Cela fait maintenant presque deux heures qu’on attend Bigflo et Oli, le planning prend du retard, mais ils ont une très bonne excuse, ils prennent soin de leurs fans. En effet, ce qui à la base ne devait être qu’une petite séance de dédicaces s’est transformé en grand-messe du selfie, des centaines de fans attendent et les deux frères ont pour politique d’être présent jusqu’à la fin, comme nous le confirme Oli «On restera toujours jusqu’au dernier à chaque séance de dédicaces, on se donnera toujours à fond sur scène… ce n’est pas facile à tenir parce qu’on est jeune, on a donc aussi des envies de jeunes, mais on y tient, on est aussi passé par là.». Des principes qui usent, c’est pour ça que cette interview ne se fait qu’en présence d’Oli.

La scène justement, parlons-en, car si comme nous vous aviez quelques doutes sur Bigflo et Oli, les voir une fois en live devrait vous faire définitivement changer d’avis. Ces deux ont vraiment quelque chose, ce truc qui fait déjà d’eux des routiniers du live. «C’est beaucoup de travail, mais on y pense depuis tellement longtemps, depuis qu’on est tout petit, ces idées-là on a eu 10 ans pour les travailler. L’intro de notre show, avec le démon qui parle au début, c’est un peu enfantin, mais c’est parce qu’on a eu l’idée très jeune. On avait cette envie-là, on s’était toujours dit qu’on aurait un gros démon en début de show… la scène c’est quelque chose qu’on a commencé très jeune, quand je dis que ça fait 10 ans c’est parce que ça fait 10 ans que je suis sur scène à peu près tous les week-ends.». Mais pas que, on sent les influences, leur concert est rempli de références en tous genres… «On a aussi beaucoup regardé de shows de rap, si tu regardes le nôtre tu verras qu’on est un peu des salauds, car on a piqué pleins de trucs… un peu de Iam par-ci, des trucs de cainris, les grosses intros un peu clichées rap français. La scène c’est, tu vois on n’a pas les gueules de l’emploi, des gens n’aiment pas ce qu’on fait parce qu’on a un univers un peu petit, mais la scène c’est le seul endroit où il faut tout donner, où on peut tout donner. Et puis sur scène surtout on ne peut pas mentir.»

Mais n’empêche, les mecs n’ont pas 20 ans… on se dit qu’il faut peut-être gratter du côté de leurs parents, après tout le rap est là depuis assez longtemps maintenant pour que les jeunes aient été bercés dedans par leurs parents, mais non, même pas «Notre père est chanteur de salsa, il était dans la musique. D’ailleurs on a appris, on l’a vu galérer, on l’a vu ne pas trouver de date, parfois chanter devant personne. Ça nous a aussi appris la détermination. Notre mère nous amenait à des soirées slam, elle voyait qu’on écrivait donc elle nous a dit “faites-le sur scène”, donc on a fait des soirées slam… très drôle d’ailleurs… On doit vraiment tout à nos parents, ils ne nous ont jamais bridés. J’ai beaucoup de potes qui ne sont pas bien en ce moment, qui se rendent compte que leurs études ne sont pas faites pour eux. Que la médecine en fait c’est leur mère qui voulait qu’ils soient médecin… nous on n’a jamais rêvé d’être vétérinaire ou astronaute, on a toujours voulu faire de la musique et ça on le doit aussi à nos parents, car ils ne nous ont jamais empêché, ils ont juste demandé à ce qu’on passe notre bac.».

La piste semblait pourtant intéressante, mais il faut chercher ailleurs, allons-y franco et demandons donc directement à Oli d’où cela vient «On ne se regarde pas autant que ce que les gens nous regardent, mais on a beaucoup écouté de rap, on s’est vraiment gavé de rap, mais au fil du temps il nous manquait toujours ce petit truc, les histoires qu’on avait adorées… donc on s’est dit qu’on allait en faire, mais c’est dur de dire où est né notre style. On est juste à fond, on est fan de rap… mais je pense qu’on a surtout encore beaucoup de progrès à faire, on est encore un peu jeune sur certains trucs, mais quand on fera de la musique de vieux écoutée par des vieux je serai content du parcours effectué.». Justement, cette étiquette de rap de jeunes pour les jeunes, ce n’est pas difficile à porter? «Le seul truc négatif c’est que certains n’iront pas creuser plus, qu’ils s’arrêteront à cette étiquette de rap pour jeunes. Mais je pense qu’on va construire un truc avec les gens, comme je le disais sur scène, qu’on va grandir avec notre public, je pense que c’est une force d’avoir un public jeune, surtout avec notre musique, car on n’a jamais été les gars cool ou à la mode du moment, mais on a une armée qui se construit.»

Au fil de l’entretien, on commence gentiment à comprendre d’où cela vient, mais eux, est-ce qu’ils s’en souviennent? «On s’ennuyait quand on était petit, donc on a voulu fuir l’ennui à deux. Mais hors musique on n’est pas des gros bosseurs, on est un peu des flemmards même. Notre père, notre mère, on a voulu les rendre fier vite, se donner à fond, on n’a jamais été vraiment intéressé par faire des soirées ou autre, moi je n’ai jamais bu d’alcool ou fumé par exemple. Je dois avouer qu’on était un peu les mecs chelou de la bande de potes, à rester chez nous à écrire pendant que les autres s’éclataient. Mais on n’a pas eu une vie normale, une enfance normale, ça c’est sûr.» On fait remarquer à Oli qu’on avait bien pensé qu’ils n’étaient pas comme les autres, on pense alors à ce morceau sur cet homme ordinaire qui devient fou, d’où vient l’idée d’un titre pareil?

«C’est mon frère qui avait fait les accords à la maison, il était dans sa chambre chez nous et il commence à écrire le couplet d’un mec qui pète un câble… pour tout dire, la vraie histoire c’est que des années auparavant vers chez nous un mec avait complètement pété un câble, donc je pense que ça nous a influencés quand on a écrit ce morceau. Donc il commence à écrire ce couplet dans lequel il raconte la vie d’un mec qui se réveille un matin très en colère, l’idée du morceau c’était juste d’écrire l’histoire d’un mec qui pétait un câble… mais chez nous, depuis notre chambre depuis la fenêtre tu peux voir tout le quartier et moi jme suis dit que s’il se passait un truc comme ça chez nous, c’est obligé que les voisins craquent, qu’il y ait des réactions. Donc de là jme suis dit que dans mon couplet je ne parlerais pas d’un mec qui pète un câble, mais la réponse du voisin. C’est assez con en fait quand on l’explique comme ça, mais quand on l’écrit on est à fond, on fait ça d’une traite, personne ne nous dérange et au final ça nous donne des morceaux finalement assez simple, mais très forts, efficaces.».

On est typiquement dans ce que le rap peut faire de mieux, le storytelling, un art qui semblait perdu, mais qui refait surface. «Il n’y en a pas encore assez, ça me manque, j’aime quand les gens se mettent dans la peau de personnage pour t’emmener avec eux. Mais on remarque que le rap repart très fort par chez nous, les jeunes sont à fond, c’est la musique vraiment à la mode et ça fait plaisir parce que ça permet à plein de styles, de genres différents d’émerger. Le rap c’est un grand cinéma en fait, y’a beaucoup de films d’action, y’a quelques films d’auteur et nous on est plutôt dans le documentaire.».

Mais Bigflo et Oli c’est aussi et surtout des mecs qui savent rire, même et surtout des clichés véhiculés par le rap. «C’est notre sketch, c’est comme ça qu’on a commencé à se présenter, on savait que l’humour permettait de casser toutes les barrières sociales. Par exemple, on a fait Gangsta en plein quartier à Toulouse, les gens nous regardaient en se demandant ce qu’on allait faire. Au final on était là, on se foutait de la gueule de la plupart des rappeurs de quartiers qui faisaient ça, mais les gens ont apprécié notre démarche, car on est sincère, on rigole quoi. On avait fait le même morceau pour une émission de télé dans un appart du 16e, des gros riches, bien bourgeois et ça avait exactement le même effet, car au final la sincérité elle plaît.».

Une sincérité véritable, pas de faux-semblants avec Oli, et sous ses airs de mecs gentils se cache un perfectionniste qui veut toucher à tout. «Avec mon frère, on écrit les scénarios, on appelle quelqu’un qui a des caméras et on s’en sert. On est hyper dur pour ça, parfois même on s’engueule, si tu parles à notre entourage ils confirmeront, on est des vrais casse-couilles, on a l’air tout gentil comme ça, mais dans le travail, ça nous tient tellement à cœur…quitte même parfois à faire des trucs moins bien, mais uniquement parce qu’on voulait le faire nous-mêmes.», «On a fait le conservatoire, on fait plein de trucs, mais pas forcément très bien… on rappe, on fait de la musique, on réalise nos clips, mais c’est toujours un peu en tâtonnant, en se débrouillant parce qu’on a juste envie de le faire.». Et s’ils n’avaient pas pu le faire justement, qu’est-ce qu’ils auraient fait, un plan B? «Pas de plan B, c’était la musique ou rien. Je vivrais très mal que tout s’arrête. On voulait faire ça depuis le début. Je me souviens qu’avant la sortie de notre album, j’étais avec des potes et j’avais dit “si cet album il marche pas, si le premier il ne marche pas j’arrête… filmez moi… si mon premier disque n’est pas disque d’or ça veut dire que les gens ne veulent pas de nous donc ça sert à rien, je souffrirai trop de faire ce que j’aime et que ça prenne pas”, mais au-delà des chiffres, parce que les chiffres on s’en fout un peu quand même, mais c’est le seul baromètre donc voilà, c’est avec ça qu’on se fixe des objectifs. Mais si on n’avait pas fait de la musique, on aurait certainement fait de la musique, voilà, c’est ma réponse en fait.»

On a presque envie de terminer là dessus, mais avant on va prendre des nouvelles du futur «On prend le temps, on avait besoin de grandir un peu, de vivre des trucs. On va partir quelques jours à la montagne, seul, se couper un peu des gens et écrire.»
Voilà qui nous fait penser à une vieille pub française… ils ont tout des grands ces jeunes, plus qu’une découverte un véritable coup de cœur.