L'Itw rpZ : De Shah Rick

Il y a maintenant presque une année, Shah Rick sortait un maxi 3 titres dont sont issus les clips, toujours disponible sur le site, Shah Rick – Venus & Mars et Shah Rick – Bomayé + Help. À cette occasion, il nous avait contactés pour nous en parler plus en profondeur. Malheureusement, de couacs en aléas, cet interview a sans cesse été repoussé jusqu’à aujourd’hui. Mais qu’à cela ne tienne, car comme il le dit lui même « la promotion d’un projet se fait sur le long terme… même plusieurs mois après la sortie d’un projet. »

En décembre 2011 tu sortais un nouveau projet, peux-tu nous en parler en quelques mots ?
Il s’agit d’un maxi 3 titres, mais j’y ai aussi ajouté 3 instrumentaux. Il s’agit, à vrai dire, de mon 5e projet musical. Je pense que ce projet est le plus abouti, car, avec les années, j’ai acquis de l’expérience dans mon travail. Musicalement, j’ai essayé d’amener des variations afin de ne pas lasser les auditeurs et afin de les surprendre. Lyricalement, j’essaye de défendre certaines valeurs importantes. Durant six mois, mon morceau « Venus & Mars » a fait partie du top 3 des clips les plus demandés par les téléspectateurs de la chaîne de TV nationale suisse allemande.

Peux-tu nous parler de ces valeurs que tu évoques. De quoi nous parlent tes 3 morceaux ?
Alors pour commencer, « Shah Rick Bomayé » fait référence au fameux combat de boxe de Muhamad Ali contre Georges Foreman. Dans le making of de cette track, on peut lire tout l’historique de ce match. De mon côté, j’ai choisi ce titre, car il collait bien à la thématique et aux punchlines du morceau. Cette track a des sonorités un peu électroniques et un hook assez percutant. Dans le clip, je me mets en scène sur un ring de boxe. Le morceau « Help » parle du monde qui nous entoure et de sa folie. J’explique l’importance de faire des pauses dans ce monde qui va à 300 km/h. Pour faire passer le message, j’ai produit un son assez lent et épuré. Pour finir, « Venus & Mars » est un morceau love. Le beat est assez rapide et les percussions sont old school. J’ai donc adapté mon flow à cette track. Le son, ainsi que la vidéo, sont des sortes de poésies sur une aquarelle musicale. Les valeurs que je défends dans mes morceaux sont des valeurs positives par rapport à la négativité que les médias et les politiciens tentent de nous enfiler.

Musicalement, il y a pas mal de collaborations sur ces 3 titres, on pense notamment à Just One, Version F, Sad ou encore Tape Rekordah de Lausanne, tu peux nous en dire quelques mots ?
Les gars avec qui j’ai travaillé sont des gens carrés. Tape Rekordah fait partie de mon collectif. On a été une douzaine à travailler ensemble sur ce projet et je remercie ceux qui ont participé au développement de tout ce taff. Merci aussi à Neka.

En parlant de travail, toute cette énergie, mais aussi les moyens mis en œuvre, n’est-ce pas un peu beaucoup pour un 3 titres ?
Non parce que je suis passionné par ce que je fais et parce qu’il faut savoir se vendre et communiquer convenablement au sujet des produits que l’on fabrique. Un travail marketing sérieux a été effectué au niveau des 3 titres. Plusieurs interviews ont été réalisés et les 3 morceaux ont bénéficié d’une vidéo. Mes sons tournent dans les radios à Athènes, Johannesburg, Sydney, Los Angeles, Montréal ou au Qatar. Si les médias d’ici s’intéressent à moi, tant mieux. Si, au contraire, on s’intéresse à un autre MC que moi, ce n’est pas grave. Le monde est vaste.

Si l’on regarde bien, on remarque qu’un clip est tourné à Lyon, pourquoi ce choix ?
Pour commencer, et parce que j’entends beaucoup de choses, je dois te dire que j’avais contacté un réalisateur de Fribourg pour réaliser un clip vidéo. Nous avons signé des contrats et on a eu une discussion sérieuse autour d’un projet. Malgré cela et, malgré un contrat de réalisation béton, le mec s’est tiré avec l’avance d’argent que je lui avais faite. Il a essayé de me la mettre à l’envers sans raison. Quoi qu’il en soit, quand quelqu’un décide de manquer de respect, il doit en assumer les conséquences. Je connais du monde à Lyon et j’y suis soutenu. J’ai débarqué dans la banlieue lyonnaise pour la réalisation de mes clips. En France, il y a une réelle culture cinématographique. L’offre est très intéressante. Tous mes clips et interviews sont sur mon site : shahrick.com

Ok, laissons de côté les affaires et revenons à toi… Est-ce que tu ne serais pas en train de préparer le terrain avant de sortir un album ?
En fait, je n’ai jamais sorti de LP ! J’ai sorti un EP, un single, un street album, une mixtape et là un maxi. Faudrait que je réfléchisse sérieusement à sortir un album bientôt (hahahaha) !

Peut-être du côté de la France alors, il semblerait que tu as de bonnes connexions… D’ailleurs tu as produit un titre pour Booba en feat avec Bushido, parles-en nous un peu…
Je suis parti à Paris pour, tout d’abord, participer à des conférences musicales au Trianon. J’ai aussi déposé ma mixtape « Gospel du Ghetto » dans plusieurs Fnac : Terne, Montparnasse, Saint-Lazare et Châtelet les Halles. Là-bas, j’ai commencé à démarcher les radios, mais ce n’est pas facile à cause de la concurrence. Par contre, en très peu de temps, j’ai eu beaucoup plus d’opportunités là-bas qu’en Romandie. Durant ces meetings, j’ai rencontré des gars qui étaient dans le rap et qui travaillaient avec des MC’s connus sur Paname. J’ai expliqué que je venais de Genève et ils ont été curieux de voir ce que je produisais. Ils ont kiffé certaines instrus. On est allé en studio et l’on a signé des contrats. Maintenant, j’attends de voir ce que cela va donner.

Le mélange des langues ne semble pas te faire peur, d’ailleurs ton collectif se nomme Fuck Röstigraben…
J’ai pas mal de potes en Suisse allemande et certains bossent en radio. On parle l’allemand, le français et parfois l’anglais, mais on arrive toujours à se comprendre. Du coup, j’ai un jour dit : « Fuck Röstigraben ». Il n’y a pas de barrières entre nous. De fil en aiguille, on a continué à poser des freestyles et on a fini par sortir un « Strosse Album de la Rue » (street album) qui s’est assez bien vendu. On a monté un collectif, fait des concerts et effectué une tournée des radios germanophones.

Et sinon, avant de conclure, dis-nous pourquoi tu rappes…
Un de mes buts est de combattre afin de m’améliorer ou d’améliorer la société. Avant de commencer, il est important d’étudier le système. À ce propos, je conseille à tout le monde de lire un maximum de livres. Étudier l’art de la guerre de Machiavel ou les théories de Malcolm X. Je rappe pour amener la paix, mais je constate, avec tristesse, que beaucoup veulent la guerre. Le business de la musique est injuste, car il fait des différences de traitement entre les genres musicaux. Le rap est toujours marginalisé. Du coup, je me suis dit que cette marginalisation ne pourrait pas exister au sein même du rap. J’ai constaté que les différences de traitement existaient aussi dans ce genre musical. Des marchés sont établis entre une minorité de rappeurs et certains médias, des portes se ferment pour 95 % des MC’s. Les corrompus veulent le pouvoir et le profit. Ceux qui sont au sommet de la pyramide ont peur que la base vienne les manger. Du coup, ils vont mettre en place un tas de stratégies pour empêcher le 95% des MC’s de monter. De temps en temps, ils vont jeter quelques miettes aux MC’s affamés mais cela est fait dans l’unique but de dire qu’ils font quelque chose pour leurs pairs. En réalité, ils ne font rien du tout pour l’image du hiphop. La seule chose qui les intéresse, c’est leur propre image et le cash. Moi, je crois en des valeurs telles que le partage alors que d’autres croient en l’individualisme à outrance. Je pense que ces gens sont guidés par la peur et la peur est notre plus grand ennemi. Si tu maîtrises tes peurs, que veux-tu que les gens fassent contre toi ? Donc je dis : Shoota Babylone and Power to the People!

Et la politique ?
Les politiciens sont des représentants d’entreprises. Il s’agit de vendeurs. Ce ne sont pas eux qui tirent les ficelles, mais les groupes industriels ainsi que les lobbies. Les politiciens travaillent pour les intérêts de ces structures ainsi que pour certaines sociétés secrètes. Moi, je n’ai aucune confiance en ces corporations et en leurs représentants politiques. Eux aussi fonctionnent de manière pyramidale. Moi, j’ai confiance dans le peuple. Les choses ne vont pas changer du jour au lendemain, mais ce qui a changé c’est le fait d’être conscient que l’union fait la force. C’est pour ça que l’industrie du disque flippe. Elle ne fait pas le poids face au pouvoir des gens, au téléchargement, à l’échange de données informatiques. Elle ne peut pas contrôler les peuples. Si le monde décide de ne plus payer de la musique, on ne peut pas vraiment lutter contre. Essayons alors d’apprendre à nager dans ce chaos. Soyons créatifs et proposons de nouveaux modèles économiques et une nouvelle manière de penser et de consommer la musique.

Tout un programme… mais concrètement tu comptes t’y prendre comment ?
Par des actions simples, mais quotidiennes. J’essaie de me décentrer afin d’accorder de l’importance aux autres et à leurs galères. Je passe du temps à discuter et surtout à écouter les gens. Le rap est un tremplin pour entrer en communication et pour apporter de l’espoir. Par exemple, je suis allé donner un concert à l’hôpital des enfants à Genève l’année passée. J’ai envie d’aider les jeunes rappeurs locaux à se développer. Actuellement, je produis 3 MC’s. Mon travail consiste à leur assurer un soutien logistique de A à Z.
Pour terminer, j’offre mon nouveau maxi gratuitement durant trois jours à tous les lecteurs de repreZent. Un mail envoyé sur shahrick.com = un lien pour downloader mon maxi.