itw: Sly Johnson


On l’a connu au sein du Saïan Supa Crew, brandissant le micro pour en faire jaillir les sons qui lui ont valu le nom de Sly the Mic Buddha. Un jour, on entend dire que Sly est de retour avec un album solo. On n’en sait pas plus, alors, à défaut de pouvoir entendre de nouvelles compositions du collectif français, on se dit qu’il serait bien de jeter une oreille à ce nouveau projet. Ca tombe bien, Monsieur Johnson passe par là la semaine prochaine. On se rend alors au MàD, à Genève. Et là, on est un peu dérouté. L’album nous a beaucoup plus mais on a parfois trouvé, qu’une fois les bases posées, « 74 » ne poussait pas plus loin et avant, en quelque sorte, avorté une extraordinaire envolée. Du coup, on s’attendait à un concert bon mais ne réussissant pas à être très bon. On s’était trompé. On a découvert un Sly Johnson plein d’énergie, de talent et d’humour. Pendant près d’une heure, on a aimé sa simplicité, son interaction avec le public, son beat-box, sa soul, son improvisation et l’émotion qu’il a dégagés sur « Everybody’s got to learn sometimes ».

Avant le concert, on a pu rencontrer le personnage. Entretien.

repreZent : Comment est-ce qu’on passe du rap à la soul et au jazz ? Quel a été le déclic ?
Le déclic m’est venu avec deux-trois artistes : Common, D’Angelo, Bilal et toute la famille qui est autour, les Soulquarians, réunissant Raphael Saadiq, Jay Dee, Questlove et d’autres. Ils ont ramené quelque chose d’autre. Ils ont mêlé les deux univers : Soul et Hip Hop. C’est là qu’il y a eu un premier déclic dans ma tête. Mais ce n’est qu’en 2006-2007 que j’ai eu envie de chanter, de faire des reprises. Au début, je chantais beaucoup comme Bilal. C’est une des personnes qui m’a bouleversé. Il a fallu que je me défasse de l’influence de Bilal car on me le reprochait beaucoup. Réellement, cette voix qui est la mienne aujourd’hui et dont je n’avais pas conscience avant, est apparue en 2007.

Au moment où tu as commencé à écrire l’album… ?
Que j’ai décidé de réellement le faire. J’avais déjà quelques morceaux maquettés depuis un moment. Ce sont des morceaux qui collaient toujours avec le temps alors je les ai gardés pour l’album.
Le passage entre le Hip Hop et la Soul n’a pas été difficile pour moi. Ce sont deux univers qui sont intimement connectés. Ils évoluent ensemble. Ils parlent souvent de la même chose. Ce n’était donc pas le plus difficile.

Pourquoi avoir choisir l’année de ta naissance comme titre de l’album ?
Parce que je trouvais que c’était le meilleur titre pour un premier album compte tenu du fait qu’il marque un tournant dans ma vie musicale, ma vie d’artiste. Je passe du rap au chant soul sans délaisser le beat-box. Mais j’affirme, dans cet album, mon envie de chanter. Il y a plein d’autres références : 7 et 4 sont mes deux chiffres préférés et ça fait aussi référence au début du Saïan où on était 7 et où je portais le numéro 4.

Sur le titre « 26.06.74 » on a l’impression que la musique est ton sauveur, ton échappatoire.
Ouais, un peu. S’il n’y avait pas la musique… je ne sais pas. Elle est très importante dans ma vie et elle est devenue encore plus importante du moment où j’en ai fait de manière professionnelle. C’est grâce à la musique que j’ai pu faire de belles rencontres, que je me suis fait des amis. Tout ce qui m’arrive là est beaucoup grâce à la musique. Grâce à moi aussi bien sûr. Mais, au travers de cette musique, je fais des rencontres fantastiques que je n’aurais peut-être pas faites si j’avais un autre métier.

Si on regarde le monde du Hip Hop et du R&B, surtout au niveau de la scène américaine, on peut avoir l’impression qu’il y a deux grandes tendances. Une qui va plus vers un retour aux sources et une qui pousse le genre vers des influences de plus en plus pop/électro. Comment expliques-tu ces deux tendances ? Peut-on l’expliquer ?
Je pense que la musique évolue. Il y a chaque année des nouvelles tendances. L’électronique prend de plus en plus de place dans la musique, à tous les niveaux et surtout dans le Hip Hop. Après, je dirais moins « électro » et plus « dance ». J’ai plus l’impression que la musique R&B et Hip Hop dites « mainstream » tombent dans ce qui est la dance. Je trouve cela très réducteur pour ces deux musiques qui ont un passé tellement riche et qui sont nées de choses lourdes à porter. D’un autre côté, je ne peux pas leur reprocher cela. C’est une manière d’exister, d’être vu et d’être reconnu. Après, musicalement, je ne m’y retrouve pas. Pourquoi cette envie-là ? On suit un mouvement, les tendances. Il faut faire avec. La musique évolue et, de plus en plus, elle devient digitale, tout comme le monde. D’un autre côté, certains font le chemin inverse et tentent un retour aux sources. Je pense que pour avancer il est bon de savoir ce qui s’est fait avant. C’est un moyen de ne pas oublier. Le fait de retourner un peu en arrière. Je pense que c’est pour mieux avancer, pour ne pas oublier. Il est important de ne pas oublier d’où l’ont vient et pourquoi cette musique est née.
Après, il y a un juste milieu qui est moins vu, moins perçu. C’est un peu dommage. On a deux extrêmes.

Tu penses que ça va durer ?
Je ne pense pas. C’est une passade, comme toutes les tendances. C’est quelque chose qui est déjà arrivé à l’époque. C’est un cycle. C’est quelque chose à laquelle on ne peut pas échapper.

Tu t’es produit deux fois en Suisse en l’espace de trois mois, quel est ton rapport avec ce pays ?
J’suis fan de chocolat. J’aime beaucoup la Suisse. J’aime jouer ici. J’aime le public et les clubs suisses. On manque de clubs comme ça à Paris. C’est juste un plaisir de pouvoir jouer. C’est une occasion, pour moi, que je ne peux refuser. Ça fait tellement longtemps que je viens en Suisse. Depuis le Saian ! C’est une habitude maintenant…

Quels sont tes projets, après l’album et la tournée ?
Je suis déjà dans l’élaboration d’un projet d’album pour le premier semestre 2012. Ça sera un album totalement différent de celui-ci. Avec un nouveau répertoire. Je vais essayer aussi de lui donner une nouvelle patte sonore. Je vais tenter des choses, oser…

Oser…comme ce que tu avais osé avec Erik Truffaz ?
On peut dire ça ouais.

Quelle est ta définition de « repreZent » ?
repreZent…quand j’entends repreZent, ca veut dire, pour moi, être fière de ce que l’ont est. Être fier de tout ce qui fait ce que je suis aujourd’hui ; mes amis, mes parents. Quand je pense à repreZent, c’est forcément le hip-hop pour moi. Un mot couramment utilisé, un amour infini pour cette culture. Sans le hip-hop je ne serais pas là aujourd’hui. C’est pour cela que même aujourd’hui je peux utiliser ce mot-là. I’m repreZentin’.

Par Sophia Jasmina