L'itw rpZ : 10ip

Blaze: 10iP
Date de naissance: 30 avril 1986
Ville: Neuchâtel (Cortaillod, Michigan)
Discographie:
Explistreetskeud (2007)
1E2C – On est venu pour le titre (2008)
Michigang Mixtape vol.1 (2010)
Je garde la tête haute (2012)

 

Pourrais-tu nous décrire, en quelques mots, qui tu es et décrire ton travail et
ton parcours ?

Je m’appelle 10iP. J’ai 26 ans et je suis animateur socioculturel pas encore diplômé. J’ai commencé à rapper sérieusement en 2005 avec le groupe Division Explicite alors formé de Nano, Farawan, Hook et Dj Wark. J’ai fait 4 apparitions sur le premier projet du groupe l’« Explistreetskeud » sorti en 2007. L’année suivante avec Nano, on a sorti une net tape sous le binôme de 1e2c (1 Équipe 2 connards). En parallèle du groupe Division Explicite, on avait formé le Michigang qui avait pour but de réunir tous les artistes qui gravitaient autour du groupe. En 2009, d’un commun accord, Farawan et Nano ont quitté le Michigang. En 2010, on a sorti le premier projet du collectif Michigang : la « Michigang Mixtape vol.1 ». Et pour conclure, j’ai sorti mon premier album solo « Je garde la tête haute » au mois d’avril de cette année.

Qu’est-ce qui t’a amené à faire de la musique ?
Mes deux parents écoutaient beaucoup de musique. Ceci explique peut-être cela…

Pourquoi avoir choisi le rap ?
Dans mon cas ça n’a pas été une évidence ou une vocation. J’écoute du rap depuis l’âge de 11 ans, mais j’ai commencé très tard à rapper (19 ans) par rapport aux autres MC’S. Dans ma vie, j’ai à peu près foiré tout ce que j’ai entrepris. Je pense qu’il a fallu que je me perde pour enfin trouver un domaine où je me sente vraiment à l’aise. J’ai commencé à rapper pour le challenge et pour vaincre ma timidité. Très vite, j’ai constaté que j’éprouvais du plaisir et que j’avais une certaine facilité à gratter des textes alors j’ai persévéré.

Quelle a été ta première expérience avec ce style musical ?
La première fois que j’ai écouté du rap, c’était dans la voiture de mon père. Il écoutait « Prose Combat » de Mc Solaar en boucle. J’ai tout de suite accroché sur le phrasé, les rimes et les mots. Mais c’est deux-trois ans plus tard que je suis devenu complètement possédé avec la déferlante marseillaise : « Métèque et Mat », « Où je vis », « Sad Hill », « Chronique de Mars », « L’école du micro d’argent », la FF, 3ème œil… etc. Comme beaucoup, j’ai commencé à baragouiner mes premières « impros », lors de soirées bien enfumées et alcoolisées. Quand j’ai pris du niveau, j’ai écrit mes premiers textes sur des faces B que j’enregistrais avec mon MP3. J’ai toujours été super underground comme mec (rire).

Tes sources d’inspiration ?
Je vais peut-être paraître un brin prévisible, mais je pense que le rap français des années 90 m’a beaucoup influencé. Oxmo, Booba, Lino, Akhenaton et surtout le Rat Luciano qui pour moi restera à jamais le numéro 1. J’ai également été beaucoup influencé par des groupes qui sont venus bien plus tard comme les Zakariens, Ul Team’Atom, Sakage Kronic… etc. Même si j’en écoutais aussi avant, je me suis vraiment mis à écouter du rap ricain sur le tard. Rayon US, je kiffe énormément les trucs bien new shit. Impossible de citer quelques noms y’en auraient beaucoup trop. Depuis quelques années, j’écoute énormément de rap italien, les mecs sont super frais. Mais je suis ouvert aussi à d’autres genres musicaux comme le métal, la pop, la variété, l’électro, le trip hop… etc. Sinon, j’essaie d’être attentif à l’environnement qui m’entoure. Je pense qu’il n’y a pas mieux comme source d’inspiration.

Quelle est ton actualité en ce moment ?
J’ai sorti mon premier solo « Je garde la tête haute » au mois d’avril de cette année. Il est d’ailleurs toujours disponible sur Michigang.ch et sur iTunes. Et j’ai sorti un street clip « Jean-Claude Dusse Music » le mois dernier dans le cadre des Michisundays.

Des projets à venir ?
Je prépare une mixtape qui sera en téléchargement gratuit. Elle comportera des remix, des inédits, des medleys et des feats que j’ai faits un peu à droite et à gauche. Et avec le Michigang, on démarre gentiment l’élaboration de la « Michigang Mixtape vol.2 ».

Quels sont les sons qui tournent en ce moment dans ton mp3?
J’écoute beaucoup de rap italien. Surtout Marracash et Fabri Fibra. Sinon Kanye West, Drake, Kid Ink, Tech N9ne, Orelsan, Portishead, Marilyn Manson…etc.

Le dernier livre qui t’a marqué et pourquoi ?
J’ai pris goût à la lecture y’a 3-4 ans. En ce moment, je lis pas mal. Ça va être dur d’en choisir un seul… Je dirai « Néo-fascisme et idéologie du désir, Mai 68 : la contre-révolution libérale libertaire » de Michel Clouscard. Dans ce livre, il analyse comment Mai 68, qu’il définit comme étant une révolution entièrement bourgeoise, a liquidé la gauche marxiste et populaire pour la remplacer par la gauche dite libérale-libertaire. Il décortique également avec brio les rouages de la société de consommation. Sachant que ce livre a bientôt 40 ans c’est juste fou de constater qu’il est on ne peut plus d’actualité et que le type était juste un visionnaire. J’ai beaucoup apprécié « Révolte contre le monde moderne » de Julius Evola. Je pourrai vous parler de lui, mais ça ne servirait à rien. Evola c’est un voyage mystique qui ne se raconte pas, mais qui se vit.

Et le dernier film ?
Je ne suis plus du tout à la page avec les films. Je trouve que les productions hollywoodiennes ont de plus en plus un arrière-goût de carotte… Je suis resté bloqué aux classiques de Sergio Leone. Le dernier film que j’ai kiffé c’est « American Beauty » c’est dire…

Que penses-tu du « rap suisse » ?
La démocratisation des homes studios et le boum de supports tels que YouTube, Facebook ou Twitter, ont eu pour effet de rendre le rap beaucoup plus accessible et visible à la masse. Il y a un nombre incalculable de projets et de clips qui sortent par jour. Il faut donc beaucoup trier. Une fois le tri effectué, il y a évidemment de la qualité qui émerge. Ce qui me dérange c’est l’esprit de village qui règne dans ce milieu. Dès fois, j’ai l’impression d’être sur AB1 dans un épisode d’Hélène et les garçons ou de Premiers Baisers, à la seule différence que Jérôme et Justine avaient plus de charisme et surtout plus de choses pertinentes à dire. Ces messes basses et ces pseudos clashs ça me casse les c……. Faites des projets au lieu de perdre votre temps avec ces gamineries!!!!!!!!

Quels sont les inconvénients de la « vie d’artiste » ?
La médisance, les gens intéressés, les ragots, l’envie, la jalousie, les épisodes d’AB1… etc. Moi qui ne pèse déjà pas grand-chose je l’ai remarqué, alors je n’imagine même pas quand t’es un Jay-Zou un Booba…

Quels en sont les avantages ?
L’avantage c’est les rencontres que tu fais. Sans la sik, je n’aurais peut-être jamais lié d’amitié avec Hook, par exemple, ou d’autres personnes. Et y’a aussi le fait que la sik c’est une bulle dans nos quotidiens de robots lobotomisés. Un voyage, une évasion de quelques minutes ou de quelques heures…
À ton avis, que manque-t-il pour faire évoluer les artistes « rap » en Suisse ?
Une vraie mentalité et des corones. Pour faire évoluer les choses, il faut créer une émulation, un vrai mouvement. Pour se faire il faut :
1) Accepter la concurrence. Y’a de plus en plus de mecs qui la réfutent, car ils veulent être les seuls à bouffer le gâteau. Or, quand on accepte la concurrence, on accepte la remise en question et surtout ça pousse chacun d’entre nous à se surpasser et à se transcender. Quand j’écoute des mecs comme Eriah ou Bes ça me fout la pression, mais une saine pression. Ça me pousse à toujours vouloir faire mieux.
2) Unir un maximum nos forces. J’ai bien conscience qu’on ne peut pas aimer tout le monde, mais je pense qu’il n’y a pas assez de collaborations entre MC’S ce qui bloque la création d’un vrai mouvement et…l’acceptation de la concurrence justement. Voilà ce que j’entends par vraie mentalité.
Maintenant, venons-en à la paire de corones. En Suisse, il y a du potentiel, mais ça manque de prise de risque artistique à mon goût. Y’a moyen de pousser le truc plus loin. J’entends souvent des rappeurs dirent qu’ils sont prêts à tout pour vivre de la musique, mais très souvent ils n’ont pas les moyens (ou ils ne se les donnent pas) de leurs ambitions. Pour cela, il faut quitter un certain confort et en Suisse c’est très difficile. Pour aller au bout de la chose, il faut prendre des risques et surtout se faire « mal »…

Si tu avais un conseil à donner à un jeune qui commence, que lui dirais-tu ?
Travail, travail, travail. Y’a pas de miracles. Il y a bien sûr la notion de plaisir qui est importante mais d’après moi le travail c’est le plus important. Je vois trop de mecs prendre le truc à la légère et ça me gonfle. Si c’est pour faire le mec swag ou te taper la pouffe de ta ville faut arrêter le rap et retourner sur les réseaux sociaux… ou alors viser une reconversion dans une série pilote d’AB1.

En guise de conclusion, ça veut dire quoi repreZenter pour toi ?
Ce terme a tellement été détourné et caricaturé, très souvent jusqu’à l’extrême, que j’ai beaucoup de peine à lui trouver une signification. Un peu comme le terme « démocratie » d’ailleurs…