Brooklyn Brook

[re]PREZENT c’est d’abord quelques questions posées à un. e artiste suisse afin de faire les présentations, mais c’est aussi quelques questions posées à des personnes qui restent généralement dans l’ombre mais sans qui il ne se ferait rien.

Pourrais-tu nous décrire, en quelques mots, qui es-tu ?
Appelle-moi Brook ou Brooklyn Brook, CEO, manager et directeur artistique quand j’essaie de faire bouger les choses pour le Rap Genevois via Batmobb label, plateforme que j’ai créée en 2014 avec mes frérots Solo et Joe. On s’est longtemps occupés des projets de Lee Boma et A’s a rejoint l’écurie il y a peu.

Quel est ton premier souvenir avec le Hiphop ?
Le clip des Beastie boys « Intergalactic » qui passait sur MTV en 98. Le concept inspiré tout droit de la série Power Rangers était grave décomplexé pour cette époque-là.

Ton premier souvenir avec le rap suisse ?
La Mixtape Geneva Terrorist Attack où figuraient des mecs comme mon cousin Berek qui m’a indirectement introduit dans ce game ainsi que mes bro A’s, Bracco, Enok Sainkel etc. Je ne sais pas pourquoi les rappeurs d’aujourd’hui ne la citent jamais dans leurs interviews. Cette compilation nous avait tous retourné le cerveau, c’était un truck de tarés. Un autre souvenir c’est un album jamais sorti des Négrociateurs, ce projet était un vrai classique un Ovni… on m’avait filé un CD gravé à l’époque… Malheureusement il a été détruit suite à un accident de voiture…

Quelle est la principale force du rap suisse ?
Sa motivation malgré le manque d’exposition… Son esprit encore très Hip Hop… très lyrics… très porté sur l’artistique… Si on regarde bien, presque personne ne vit du rap ici pourtant on travaille et on te sort des pépites tout en sachant qu’on n’en tirera sûrement pas profit…

Quelle est la principale faiblesse du rap suisse ?
Son égocentrisme, son manque d’unité… peu de mecs vaillants dans ce Game…

Qu’est-ce qui te pousse à soutenir les artistes locaux, à consacrer autant de temps et d’argent pour des projets de rap suisse ?
Je suis né dans la musique, j’ai baigné dans le RAP. Petit, je suivais les traces de mon grand cousin Berek membre fondateur du groupe Marekage Streetz. Berek et A’s avaient sorti un morceau intitulé « Le Point sur ta tempe » sur la mixtape « Geneva Terrorist Attack » qui avait été réalisée par Dogzy Blue Malone. Il faut le dire et le redire, cette mixtape avait grave du bruit et ça a été un tournant fondamental pour le rap Genevois. En bref, après cette mixtape t’avais le grand boom de la Jonx avec Marekage Streetz d’un côté et Bracco Braxx d’un autre, et moi je suis là et je regarde ça avec des grands yeux d’enfant.
Ensuite t’as aussi Bulltaré d’un autre côté avec le groupe d’un autre cousin à moi le Micro Piégé et toute la Smala du quartier des Palettes (Lion Messager, Kaiser, Frem, Fis, Z.A.R, Zarlé, Loni et la Prod lourde etc.). Il faut le dire dans le 1212 ça rappait et ça rappe toujours dur et ça seuls les vrais le savent. Ensuite t’as les anciens de Carouge « Inkonito Société » qui sont aussi des frères à moi avec Le Vicelard, Menakhem et J.Sem qui eux aussi étaient très très chauds. L flow de J.Sem, qui avait un bon buzz dans Carouge, je n’en revenais pas. Je te parle de tous ces groupes et artistes, mais la plupart aujourd’hui ont fondé des familles, quitté le mouvement ou alors se sont convertis dans totalement autre chose, mais tu vois autour de moi, tous mes grands, tous mes cousins rappaient donc comment veux-tu que je ne fasse rien avec ma nature de compétiteur!
J’avais juste envie de rentrer dans ce Game et de tout détruire. Cette rage de vaincre elle me suit depuis tout gosse et même là, je la sens en moi quand je réponds à tes questions. Je la sens en moi quand des personnes ne se pointent pas aux rendez-vous pour clipper des amis ou artistes à moi, je la sens en moi quand un ingé son qui dit connaître son métier fournit un mix de merde à un de mes rappeurs, je la sens en moi quand toi aussi Colt tu dis que tu vas sortir mon interview et que ça fait quatre mois que j’attends.
Cette rage je l’ai aussi sentie chez A’s et Lee Boma qui ont rejoint l’équipe Batmobb Label. Ce qu’il faut que tu te dises c’est que je vois le rap comme de la boxe, et Batmobb c’est un club de boxe et si des bons éléments comme A’s et Lee Boma ont rejoint le club c’est parce qu’ils partagent cette vision, celle de tout casser, de tout détruire sur leur passage.

Maintenant pour répondre plus précisément à ta question ici les gens n’osent rien faire… mais comment tu veux que ça marche si tu ne prends aucun risque ? Si ça se trouve, je vais me casser la tête avec cette petite structure, mais tout ce que j’aurai fait ouvrira des portes pour les prochains qui apprendront de mes erreurs. Un jeune noir qui veut monter un label en Suisse romande, où le sport et l’art peinent à avoir leur place, c’est inconcevable. J’ai perdu des amis et des copines, car ils ne respectaient pas le fait que j’investisse dans un domaine qui n’est pas encore rentable dans notre région, mais tu sais quoi Colt je m’en fout, car j’aime ça et dans la vie ce qui est le plus important c’est de pouvoir faire ce que tu aimes. Donc voilà ce qui me pousse à consacrer autant de temps et d’argent dans le rap et plus précisément dans ma structure : faire ce que j’aime, car j’aime ça et savoir que peu importe ce que je ferai, ça ouvrira des portes pour les prochains.

T’as certainement dû penser à tout arrêter, qu’est-ce qui fait que t’es encore là ?
Tu veux savoir pourquoi j’arrête pas Colt ? Tout simplement parce que je sais que ça me servira sûrement plus tard… Tu vois, prenons pour exemple A’s, artiste avec qui je suis en train de réaliser son prochain projet entre Paris et Nyon intitulé « Les Toiles Perdues ».
Dans un projet si tu es organisé il y a différentes phases, en premier tu détermines l’objectif (exemple : faire un album) et tu détermine aussi à quel niveau tu veux amener son projet où est-ce que tu veux que son public l’attende, ensuite tu détermines aussi le budget, l’argent que tu peux mettre dans le projet (sans ou avec l’artiste dans notre cas l’artiste investit aussi), ensuite tu détermines qui sont les parties prenantes c.-à-d. tu définis avec quel beatmaker tu vas travailler avec quel graphiste tu vas faire la pochette et avec quel ingénieur son tu vas travailler en studio, dans quel studio tu vas enregistrer et aussi ce qui est important aujourd’hui avec quel réalisateur vidéo tu vas bosser pour créer ton clip. Il est important d’identifier quel réalisateur sera assez fort pour retranscrire ton univers musical en vidéo. Tu regardes aussi si tu ne peux pas obtenir un quelconque sponsor ou une marque qui te subventionnera et toi en échange tu lui feras de la promotion sur tes visuelles ou dans tes clips.
Tout cela demande de la ponctualité, de la rigueur et du sérieux. Avec A’s c’est deux à trois réunions toutes les deux semaines et des téléphones tous les jours où on pose le pour et le contre de nos décisions pour son projet d’album. Maintenant ce qu’il faut savoir c’est que tout ça, c’est des phases de projets que tu retrouveras aussi dans des grandes entreprises comme Nestlé, HSBC ou même Rolex, mais sous d’autres formes (exemple : Rolex qui développe une nouvelle montre). Les grandes entreprises ont elles aussi plein de réunions et de démarchages, du coup moi je suis conscient que ce que je fais aujourd’hui me servira ailleurs.
Si tu regardes le rapgame comme un business, toute ta vision change. Là je suis mon propre chef et j’œuvre dans ce milieu en tant que CEO/Directeur artistique/manager donc je suis multicasquette pas parce que je veux, mais parce que je n’ai pas le choix et il faut bien qu’à un moment donné un d’entre nous porte ses couilles et agisse. Moi si je bosse avec un artiste je veux qu’il se concentre seulement sur son texte son flow ainsi que l’univers qu’il veut apporter dans sa musique.
Pour finir, je suis conscient que toutes ces choses ce sont des outils qui me serviront et me servent déjà ailleurs. Le rapgame pour moi c’est qu’une porte d’entrée qui te fait accéder à d’autres marchés surtout en France et aux States ou alors domaine qui te fait acquérir de l’expérience dans la gestion de projet. Regarde Jay Z, Booba, Swizz Beats c’est exactement ce qu’ils ont fait, ils étaient dans le rap et maintenant ils sont dans autre chose, tout ça grâce à l’expérience qu’ils ont acquise durant la conception de leurs projets musicaux.

Ta ville en 7 lieux

Un lieu pour sortir entre potes
La shisha Al’Manzhil aux Pâquis.

Un lieu pour une bonne bouffe
Si tu peux te le permettre, ramène ta femme ou ta famille au Miyako de Genève. Sinon le restaurant de la Famille le « Asmara restaurant » à Onex.

Un lieu pour un concert
Le Chat Noir, à domicile c’est obligé.

Un lieu pour chiller
Le vieux Carouge entre printemps et été.

Un lieu pour un rencard
Le bord du lac il n’y a rien de plus simple.

Un lieu pour le shopping
Zalando ou la Rue du Rhône si tu as les moyens.

Un lieu à faire découvrir à un. e touriste
La Vieille-Ville ainsi que toutes les expos discrètes que possède Genève.

Sur les réseaux :
Facebook
Instagram