« Appelons-en au Jihad social pour contrecarrer l’illettrisme ».

Voilà 2 jours maintenant que je me demandais comment introduire cet article, s’il fallait le faire, s’il fallait attendre que cela se tasse. Ai-je la légitimité pour écrire un papier sur ce qui est en passe de devenir « l’Affaire — Medine » ? Mais finalement, si tous ces politiciens et tous ces gens le sont, ces personnes qu’idéologiquement j’ai toujours combattues le sont, alors oui, je le suis. Et il n’y a pas de raison de leur laisser cet espace d’expression.

Mais finalement, pourquoi ? Moi qui ne suis ni croyant, ni pratiquant, ni même d’accord avec l’idée de religion, pourquoi Medine me touche ? Ben peut-être justement, car il vise le même but que moi; « Vivre Ensemble ». J’ai toujours pensé qu’il fallait mettre la lumière sur tout ce qui nous rassemble, surtout quand il y a une Idée, une grande Idée, une belle Idée. S’aimer. Voilà le prisme à travers lequel je regarde l’homme. Je me dis : « Mais oui ! Il a raison, c’est bien, on va faire ça ! » Alors j’entends : « Ouais, mais tu vois, il fréquente la mosquée quand toi tu fréquentes surtout Telefoot ». Et bim on remet le doigt sur la différence. J’aime Medine car justement à la fin on ne sera sûrement pas d’accord. Car quand nous aurons fini de construire notre monde, on s’engueulera pour la peinture. Et alors ? J’aime Medine car il est critiquable, mais surtout, j’aime Medine car il est de mon côté, on est du même côté de la barrière lui et moi, car quand il dit : « Qu’ils ouvrent des écoles, on fermera des prisons ». Je dis OUI ! Voilà c’est ça !

Alors comment peut-on en être où nous en sommes aujourd’hui ? J’ai mis du temps à descendre le niveau de ma colère, de mon énervement et de ma tristesse. Mais essayons de faire un bilan en quelques points.

Qu’est-ce qui dérange ?
Qu’un arabe, musulman pratiquant joue au Bataclan.
Mais qui est-ce qu’il dérange ? Des gens qui de toute manière sont dérangés par ce type, même s’il jouait sur le parking d’Auchan. Voilà le problème, de ces militants à la petite semaine qui se pensent porte-parole d’une horreur qu’ils n’ont, comme moi, seulement vue de loin, que dans les journaux, à la télé et heureusement.

Donc qu’est-ce qui dérange ? Comme l’Artiste l’avait prédit, « ce que l’on est parle tellement fort qu’ils en oublieront ce que l’on dit ». Et voilà, personne n’a lu, personne n’a écouté, personne ne sait même quel message sera mis en scène sur les planches de ce lieu de vie, qu’ils veulent transformer en temple de mort.

Medine n’a jamais trouvé utile de se cacher, il est arrivé dans le rap en cassant la porte avec une hache, « conçu à la missionnaire ». Si parfois il a joué l’ambiguïté, il l’a toujours utilisé comme un outil pour se connaître, se comprendre, pour déconstruire des idées reçues, et surtout il l’a souvent fait dans un tout autre contexte que le climat actuel. Il le dit lui-même si la provocation n’apporte rien alors il faut en sortir, mais dans une temporalité, il y a quelques années elle apportait et permettait de mettre sur la table un débat, une idée.

Avec l’album Jihad, le plus grand combat est contre soi-même ou 11 septembre, récit du 11e jour ce qu’il a fait était finalement assez proche de ce que disait NTM. Soit tu t’arrêtes au contenant, soit tu viens partager le contenu. Tu viens et on se serre une fois la main en se regardant dans les yeux, sinon et bien… NTM.

Qui sont ces gens qui hurlent à la censure? Pourquoi ?
C’est là que le bat blesse, maintenant c’est officiel, même si finalement il n’y avait aucun doute là-dessus. Les milieux politiques de droite (pas toutes les droites, dans notre cas LR principalement) et d’extrême-droite ont des accointances claires avec la fachosphère. Une simple recherche sur Google vous montrera les premiers articles d’où la polémique est sortie, et il ne fait aucun doute que plus que la musique, c’est surtout un teint hâlé et la barbe qui dérange ces charmantes personnes. Comme Marsault, cet ayatollah du vivre ensemble et de la démocratie, pleurant dans les jupes de la maîtresse quand on le censure, mais utilisant les mêmes méthodes contre tous ceux qui ne pensent pas comme lui et qui se voit maintenant repeins en porte-parole des skinheads de l’internet. Pour un antisystème, ce serait rigolo si ça n’était pas si pathétique…

Ce qui est a vomir dans la récupération politique c’est de laisser penser que des gens morts — sous le joug de terroristes imbéciles ne comprenant rien à rien — ne soient représentés que par des Wauquiez, Le Pen, Ciotti, Coppé ou autre Zemmour. C’est là qu’est aussi le scandale, qui êtes-vous pour avoir le droit de vous accaparer cette souffrance ? Qui êtes-vous pour parler des « vôtres » ? Vous n’avez aucune légitimité et nous non plus. Allez au diable, vous ne valez rien, vous n’avez aucun projet si ce n’est être élu le plus haut possible et qu’importe si ce qui vous sert d’échelle est un amoncellement de cadavres. Vous me faites vomir. Vous nous faites vomir.

Quel est le but ?
Je l’ai déjà développé précédemment, mais le but est immensément politique. D’abord, diviser. Diviser pour mieux régner et ensuite faire diversion. Car ces gens n’ont aucun projet. C’est ici que se pose une première problématique, ce que fait Daesh est très théorisé et cela ressemble beaucoup à ce que je viens d’exposer. Tout comme les politiques nationalistes dures, Daesh veut diviser et faire diversion. Installer ici en Occident un « nous contre eux ». Les politiques d’extrême-droite c’est… pareil. Dans les 2 cas le eux, c’est tout ce qui ne leur ressemble pas, point barre.

Alors maintenant, qu’est-ce qu’on fait ? Comment faire pour ne jamais leur laisser 1 mètre de terrain à ces gens ?

« Sans insulte et sans dommage, je crois que tout est critiquable,
Je ne veux pas de ton swag du Sultanat d’Oman,
Comme à La Mecque je veux pas de leur Mac Donald’s,
Je crois que tu t’es pris les deux Nike Air dans le tapis de prière,
Viens pas recruter dans mon quartier c’est pas ta pépinière
 »

On éduque et on dépolarise le débat, je pense que c’est les deux choses plus importantes, sortir de la dualité, sortir du « nous contre eux », car à la fin il ne restera qu’eux, l’extrême-droite et ces espèces de pseudo-religieux autodidactes et nous ? Au pire des cas nous serons un poulet entre deux crocodiles la gueule ouverte, ou pire, nous serons le seul moyen pour eux de s’entendre…

Apprenons à mieux vivre ensemble, acceptons les différences, mais faisons tous un pas en avant l’un vers l’autre. Sortons aussi des dogmes, faisons une vraie société du vivre ensemble où des valeurs de respect, d’égalité et de fraternité se posent comme les bases de la communauté. Prenons pour acquis qu’Hommes et Femmes sont égaux, qu’importe leur religion, leur sexualité, leur appartenance, leur non-religion, leur non-appartenance.

Mais alors, et Medine dans tout cela ?
Je vais écrire franchement, je ne crois pas en la tenue de ce concert. Je pense qu’il sera annulé, quand j’écris ce texte ça ne l’est pas encore, mais il le sera. Et Medine dans tout cela ? Il n’est que le dindon de la farce, d’une farce qui a trop duré. Je vais m’ouvrir un peu, ça ne fait pas de mal. J’adore Medine, ça vous l’aurez compris, je l’adore pour plein de choses, vous l’aurez compris aussi, mais je l’adore surtout, car il m’embarque dans mes propres interrogations, ma propre schizophrénie intellectuelle, il me fait réfléchir à des choses que j’ai toujours considérées comme établies. Mais je l’adore aussi, car je suis sûr qu’on pourrait s’engueuler des heures à table au bord de mon lac en Suisse, devant un Tajin du Laos au saucisson vegan, avec un Ricard sans gluten et un thé vert du Havre. (D’ailleurs si vous le voyez, dites-lui que je paye le thé vert lors de son passage à la Case-à-Chocs le 30 novembre 2018).

Est-ce que sa venue au Bataclan peut émoustiller ? Allez ça n’engage que moi, mais posons le « oui » à cet instant. Car évidemment à l’heure de BFM ,un barbu qui chante Don’t Laïk au Bataclan, pris sans contexte ça fleur la combinaison de cartes imbattables au « Limite-limite ». Pourtant il ne faut pas avoir fait science-politique 10 ans pour se rendre compte que Medine se bat contre tout ce qui peut opposer les gens. Alors non, je pense que ça ne dérange pas, je vais aller plus loin, je pense que c’est le mercurochrome de cette plaie béante, pas que lui, il en faudra d’autre pour bander la plaie, la nettoyer, la bander encore pour enfin la faire guérir. Mais Medine démine, Medine ce n’est pas le bisou magique sur le bobo, c’est celui qui vient prendre l’Homme au sol dans ses bras, qui donne un coup de pelle à celui qui l’a mis à terre et qui l’oreille lui susurre :

On rencontre son destin,
Sur les chemins que l’on emprunte pour mieux l’éviter,
Parti pour combattre le déclin,
J’me suis libéré d’mes besoins pour léviter,
Pour mieux élever ma Nation,
La même qui me considère comme un problème plutôt qu’une solution,
Il y a le mot « love » dans « révolutionne »,
Avec un canon à onde, j’fais la rélovution!

Besoin de changer les belles paroles en de belles actions,
Besoin de tourner les paraboles de nos cœurs vers la réflexion,
Besoin de changer l’état du peuple et l’État de sa condition,
Besoin de faire construire des écoles, pour mieux démolir des prisons,
Besoin de prendre de la hauteur, entrer dans les auteurs,
Besoin d’être l’instigateur, le parfumeur de ma propre odeur,
Besoin de m’libérer de la peur,
D’écrire le…

Besoin de changer les belles paroles en de belles actions,
Besoin de tourner les paraboles de nos cœurs vers la réflexion,
Besoin de changer l’état du peuple et l’État de sa condition,
Besoin de faire construire des écoles, pour mieux démolir des prisons,
Besoin de prendre de la hauteur, entrer dans les auteurs,
Besoin d’être l’instigateur, le parfumeur de ma propre odeur,
Besoin de m’libérer de la peur,
D’écrire le livre pas d’être l’acteur,
Besoin de dealer de la sueur,
D’être leader parmi les suiveurs,
Je n’ai plus peur! Peur, peur, peur

par Julien