estivale 2018 rap

L’espace d’un soir et 1 h 30, Estavayer-le-Lac est devenu la capitale du rap français. Avec une affiche qui avait tout pour faire rougir ses grands frères, l’Estivale était surlignée en rouge dans notre agenda. repreZent s’est donc déplacé sur les rives Sud du lac de Neuchâtel pour profiter des spectacles. Malheureusement, les plannings bien trop remplis des artistes en tournée ne nous ont pas permis de vous rapporter des interviews, il faudra donc vous contenter de nos souvenirs.

Comme il en fallait bien un, c’est Niska qui a été désigné pour ouvrir les feux. On pouvait craindre un léger manque d’affluence vu l’horaire et la météo, mais il n’en fut rien, bien au contraire. Le public était au rendez-vous, un public large et surtout multigénérationnel qui nous prouve une fois de plus que le rap n’est plus enfermé dans une case, qu’il permet aux familles de se réunir, n’en déplaise à certains parents qui avaient visiblement soigneusement évité nos sonorités favorites durant plus de 20 ans, la force de conviction de leurs enfants puis les performances des différents artistes finissant la mutation, à la fin c’est toutes les têtes qui bougent en rythme. On vous l’avait dit après le Paléo, on le répète après l’Estivale, le rap a gagné. Et s’il est facile pour nous de faire les malins, on en profite pour remercier les programmateurs d’Estivale d’avoir franchi le pas. On vous parlait donc de Niska qui a déroulé son répertoire pour le plus grand plaisir de ses fans et qui donnait le ton d’une soirée qui allait se transformer en une sorte de karaoké interactif. Mais pas le temps de s’attarder, un concert se termine qu’il faut se rendre sur l’autre scène pour assister au suivant, place maintenant à Josman venu remplacer à la dernière minute un PLK retenu pour des raisons personnelles. Comme on ne l’attendait pas, on se prend une belle petite claque, c’est aussi ça les festivals, ce genre de très agréables surprises.

Place maintenant à Sofiane qui prend possession de la grande scène et comme on pouvait s’y attendre, il n’est pas venu ici pour faire de la figuration. Le son est lourd, les basses saturent, les techniciens paniquent, tout est sale, on aime. Les cercles se forment, ça saute, ça pogote, ça crie, mais n’oublie jamais de s’excuser lorsque ça bouscule quelqu’un…. c’est aussi ça le rap en 2018, des jeunes qui se défoulent sur la musique, qui profitent des concerts pour se libérer, se vider. Les concerts servent de catalyseur, la violence a disparu et, n’en déplaise à certains de nos confrères bien mal informés, la sécurité n’est pas sur le qui-vive. Les temps ont changé, depuis plusieurs années les soirées rap se déroulent sans problèmes et cela les programmateurs d’Estivale l’ont bien compris. Une soirée entièrement rap français dans un festival en Suisse ne diffère pas d’une autre, le public vient apprécier des concerts, en famille ou avec des amis. La famille et les amis, voilà que Vald débarque avec quelques énormes dragons sur la scène et rejoint Fianso. Il faut quelques secondes au public pour réaliser ce qui se passe, c’est le feu et Sofiane de quitter la scène comme il l’avait prise, en défonçant tout.

On profite du concert des anciens de Svinkels pour se restaurer tout en redécouvrant ce groupe que l’on pensait à la retraite, il n’en est rien. Cette nouvelle jeunesse offerte par le festival leur permet d’ailleurs de rappeler aux plus jeunes que les inventeurs du sale c’est eux. Pone est aux platines. La bande-son est des plus agréable, la digestion sera facile. À peine le temps de terminer que l’on entend les premières basses, le concert de Vald a commencé. Jeux de lumières, présence, prestance, balance… tout est maîtrisé. Vald est clairement passé dans la cour des grands et si l’on pouvait se demander pourquoi il était le main event la réponse est devant nous. Le public connaît tous les textes, il veut faire des cercles, mais Vald refuse, il veut que la foule se sépare en deux, Moïse des temps modernes. Des marées de portables filmant l’instant se transforment en avalanches. Alternant les émotions et l’intensité, Vald est dans la maîtrise. Jamais très loin, Fianso remonte sur scène, les dragons sont de sortie cette nuit et ils maîtrisent le feu.

Un soir et 1 h 30 de rap français, c’est au Duc que l’on demande de venir fermer la parenthèse lundi soir. Seul rappeur de la soirée, ses exigences l’ont empêché de bénéficier d’un site sold out, mais le public présent était là uniquement pour lui. Et quand on est prêt à débourser une soixantaine de francs pour un artiste, c’est assurément que l’on est fan. La foule veut voir le boss du game, Booba fait du Booba, mais sans filet ce soir, car nous ne sommes pas assez pour combler ses absences. Qu’importe, le public chante, le Duc nous regarde, le ton est professoral, quand il monte sur scène c’est pour donner la leçon, on comprend mieux. Booba est dans une autre catégorie, de ces artistes que l’on vient voir pour dire qu’on y était, une légende vivante quoi. Mais tout d’un coup tout s’écroule, Kilian, 9 ans ce soir monte sur scène. B2o lui tend le micro et le récital commence. Agenouillé à ses côtés Booba tombe le masque, le patron du game est redevenu le père que l’on peut voir en stories insta, la boucle est bouclée. Les jeunes prennent le pouvoir, ça devient génial.

Mr Seavers