L'itw rpZ : Nokti

Blaze : Nokti Poppacase
Age : 37 ans
Ville : Lausanne
Discographie : orformOrnorm.ch

 

 

 

Pourrais-tu nous décrire, en quelques mots, qui tu es et décrire ton travail et ton parcours ?
Je suis un nègre tranquille dans un monde pas tranquille. Ma musique reflète mon problème d’adaptation avec ce monde, celui qu’on vit, mais aussi celui que l’on devrait vivre. Les vérités cachées, le savoir et les troubles qui viennent avec le savoir. C’est bête à dire, mais quand tu sais un peu ce qu’il se passe dans le monde, quand tu as pris connaissance des détails, le pourquoi du comment c’est compliqué de vivre avec. Tu deviens un peu schizophrène quand tous les jours tu vois des carottes à la télé que tes proches acceptent et nourrissent. C’est dur de ne pas vouloir les convaincre qu’ils font partie d’un plan et que reproduire continuellement les mêmes conneries qu’on voit devant son écran ou que l’on entend sur les ondes ne fait que servir le pouvoir en place. Beaucoup ne comprennent pas et te prennent pour un gros dingue, mais encore une fois ça fait partie d’un plan, le bien contre le mal ce n’est pas Walt Disney c’est réel.

Qu’est-ce qui t’a amené à faire de la musique ?
Mes rêves et mes superhéros depuis l’âge de 8 ans… J’veux faire ça, j’voulais être rappeur et basketteur. J’ai pu voir les grands du hiphop arriver. Imagine ce que c’est de voir les débuts de Nas, Notorious big, Wu Tang, Rapline, Yo! Mtv Rap. Imagine ce que c’est de découvrir un gars comme Redman dans les clip d’EPMD… c’est magique. Voir Krs-one à l’époque de BDP, voir la Gangstarr Foundation, découvrir Mobb Deep, découvrir Eazy e dans le clip « we want eazy », voir Big L dans les clips de showbiz &a AG. Tu es un gosse et tu rêves devant tout ça. Sans parler du rap français voir les premiers clips de NTM, Assassin, toute la génération « Rap attitude », les littles… putain les gars étaient juste trop fort… la pochette où ils sont assis sur un trône c’est anthologique. Ministère Amer, le clip « Traître » et le clip de Stomy en jogging blanc bo gosse, c’était terrible, sérieux.

Pourquoi avoir choisi le rap ?
Je n’ai pas choisi, c’est le boom boom bap quoi… C’est la danse, c’est la culture, le style… c’est un truc international qui peut être à toi. Tu peux en faire partie, taper un Freestyle en soirée à côté de Solo et prendre un vent parce que tu n’as pas le niveau, rentrer à la maison avec la haine du monde et taffer ton rap comme si ta vie en dépendait pour que plus jamais ça ne t’arrive, t’y retournes et y’en a un autre qui te met un vent encore plus violent et tu rentres chez toi encore la tête basse, mais le cœur lourd, plein de force pour t’affiner. Imagine que ce n’était même pas des clashs, c’était juste lâcher quelque chose qui tienne la route avec ou sans micro.

Quelle a été ta première expérience avec ce style musical ?
La danse, le quartier, mon oncle qui écoutait de la funk et du reggae 24h sur 24, mon cousin et ses cassettes avec Boo Ya Tribe, the Jaz, les Jungles Brothers et James Brown, Michael Jackson, les pas de danse, les danseurs de Digital Underground ou les danseurs de Bobby Brown. C’était la folie, les vidéos de mon cousin je les repassais en boucle jusqu’à tuer la VHS. Tu voulais connaître toutes les mimiques par cœur pour les reproduire dans la rue puis t’entends Redhead Kingpin « Do the right thing » et c’est fini tu deviens un alien.

Tes sources d’inspiration ?
Les années 90 ; Tribe Called Quest, Mobb Deep, Nas, Keith Murray, le Hit Squad et le Def Squad après la séparation, Run Dmc qui était déjà là, mais les gars ne lachaient rien et c’était fort. Les gars ont sortis Onyx… merde ONYX, Boot Camp Click. Mon groupe c’est Smif & Wessun, les vibes ragga, j’viens des antilles moi, les West Indies Gwada Madinina donc on était connectés. Le mot rude boy est international comme le mot sound boy. Y’a toujours eu du ragga dans mon quartier donc quand le boot camp est arrivé c’était comme des grands frères on comprenait le truc.

Quelle est ton actualité en ce moment ?
Case Negre tous les jours, Top Secret, Hardlife, Backstage 2 plus quelques grosses surprises avec des gros producteurs de Paris, des gars super talentueux que même les cainris viennent chercher pour avoir le vrai son Boom Bap. Sinon c’est aussi l’album « Top Secret », un ovni concocté avec Grand Papa Tra.

Des projets à venir ?
Mon prochain album va s’appeler « Histoire Vraie » en collaboration avec Skile d’OrformOrnorm et y’a aussi un projet Hardlife qui devrait voir le jour. Sinon des sons à droite à gauche. J’aime faire des combis, avant j’étais pas tellement d’accord pour travailler avec les gens, mais quant on vient te demander un 16 parce qu’on apprécie ton travaille ou parce que le gars t’a écouté en grandissant… perso j’ai du mal à refuser. Je demande juste que les gars m’envoient du Boom Bap, une teille, de la bonne bonne weed et des tunes si y’en a. Le son d’aujourd’hui ne m’intéresse vraiment pas, j’entends, je sais ce qu’il se joue en ce moment, mais ça rentre rarement dans mon cœur c’est souvent froid.

Quels sont les sons qui tournent en ce moment dans ton mp3?
Roc Marciano, A$ap Rocky, Joey Badass et son équipe, Pro Era, Sizzla, Vibes Kartel, Kendrick Lamar, tous le TDE et Sean Price (NDLR : pas mal pour quelqu’un qui n’écoute pas de sons d’aujourd’hui…) plus des classiques qui ne quittent jamais mon mp3… D.I.T.C, Boot Camp, Nas, Wu Tang, Krs One, etc… toujours dans mes oreilles.

Le dernier livre qui t’a marqué et pourquoi ?
« Les dossiers noirs du Vatican » parce que c’est une carotte internationale pas le livre, le Vatican. Y’a aussi « the Almigthy Black P Stone Nation », un livre sur un gang de Chicago devenu une grande organisation et constamment en guerre contre les Gangsters Disciples autre gang bien connu de Chicago. Demandez à votre pote ex-gardien de prison Rick Ross ahahah. Sinon dans un tout autre registre il y a « mémoire d’esséniens » et « le manuel du guerrier de lumière ».

Et le dernier film ?
« Flight », j’ai trouvé terrible et un film français qui s’appelle « 38 témoins » parce qu’il te plonge dans l’être humain, sa lâcheté et les raisons de sa lâcheté

Que penses-tu du « rap suisse » ?
Fort et inspiré, mais parfois trop imprégné de rap français. C’est dommage de reprendre les mauvais schémas du rap français

Quels sont les inconvénients de la « vie d’artiste » ?
Je taffe à l’usine pour me nourrir donc la vie d’artiste n’est pas ma pote. Sinon les vrais inconvénients c’est de voir tous ses parasites manger dans ton assiette en racontant des contes de fées que tout le monde avale comme histoire vraie. C’est clair le rap aujourd’hui c’est de la politique, les gars te promettent le ghetto pour que tu votes pour eux et quand ça marche les gars insultent la pauvreté. Un truc que j’ai jamais compris… comment tu peux insulter ta propre mère ? Si tu viens d’un environnement pauvre, tu hais la pauvreté, mais tu n’insultes pas les gens pauvres parce que t’insultes les tiens donc j’trouve ça bizarre, vraiment.

Quels en sont les avantages ?
Aujourd’hui je ne sais pas… peut-être ces rares moments où tu rencontres le respect pour ce que tu fais. Ces moments où l’on vient te dire pourquoi « on aime ce que tu fais ». Ça n’a pas de prix quand tu écris quelque chose qui vient du trou du cul de ton cœur, quand tu craches ta vérité et que quelqu’un que tu ne connais pas te dit « on est bien dans le même monde ». On m’a déjà décrit l’état dans lequel je me trouvais en écrivant un texte, le gars m’a dit avoir ressenti mes paroles et les avoir vécus… ça c’est un truc de fou, mais ça n’existe que quand tu ne mens pas, j’parle pas d’un mot ou d’une phrase, j’parle d’un ressenti. Le gars t’explique ce que toi tu as ressenti… MERDE c’est fort et c’est gratuit.

À ton avis, que manque-t-il pour faire évoluer les artistes « rap » en Suisse ?
Rien. Ils sont très forts quand ils sont eux même. Sincèrement écoutes un gars comme Gambi, le gars est trop fort, le gars brille simplement. C’est l’un des meilleurs MC que j’ai pu côtoyer ici ou ailleurs. Sinon c’est les médias qui manquent le pont entre l’artiste et le public

Si tu avais un conseil à donner à un jeune qui commence, que lui dirais-tu ?
Sois fidèle à toi-même. Ca prend beaucoup plus de temps, mais après faut savoir pourquoi tu fais du rap. Si c’est pour l’argent ben allume ta télé, entoure-toi bien et fais la même chose. Si c’est pour toi d’abord, alors sois fidèle à toi-même, raconte-toi pas un autre ou même si tu racontes un autre fais le en partant de ton point de vue personnel, mais tout le monde fait ce qu’il veut, tout le monde doit apprendre à grandir, c’est normal même si c’est douloureux pour les oreilles.

En guise de conclusion, ça veut dire quoi repreZenter pour toi ?
repreZenter pour moi c’est quand ma mère ou mes potes se reconnaissent et me reconnaisse dans mes textes. Dernièrement, après avoir visionné le clip de « Nous on est loin », un pote de chez moi à Paris 20e m’a dit « Tu nous représentes vraiment ». Ca m’a rendu fier parce que le gars m’a dit « tu ne mens pas » et qui est mieux placé qu’un gars du quartier où j’ai grandi pour me dire ça, à part ma mère ?

Un gros big up à reprezent.ch et merci pour le soutient, c’est rare d’avoir les couilles de soutenir les vraies choses. Merci Hardlife, OrformOrnorm, Alchimie Radicale, No Game et Sebb ainsi que tous ceux qui m’ont ouvert les portes de leurs studios quand j’suis arrivé en chien sur Lausanne. Merci. Je n’oublie pas Underground Suspect, big up pour ceux qui savent, Case Negre ma vie.