Cette fin d’année est marquée par la sortie du dernier album de Stress qui revient donc à ses affaires après la parenthèse « Noel’s Room » puis la production de l’album de Nicole Bernegger. Un album qui ne porte pas vraiment de nom si ce n’est celui de son auteur, comme pour nous signaler qu’il sera difficile de réduire ce projet à un seul morceau tant les influences et les sonorités sont variées dans ce qui est pour nous, l’une des meilleures sorties de l’artiste. Mais pour y parvenir, le chemin n’était pas forcément tout tracé, pour Stress qui a dû et surtout su se remettre en question et revoir complètement ses méthodes de travail. À la fin de « Renaissance II », j’ai pris conscience que j’étais arrivé à la fin d’une boucle… peut-être même un peu plus tôt en fait, « Renaissance II » étant plutôt l’album par lequel j’essayais de trouver une solution sans la trouver. Dans ce dernier album, je pense avoir trouvé quelque chose de plus concret. Au final, je pense que c’est un des projets que j’ai fait qui est le plus abouti, avec le premier « Renaissance ». Il y a un tournant qui a été pris, un bon changement opéré par rapport au dernier, c’est en tout cas les feed-back que je reçois pour l’instant.

D’ailleurs on ne peut s’empêcher de lui faire part de notre grande satisfaction à son abandon de chanter lui-même les refrains… Ça fait partie de tout un processus au travers duquel tu apprends. Tu veux essayer de tout faire, tu pousses les limites jusqu’à un certain point où tu remarques que ce n’est pas pour toi… T’arrives à un moment où finalement t’as juste envie de faire ce que tu sais faire. Même si c’est vrai qu’avec le temps je me suis de plus en plus intéressé à savoir comment faire la musique, trouver les lignes de voix… mais il faut être honnête, je ne suis pas chanteur. Je suis peut-être bon pour trouver des idées, des mélodies, mais il ne faut pas forcément que ce soit moi qui chante ces idées mêmes si ce sont les miennes.

On vous l’annonçait, Stress a su se remettre en question et assume ses errements passés. On en profite donc pour revenir sur sa collaboration avec Yvan qui, sur cet album, semble avoir retrouvé un nouveau souffle. Je pense que ce qui s’est passé c’est qu’on était arrivé au bout d’un truc. Je me suis lancé sur l’album alors que la femme d’Yvan attendait leur deuxième enfant mais je le tenais informé. Je lui disais voilà, cette semaine je vais faire trois jours de studio avec Nicole, la semaine prochaine je serai à la maison avec les gars… Et finalement au 3e jour que j’étais au studio avec Nicole, Yvan arrivait en sachant que j’étais au studio avec elle et il avait fait un truc en pensant à nous, c’était la prod de « 30+ »… c’était genre 45 minutes avant la fin de la session, on a écouté et on a trouvé ça mortel. Nicole est directement allée essayer des trucs… c’était pareil aussi pour « #Noir », c’était une fin de session… il vient et me demande ce que je pense d’un truc qu’il a fait et là aussi on s’est directement mis dessus dès qu’on l’a reçu. C’était finalement très spontané de sa part. Avant c’était plutôt moi qui l’appelais en lui disant qu’il me fallait absolument un truc pour tel morceau alors que là il n’avait pas de contraintes, il ne devait pas faire de la musique, il voulait faire de la musique et ça fait toute la différence.

Et concernant Fred qui est crédité sur de nombreux titres et qu’on connaît moins par ici ? En fait c’est assez simple, Fred s’est présenté à moi en me disait « je sais que t’as plein d’idées, moi je veux simplement être un transformateur, essayé de mettre sur bande ce que toi t’as dans la tête ». On a donc passé beaucoup de temps à travailler ensemble sur les différents morceaux, la musique, les lignes de voix, le rap. On définissait les morceaux au niveau du son pour ensuite mettre les choses en forme. On a beaucoup travaillé dans ce sens. Il y a aussi MAM qui a beaucoup contribué à ce niveau-là, au niveau des mélodies de refrains… il est juste incroyable.

C’est donc ça le secret du renouveau de Stress, la collaboration entre les artistes ? On a surtout essayé de travailler en équipe, d’avoir des gens variés afin d’avoir une palette d’émotions variées, que ce soit avec Tina, Sway, Nicole ou Bastien. Automatiquement quand tu travailles avec différentes personnes ton travail s’en retrouve influencé et c’est aussi ça qui amène une nouvelle énergie, des émotions différentes de ce que tu aurais fait tout seul. Je pense que c’est surtout ça qui me manquait par le passé, c’était un peu trop une répétition de ce que j’avais pu faire avant.

C’est une approche finalement assez éloignée des clichés liés à la création d’un album de rap. En fait on est dans une structure qui, l’air de rien, à débuté lorsque j’ai lu les crédits de « Yeesus »… sur un morceau où il y a un kick, un snare et un synthé y’avait 8 personnes créditées. Donc tu comprends que c’est souvent un travail d’équipe, l’apport d’idées sans guerre d’ego. C’est vraiment rafraîchissant de pouvoir travailler avec autant de gens, même avec Jay Fase, on a du faire des retouches sur le morceau qu’on a fait ensemble pour qu’il s’intègre un poil mieux sur l’ensemble de l’album et il me dit : « faites ce que vous avez à faire ». On apporte tous quelque chose, il y a cet échange. Dans le passé je crois que c’était impossible ce genre de trucs… les mecs te répondaient « ne touche rien, c’est mon kick, mon snare, faut rien changer ». Je pense qu’on est beaucoup plus dans un esprit de song writting aujourd’hui, où les gens sont beaucoup plus ouverts, ils ont compris que ce qui est important c’est de faire, pas de qui le fait. Car au final on fait tous partie de l’équipe. Un morceau comme « Jungle »… y’a beaucoup de monde dessus. Ça part d’un coup de fil que j’ai avec GR! où je lui demande s’il a des samples… je voulais ce truc brut que tu retrouves que dans le sampling, il est venu à Zurich, on a écouté une quantité de samples pendant des heures, on prend un sample, on commence à travailler sur un truc avec Fred, après le guitariste arrive, il ajoute sa touche, MAM vient avec une idée de mélodie de refrain, il y va, il chante le refrain déjà presque en version finale… on appelle Noah pour lui demander de le chanter, il modifie des petits trucs… c’est plein de petites étapes dans lesquelles chacun vient ajouter sa petite touche. Je pense que c’est de là qu’un disque tire sa richesse, de ces échanges, de cet esprit de collaboration. Mais pour y arriver, il faut avoir une équipe qui est dans l’optique d’essayer, pas des gens fermés sur un truc. Par exemple Bastien qui vient chanter en français… il a essayé. En fait ce qu’il m’a dit, et c’est exactement ça qu’il m’a dit c’est « ça peut être marrant », ça résume bien notre état d’esprit.

S’attaquer à « Déjeuner en paix », il fallait oser quand même… Pour moi ce qui était important c’est que ce ne soit pas une reprise, mais une réinterprétation, qu’on puisse faire quelque chose 20 ans plus tard avec un concept. Mais tout a vraiment commencé sur The Voice, on parlait de samples avec le manager de Stefan Eicher et il me disait « tu te rends compte, personne n’a jamais samplé les violons de déjeuner en paix »… Et il sont vraiment mortels ces violons. Alors j’ai checké l’original, mais ce n’était pas vraiment possible de sampler tel quel, ils ne sont pas timés comme on voudrait donc de là on est parti sur une réinterprétation. Une version 20 ans plus tard.

Comme on vous le disait en début d’article, difficile de juger l’album sur un morceau, il faut prendre un peu de recul… Il faut surtout prendre chaque morceau pour ce qu’il est. Par exemple « Love u when i’m high » c’est un morceau pour les radios et d’ailleurs il tourne très bien en radio, c’est fait pour ça. Quand tu es sur un projet, tu dois le voir dans sa globalité, tu ne peux pas résumer l’album à un morceau. Il y a beaucoup d’aspects à prendre en considération, différents buts pour les morceaux. Là on a sorti le clip de « RAF », c’est totalement différent de « Love u »… presque schizophrène même. Mais c’est toutes ces facettes différentes qui font qu’on est ce qu’on est.

Notre passé fait aussi de nous ce que l’on est, on te sent très impliqué sur le morceau « 1995 ». L’air de rien, c’est un morceau très émotionnel pour moi, j’ai beaucoup d’images qui me reviennent. Je me rappelle exactement des certains souvenirs, de moments à Genève où l’on était avec Les Ptits Boss… Pour moi c’est une époque où tout était nouveau et pourquoi finalement on est chanceux d’avoir vécu cette époque c’est que tout était fait pour la première fois… Le premier album de Nas, le premier album de Jay Z, le premier Wu Tang… Des artistes et des albums qui ont défini des sons, des sonorités qui aujourd’hui sont des références, qui font foi pour des gars comme Asap Mobb, qui fait finalement ce que Wu Tang faisait, mais 20 ans plus tard. C’était une époque où les choses se passaient pour la première fois et c’est ça qui la rend unique. On portait des Helly Hensen dans la rue… ça va revenir certainement, mais ce sera plus la même chose. C’était quand même une époque assez dingue.

Et pour terminer notre interview de présentation de l’album, on ne pouvait s’empêcher de parler du retour de Billy Bear que l’on croyait mort… Mais non, ll était en cure… c’est toujours un peu difficile avec les mecs comme lui, surtout quand tu es marié, les mecs comme ça partent en cure quand t’es marié… Mais surtout Billy Bear permet d’aller dans d’autres émotions, d’être juste dans la déconne et le fun. Ça faisait un moment que je voulais ramener Billy, je cherchais le bon angle pour le faire… Après je ne sais pas comment les gens le prennent, je pense qu’il faut quand même connaître l’histoire de Billy pour comprendre, mais c’est avant tout du fun. J’avais oublié en tant qu’artiste à quel point un Billy Bear t’amène de la liberté, c’était vraiment rafraîchissant pour moi.

Voilà, c’est tout pour l’instant, mais on revient bientôt avec la suite de l’interview qui portera sur le rap en Suisse.