Il y a des collaborations tellement évidentes qu’on se demande pourquoi elles ne se sont pas faites plus tôt, c’est le cas de ce nouvel extrait du prochain album de Jonas qui réunit Gaël Faye, Rox et Edgar Sekloka. Et après écoute on se dit que c’est finalement pas si mal que ce genre de titre ne se fasse que maintenant, car avant on n’aurait peut-être pas eu le recul pour l’apprécier à sa juste valeur. Quoi qu’il en soit, ce « Comportement à risque » est à classer directement dans les morceaux que l’on peut écouter en boucle, que ce soit pour sa musicalité ou ses textes, ou les deux. On apprécie, vraiment. Et l’on se dit qu’Oxymore une fois dehors va vraiment nous faire du bien, nous mais aussi et surtout au rap en général.

Jonas:
Marre de m’entendre dire ce qu’il ne faut pas
Parents poules improvisés, faites-vous cuire un œuf au plat
Laissez moi être l’exception qui infirme la règle
Un atome de plus qui souhaite imprimer la flegme
Vous vous foutez de moi à coups d’où tu fous tes doigts?
Dites-moi plutôt vos folies et rêves, vos doutes et foi
J’repense à toute les fois où l’on m’disait t’es fou d’être toi
Quand j’ai tout fait pour éviter d’étouffer sous les étoiles
Je voulais parler d’amour, j’ai vomi de la bile
A croire que j’ai trop respiré l’air de la ville
Peine à s’orienter en zone occidentale
Pris le large, côtoyé toute une faune accidentelle
Tordre les mots plutôt que mordre l’étau
Depuis très tôt j’ai discuté les ordres
Époque où l’on écope des pensées de hordes
En pleine guerre des métaux, l’heure de couper les cordes

Dans un décor aride
Refleurir les déserts
Comportement à risque

Gaël Faye:
Dis-moi quelle est ma place? Je crois que j’suis paumé
Entre le vieux sage fainéant et l’ignare diplômé
Mon Dieu pardonne-moi tous les matins j’ai pêché
Des poissons irréels auxquels je me suis harponné
J’veux plus m’aplatir, mon horizon est vertical
Leur seul Éden terrestre est un paradis fiscal
L’artiste est un adulte qui crache les rêves d’un marmot
Donc j’ai cassé ma voix, par terre des vers et des bris de mots
Leur nez dans la poudreuse c’est tout schuss vers l’extase
Les soirs de mélancolie j’me tape que des lignes de basses
Souvent j’me perds moi le triste clown
Entre le rap de Baudelaire et les poèmes de MF Doom
J’ai peur d’être cynique, pessimiste ou défaitiste
D’être un chiffre, une croix, un nom sur une liste
J’ai peur mais j’me soigne
Je suis un nuage de rêves suspendu à l’orage

Rox:
Ma musique n’est pas neutre, elle ne le sera jamais
Reflet d’mon âme elle est un cheval, je n’lui mets pas d’harnais
J’la monte à cru, même sur des pentes ardues
Ressens l’présent, ne m’soucies pas de c’que le monde a cru
Laisse l’instant me guider, mes rêves d’enfants filer
On s’redéfinit en retrouvant l’sens de l’inné
Débarrassé du surplus d’culpabilité
J’n’essaie plus d’faire l’unanimité
Juste d’être moi-même, au delà des barrières
Conditionné par hier, je pars, demande à Gaël Faye
Crache un arrière goût de moyen âge
Comment avancer si on ne tourne pas les pages
Bas les pattes, ne touches pas à mon âme si ce n’est avec douceur
Je n’veux plus porter les stigmates de la douleur
Dans le calme, je me reconnecte à mon être
Et là vois qu’en l’autre je peux me reconnaître

Edgar Sekloka:
J’assombris l’Ego pour m’ensoleiller
La lumière c’est les autres, embrasse-moi pour essayer
Chérie, c’est de l’amour que je charrie dans mes écrits
Je renverse le Ciel, quand je rappe une étoile atterrit
Des astres, c’est ce qu’on était avant le désastre
Avant que le chiffre d’un pays ne remplace l’État de grâce
Remplace les rêves en fouillis, les rêves qui fourmillent
Aujourd’hui, les beautés humaines sont enfouies
Ou en fuite, je les retrouve chez le soldat de pacifisme
Le muslim qui shalom, l’artiste idéaliste
Mes pensées, des bégonias
Offertes en bouquets de rimes aux condamnés du procès de Rivonia
Culture plurielle comme ma pigmentation
Tu t’interroges sur ma peau car elle te remet en question
Pupille de deux Nations, je garde un œil sur chacune
Dans un désert de poésie, fais donation d’une lagune