. C’est vrai que j’ai débuté en chantant des standards de Jazz avec Blue Apple Quartet, ça a été une merveilleuse école, mais très vite j’ai eu cette envie d’aller creuser ailleurs. Ma collaboration avec Natural Self, Dj londonien (Tru Thoughts Recordings), a aussi été dans cette démarche d’aller à la rencontre d’un genre musical que je n’avais encore jamais exploré : l’electro. Ma voix a certes un background Jazz, mais mes influences sont multiples : elles s’ouvrent autant à la chanson française, qu’à la Soul, l’électronique, le blues ou encore le rock. Dans ma démarche artistique, je suis avide de rencontres !

repreZent.ch : Tu tournes actuellement avec un guitariste et un beatboxer. D’où t’es venue l’envie/l’idée de jouer avec un beatboxer?
Elodie Rama : En tant que chanteuse j’ai toujours été fascinée par l’habileté des beatboxers à reproduire des sons en se servant de leur voix, de leur souffle et de leur corps tout entier. Pour ce projet j’avais vraiment envie d’une formation réduite, j’avais envie aussi d’avoir un autre vocaliste à mes côtés. Un vocaliste qui amène de la force dans le spectacle quand moi j’amène de la douceur. Je voulais un peu de « testostérone » dans le soutien rythmique de mes morceaux sur scène ! Nous sommes seulement 3 sur scène, alors l’idée c’est de mettre en avant l’humain, d’où l’envie d’inclure un « human beatboxer », et puis tant pis pour la batterie !

repreZent.ch : Les deux points précédents laissent entendre une certaine attirance pour le hiphop. Qu’est-ce qui te plaît dans ce style musical?
Elodie Rama : Ce que j’aime dans le Hip Hop c’est que c’est un mouvement, pas seulement une musique, avec une communauté d’activistes passionnés qu’on retrouve dans la musique, la danse, le graff. Les valeurs défendues par le mouvement m’ont toujours parlé : Peace, Love, Unity and Having Fun. C’est ça au départ le Hip Hop ! Si l’on s’en tient seulement à la musique, je dirais que c’est une musique que j’ai beaucoup écoutée et que j’écoute encore beaucoup. Mes goûts se dirigent essentiellement vers le Hip Hop 90’s avec les groupes que je citais plus haut. Après mon disque et mon spectacle ne sont pas tout à fait Hip Hop même si tu peux y retrouver des clins d’œil.

repreZent.ch : Quels sont tes prochains projets ?
Elodie Rama : Je travaille en ce moment sur mon premier EP 5 titres qui sortira en début d’année prochaine. Je finis d’enregistrer les voix en ce moment ! Je suis vraiment contente et angoissée en même temps par la sortie du disque, ça fait tellement longtemps que je travaille dessus, j’ai encore du mal à croire qu’il va enfin sortir… J’espère faire plein de concert pour montrer mon spectacle et surtout j’espère revenir très vite en Suisse !

repreZent.ch : Quelle est ta définition du terme RepreZent ?
Elodie Rama : Tu me poses une colle… Je dirais porter haut les couleurs de son crew !

par Sophia