repreZent S'Entretient Avec Stress

C’est dans un restaurant à Yverdon, avant l’enregistrement d’une émission pour la TSR, que nous avons rencontré Stress. L’occasion pour nous de revenir sur son dernier album « Renaissance II », mais aussi et surtout de discuter de sa vision de la musique, de l’industrie, de l’art, de la Suisse… et des repreZent awards.

Logiquement, on parle musique pour débuter et avant d’évoquer « Renaissance II » on revient sur son précédent album, Stress fait ici preuve d’un esprit d’auto-critique et de recul rare dans la musique. Il nous parle de ses frustrations ressenties après la sortie de « Des rois, des pions et des fous », il reconnaît que les morceaux n’ont pas vraiment d’identité, que les sons ne sont pas définis : « Je pense qu’on ne savait pas comment faire en fait, on a toujours tendance à dénaturer les sons, mais il fallait apprendre et se donner les moyens pour le faire bien. À la sortie du dernier album je n’étais pas satisfait, il y avait beaucoup trop de choses qui n’étaient pas définies au niveau du son, il y avait des sons qui se ressemblaient alors qu’ils ne devaient pas du tout se ressembler. J’avais trop essayé de faire que tout soit audible, nice à l’oreille alors que certains morceaux doivent juste être sales, faire mal ou simplement agréables. L’analyse que j’en ai tirée c’est que je n’avais pas respecté l’identité de chaque morceau ». Et à l’écoute de « Renaissance II », on se rend rapidement compte de cette prise de conscience. Chaque morceau à son identité, Stress explore différents chemins, mais il sait respecter les règles de chacun. Quand il fait un son rock, c’est du rock, idem pour le rap, la pop ou la musique brésilienne. Alors oui, il est difficile pour nos oreilles d’apprécier chaque morceau, mais on doit reconnaître qu’on apprécie la démarche et surtout l’état d’esprit dans lequel il a été composé.

On apprécie aussi certaines prises de risque par exemple le choix d’une prod de Béatrice, beatmaker encore inconnu qui figure pourtant sur un disque qui occupe les premières places des charts suisses depuis sa sortie. La prise de risque c’est justement cela qui lui a plu chez Béa « Pour cet album j’ai travaillé de façon totalement différente des autres fois, pour toute la partie musicale on est parti dans la montagne, j’avais loué un chalet et on a monté un studio sur place pour enregistrer. Ensuite, j’ai fait la version rue de ça, je suis allé à Genève et pendant une semaine je suis passé de studio en studio. La première chose que j’ai faite en arrivant là-bas c’était de rencontrer Béa, MAM m’avait fait écouter quelques prods à lui et je voulais le rencontrer. Il est fou ce gars… il est fou et ça exactement ça dont on a besoin dans le rap, il s’en fiche de tout, il veut juste faire de la musique et il a surtout vraiment envie d’apprendre. Alors oui, on voit clairement d’où il est influencé, mais c’est le mec qui essaie, qui avance. Béa c’est vraiment un mec qui a ce côté génie fou parce qu’il check pas ce qu’il fait, il vit dans sa bulle… c’est ça que je respecte. Un artiste il doit prendre des risques, il doit se mettre à nu, certains vont se dire que c’est complètement débile, mais c’est exactement ça qu’il faut. ».

Quant aux autres producteurs on retrouve les incontournables GR ! ou Mr F « F je le connais depuis longtemps, pour ses prods ça s’est passé autrement, on est resté 3 jours chez moi à Zürich avec lui et MAM à faire de la musique,à enregistrer des yaourts, faire des conneries et c’est de ces sessions-là qu’est sorti “Primitif ». ». D’ailleurs, le talent de vidéaste amateur de Mr F n’a pas échappé à Stress qui lui a donné la difficile mission de s’occuper des vidéos « Animal Life ». « On ne réinvente pas la roue avec ces vidéos, ça se fait depuis un moment aux États-Unis, mais ça répond à une réelle demande, les gens veulent avoir accès aux coulisses, voir comment les choses se font. Le making of d’un clip suscitera peut-être bien plus d’intérêt que le clip lui-même. », Stress a bien compris l’importance de la communication directe avec ses fans, et ce n’est certainement pas un hasard s’il en compte plus de 100,000 sur sa page Facebook. Mais il reste bien conscient qu’on ne peut pas plaire à tout le monde : « Même avec Double Pact on avait ce problème, dès le début avec Stress aussi. Je pense que c’est un mal nécessaire, c’est comme ça que le game marche. Plus tu deviens exposé, plus les gens auront une opinion sur toi. Mais à la fin, tu vends quand même des disques, tu remplis des salles… donc ça ne peut pas être aussi négatif que ça. Tout est une question de perception, de savoir comment tu veux l’interpréter. Je ne prends pas cela de façon personnelle, au final c’est toi qui décides d’attacher de l’importance ou pas. Moi je suis très content de faire la musique qu’on fait, on est arrivé à faire de belles choses en Suisse et je ne me sens pas vraiment concerné par ce que X ou Y a à me dire parce que j’ai toujours fait ce que je voulais. Après c’est évident qu’on ne peut pas plaire à tout le monde… »

Qu’en est-il de la fameuse barrière de rösti ? « La grosse différence c’est qu’en Suisse allemande tu as beaucoup plus l’occasion de jouer, donc les gens te voient en concert assez souvent, tu existes différemment pour eux. En Suisse romande on a 2-3 concerts par-ci par-là quand on peut, il y a beaucoup moins de salles aussi… sur la vingtaine de dates de la prochaine tournée, on a Fribourg, Sion et Lausanne en Suisse romande. Et puis surtout, tu as aussi une tout autre relation quand tu es chez toi, les gens te connaissent et ils ont peut-être d’autres attentes. »

Barrière qu’il fait également voler en éclat lorsqu’il se rend sur le plateau de Jean-Marc Richard pour célébrer l’anniversaire du Kiosque à Musiques. « Au départ, j’étais vraiment sceptique par rapport à cette émission, c’est Yvan qui m’a convaincu de la faire, ça lui tenait vraiment à cœur. Et après tu vas aux répétitions et tu te rends compte… tu as ce chœur de 140 personnes, un orchestre de 40 musiciens franchement musicalement c’est quelque chose de mortel. En tant qu’artiste, tu n’as pas tous les jours l’opportunité de pouvoir faire ça. Tu ne peux pas cracher sur ce genre de chose. C’est aussi ça être artiste, tu dois t’ouvrir, découvrir… il faut savoir prendre des risques. C’est vraiment quelque chose que j’ai kiffé faire. Et puis pour les beatmakers… c’est impressionnant d’entendre sa musique jouée comme ça, tu te dis que c’est comme ça que c’est… mais nous on se rend pas compte du tout, on est là avec nos mpc, nos synthés. De pouvoir aller une fois à l’essentiel, d’avoir son morceau joué comme ça c’est vraiment gratifiant. »

Durant l’entretien on sent que l’artiste Stress est heureux, il paraît même soulagé, sentiment confirmé lorsqu’on lui parle du titre choisi pour l’album « Quand je suis arrivé à la fin de l’album je me suis dit que c’était celui-là qui devait s’appeler comme ça, mais j’avais quelques réticences. C’est mon graphiste qui m’a dit qu’il ne fallait pas trop se poser de question et on a bien fait, je trouve qu’il porte vraiment bien son nom….. ». Et le choix de la pochette (ndlr : il s’agit du fameux tableau représentant Winkelried à la bataille de Sempach par Konrad Grob) ? « Dans tous mes albums, j’ai toujours voulu avoir une idée dans mes pochettes et cette scène représente parfaitement ce que notre génération ressent. Ce côté se battre contre des murs, se battre pour ses choses, ce à quoi tu crois. Ce côté, moi j’ai ce rêve-là et je veux y arriver. En plus j’aime le contraste avec l’image que l’on peut se faire de la Suisse, le côté neutre, un peu boring, on dit rien, on se laisse faire. Je trouve que la pochette communique très bien le côté actif de la Suisse. »

Au passage, Stress n’oublie pas de nous faire remarquer que c’est également cette image qui illustre les semelles de ses sneakers (ndlr : très réussies d’ailleurs) dernièrement créées grâce un partenariat avec Navy Boot. Car Stress n’est pas uniquement un artiste, c’est aussi un homme d’affaires redoutable qui a la tête bien ancrée sur les épaules comme il nous le prouve avec ses succès musicaux, mais aussi avec sa marque Bear Inc. Mais est-ce que tous les mcs seraient capables de faire face à leurs obligations s’ils étaient dans sa situation, c’est la question que l’on se posait et qui nous a logiquement fait rebondir sur la récente signature de M.A.M chez Sony Music. Car si pour certains cela peut apparaître comme une consécration, Stress nous rappelle, avec expérience, que ce n’est qu’une étape et que le gros du travail commence à ce moment-là. En effet, une telle signature impose un devoir de résultat, une pression et surtout des contraintes que tout le monde n’est pas forcément en mesure d’affronter. « C’est ce que je dis à MAM, profites maintenant, profites des 12 mois qui viennent, car après tout va changer. » Vivre de sa musique est un rêve pour beaucoup, mais il ne faut pas oublier que ça reste un travail, un travail de tous les jours.

Tellement pris dans la discussion, nous oublions presque de parler à Stress de la prochaine édition des repreZent awards, heureusement il y a toujours les petites discussions en off qui permettent de se refaire… ce qui nous permet de vous annoncer qu’il fera partie du jury qui se réunira bientôt pour débattre sur les talents actuels de la scène rap suisse romande. Merci à lui donc pour sa disponibilité.

Site internet officiel de Stress : stressmusic.com
Page Facebook : facebook.com/stressmusic

Navyboot SBNB : navyboot.ch/sbnb
Bear Inc. : metroboutique.ch/bearinc