L'Itw Geek de K-Murdock

Un OG (Original Geek) dans le Hip-Hop : K-Murdock
K-Murdock, producteur anciennement signé chez Rawkus avec son groupe Panacea, revient tout juste d’une tournée au Japon avec le rappeur Random. Une bonne occasion afin de connaître ses impressions sur le pays du Soleil Levant et se pencher sur son amour pour les cultures Hip-Hop et manga. Car oui, K-Murdock, en véritable animefan et geek, s’est prêté au jeu des questions-réponses en compagnie de votre serviteur… geek également !

Interview et traduction : Tuân

Pourrais-tu te présenter en quelques mots ?

Mon nom est K-Murdock, je suis un producteur de musique et ingénieur sonore de Washington DC, aux États-Unis. J’aime les animes (dessins animés japonais), les jeux vidéo et un peu tout ce qui a trait à l’art de manière générale !

Comment as-tu commencé à écouter du rap puis à en produire ?

J’ai grandi pendant l’âge d’or du rap entre 88 et 92, j’ai donc été très influencé par des groupes comme A Tribe Called Quest et De La Soul, deux groupes qui font toujours partie de mes préférés à l’heure actuelle. Quand j’étais à l’université, la tendance était au Down South et ATCQ s’était séparé. Je sentais que quelqu’un devait continuer à produire ce genre de musique, alors j’ai décidé de mettre les mains à la pâte en faisant des beats. J’étais bien mauvais au départ, j’ai dû apprendre, ce qui est toujours le cas, et je suis finalement parvenu à devenir assez bon pour me faire remarquer… et me constituer une fan base également 😉

Quelles sont tes plus grosses influences dans le Hip-Hop ? Tu as un tatouage ATCQ si je ne m’abuse ?

Comme je l’ai dit, et le tatouage de la couverture de « Midnight Marauder » de ATCQ sur mon bras droit en est témoin, je suis un grand fan de ATCQ, De La et ce que leur crew, les Native Tongues, représente : l’individualité, la créativité, et par-dessus tout de la bonne musique !

Beaucoup de gens ont eu vent de ton travail grâce à ton groupe Panacea. Comment s’est formé le groupe et dis-nous en plus concernant votre signature chez Rawkus.

Panacea a vu le jour en 2000 alors que j’étais à l’université. J’avais quelques potes qui rappaient, mais ça n’a pas fonctionné dans la mesure où il s’agissait surtout d’un délire d’été pour la plupart d’entre eux. Pour ma part, je me suis focalisé sur la musique, ai rencontré Raw Poetic par le biais d’un ami en commun en 2003, et lui ai refilé un CD de beats. Il a tout de suite aimé ma touche et avons enregistré derechef un album commun en l’espace de 3 mois. Depuis, nous sommes toujours ensemble ! Le deal avec Rawkus s’est fait grâce à MySpace, du temps où cette plateforme fonctionnait encore. Nous avons signé sur un petit label indépendant dans un premier temps puis avons signé chez Rawkus une année plus tard.

Je suis persuadé que beaucoup de personnes vous posent tout le temps la même question, mais que s’est-il passé avec Rawkus ?

Notre contrat a pris fin en 2008 puis nous nous sommes séparés. Depuis, je n’ai plus vraiment eu de nouvelles des responsables, Jarrette et Bryan, mais je suis certain qu’ils doivent bosser sur quelque chose. Je sais qu’ils se sont séparés en mauvais termes avec certains de leurs artistes. Je suis heureux d’être à nouveau indépendant dans la mesure où nous nous faisons plus d’argent avec notre musique.

Tu produis pour le chanteur de Soul Raheem Devaughn, de quelle nature est votre relation ? À quel point est-il difficile de collaborer avec un artiste signé en major ?

Raheem est un pote de longue date, nous n’avons rien fait ensemble depuis un certain temps, mais nous avons discuté il y a peu de cela de redonner naissance à un projet commun : The Crossrhodes. Mais rien ne s’est encore fait, il est souvent occupé, il a toujours été comme ça. C’est un hustler, et il faut dire que ça paye ! S’il y a bien une chose que j’ai apprise de lui, c’est que le temps c’est de l’argent. Quand on bosse ensemble, ça doit se faire dans un état d’esprit business dans la mesure où il y a genre 10 personnes derrière qui attendent de pouvoir bosser avec lui (rires).

Et qu’en est-il de ta rencontre avec le rappeur Random aka Mega Ran ?

Je l’ai rencontré en animant mon émission radio Subsoniq. Il m’avait envoyé du son pour que je le joue dans le show et m’avait envoyé une copie de son album « Mega Ran ». J’ai écouté, kiffé. De plus ça m’a fait découvrir une véritable secte au sein même du Hip-Hop dont j’ignorais l’existence : les nerdcores. Dès lors, on a énormément collaboré ensemble. C’est un des MCs avec lequel je préfère travailler.

Tous deux partagez un intérêt flagrant pour le manga et les jeux vidéo, d’où vous est venue l’idée de mêler Hip-Hop et game music ? À quel point est-ce que la japanimation et le JV influencent ton travail en tant que compositeur ?

Nous avons le même amour pour le retro-gaming qui est comparable à notre amour pour les classiques du Hip-Hop. Nous avons grandi à une époque où jouer à des jeux comme Super Mario et Zelda était aussi normal que d’écouter A Tribe Called Quest et Ice Cube. De fait, il était très naturel pour nous de faire le projet « Forever Famicom » (NDT : projet avec Mega Ran dédié à la Famicom de Nintendo) dans la mesure où nous avons grandi entourés de classiques du jeu vidéo et de classiques du rap. Sinon, les arts orientaux m’ont toujours attiré. Voir plus jeune des anime comme Fist Of The North Star (Ken le Survivant), Akira et Dragon Ball Z m’ont vraiment fait aimer ces univers. J’aimais l’animation, les histoires. En plus, l’esthétique était unique en soi et chaque anime avait toujours un message en filigrane à passer.

Au fait, qui est ton compositeur préféré de game music ?

Mon préféré est toujours Yuzo Koshiro. La musique qu’il a faite est allée au-delà des styles et des genres. Son influence occidentale – notamment dans des jeux comme Streets of Rage et Adventure Island- m’a captivé au plus haut point dans la mesure où je n’avais jamais entendu quiconque utiliser des éléments de Dance et de Hip-Hop dans des musiques de jeux. À ce jour, je considère toujours ses bandes originales comme les meilleures. Koshiro avait un style tellement progressif, c’est ce que j’adorais chez lui.

D’où est venu ton intérêt pour les mangas et les JV ? Et d’ailleurs, d’où provient ta fascination pour Jubei Kibagami de Ninja Scroll ?

Le premier anime que j’ai vu était Akira en 93. Un pote avait la version sous-titrée en VHS. À partir de ce moment, j’ai commencé à acheter tout ce que Streamline éditait en matière de japanimation, et à acheter tout ce que Squaresoft produisait en matière de jeux vidéo. C’était comme acheter tous les albums sur lesquels étaient crédités Q-Tip ou DJ Premier en fait. Je suivais religieusement ces « marques de fabrique », c’est ce qui m’a permis d’approfondir mes connaissances en matière de jeux, d’anime et de musique. Concernant Jubei Kibagami, j’adorais le dessin animé Ninja Scroll dont Jubei était le héros. Musicalement, je me suis toujours perçu tel Jubei : un ronin voyageant, ne rendant de compte à personne, mais qui est tout de même discipliné. J’ai adopté le concept du « samourai beatmaker » en m’inspirant d’une image de Jubei qu’un ami avait redessiné ; une MPC se retrouvait à côté de son sabre et j’aimais l’idée du personnage qui voyage autour du monde en quête de samples. Autrement, mes personnages féminins favoris en matière d’anime sont probablement Major de Ghost in the Shell ou encore Battle Angel Alita (Gunnm) le cyborg. Il est préférable de ne pas leur chercher des noises !

Quid des jeux vidéo ?

Ma série préférée doit être Final Fantasy, le VI étant mon épisode favori, le VII étant juste derrière ! J’aime les RPGs (Role Playing Game) même si je joue plus à des RPGs occidentaux à l’heure d’aujourd’hui. Les scénarios et le format des RPGs japonais sont devenus ennuyeux, j’ai donc passé ces 3 dernières années à saigner des Fallout 3 et autres Fallout : New Vegas. Autrement, mes autres jeux cultes sont Assassin’s Creed, Tenchu et Hitman.

Tu reviens tout juste d’une tournée au Japon, qu’en as-tu pensé?

Le Japon était incroyable, le pays est tellement propre et tout y fonctionne de manière si impressionnante que j’en avais honte pour les USA. La nourriture est contrôlée avec minutie, et manger au McDonalds en devient presque bon (rires). Les gens ne nous ont pas dévisagés comme j’aurais pu l’imaginer (NDT : la société japonaise, étant mono ethnique, porte un regard assez critique vis-à-vis des étrangers), les Japonais semblent être très respectueux et amicaux, j’ai adoré ça. J’ai pu jouer au Japon dans le cadre du « More B.A.R.K. Tour ». L’objectif était de se produire dans 3 grandes villes japonaises en emmenant avec nous des fans américains afin d’aider le tourisme japonais à reprendre. Vous pouvez trouver plus d’informations à ce sujet ici : morebarktour.com

Que penses-tu de AKB48 hahaha ? (NDT : AKB48 est une escouade de 48 filles en mini jupe faisant de la J-Pop. J’en suis un fanatique absolu…)

Hahaha ! J’avoue ne jamais avoir entendu parler d’elles auparavant, mais j’ai vu énormément de publicités avec elles et ces types, des espèces de chanteurs de Soul nippons (NDT : peut-être EXILE, les Dru Hill japonais…). C’est amusant de constater à quel point le fait de s’habiller en petite écolière est considéré comme sexy chez la femme japonaise (NDT : le fameux lolita complex nippon). Chez nous, un type comme R.Kelly a eu bien des problèmes après avoir fricoté avec une écolière (rires).

Les animefans en Europe sont plus portés sur le Visual Rock et le Rock Prog, et apprécient rarement le Hip-Hop. Avez-vous les mêmes problèmes aux States ?

Définitivement, je pense que c’est parce que des séries comme Samurai Champloo dans lesquelles le Hip-Hop et les arts orientaux se mêlent sont trop rares. Malheureusement, à 99% du temps, les thèmes d’ouverture et de fin des animes sont essentiellement Rock, Prog… Il semble que le public peine à digérer tout ce qui a trait au Hip-Hop. Mais une série comme Samurai Champloo a véritablement aidé la culture Hip-Hop à mieux s’exposer au sein de la Japanimation et a permis à des artistes comme Nujabes (RIP) et Fat Jon de toucher une nouvelle audience. J’espère simplement que plus de gens accepteront à l’avenir le Hip-Hop dans la japanimation, tout comme il a déjà été accepté dans le jeu vidéo.

Quelles sont tes dernières sorties et quels sont tes prochains projets ?

Ma dernière sortie est « The Ronin », un EP de 7 titres que vous pouvez écouter et acheter ici : http://neosonix.bandcamp.com. Je suis en train de travailler sur énormément de gros projets pour 2012 dont un nouvel album de Panacea, un nouvel album avec Mega Ran sur lequel nous utiliserons la musique de jeux Sega classiques. Je prépare également de nouvelles choses pour mes séries iMANGANation et Mood Muzik !

Très bien, bonne chance à toi K, et merci d’avoir répondu à mes questions !
Merci Tuân !

Ecoutez et procurez-vous les dernières sorties de K-Murdock sur neosonix.bandcamp.com