itw: Sentin'l


Revoilà notre interviewer de choc Skywalk qui après avoir soumis Flynt à ses questions fait passer le mc Genevois Sentin’l sur le banc des accusés. Une bonne façon de se rappeler que son album est dans les bacs depuis un certain temps maintenant…

repreZent : Comment en es-tu arrivé à rapper?
Sentin’l : Quand ? C’était y a environ 6 ou 7 ans où je n’écoutais pas du tout de rap. Un jour je débarque après l’école chez un de mes meilleurs potes qui en écoutait beaucoup et il avait écrit 2, 3 textes. Il m’a dit d’en rapper un et j’ai découvert le rap comme ça. À partir de ce soir-là, jme suis mis à en écouter et à écrire directement. C’était en octobre 2003.

R : Reviens sur ton blaze et le nom de l’album ? D’où viennent-ils ?
S : Mon blaze date de l’époque ou après quelques mois d’essais avec ce fameux pote qui rappait sous le blaze « Stratag-m », il fallait quand même se mettre à trouver un blaze si on pensait à sortir quelque chose. Un soir j’étais au téléphone avec lui et on cherchait un nom de groupe pour les deux. Lui a cru que je cherchais mon blaze quand je lui ai proposé un truc du genre Sentin’l pour le groupe et finalement j’ai gardé ça pour moi. En y réfléchissant, c’est clair que ce n’est pas incroyablement recherché et pas trop personnel, mais le concept du gars qui part à la découverte tout seul, des fois avant les autres, des fois pas comme les autres ; ça me plaît. À une époque je voulais changer de blaze, parce que t’as la série à la télé « sentinel » et sûrement d’autres groupes qui doivent avoir ce blaze-là, mais au final je me suis dit que si j’avais commencé comme ça, c’était pour continuer de la sorte.
Pour l’album, c’est plus un état d’esprit que je me colle depuis ces deux, trois dernières années : J’ai écrit pas mal de textes en cours à l’école, donc la tête était autre part qu’en cours…C’est un état d’esprit que j’avais et que j’ai toujours..

R : Sur l’album, j’ai relevé 2 phrases : « Arrête tes affaires solo/la vie un sport d’équipe » et « Comment vous dire, arrêtez vos délires solo/ Jt’assure que mon esprit d’équipe vaut tes biscotos ». Un aperçu des valeurs de Sentin’l ? Tu peux développer ?
S : C’est vrai qu’il y a un concept autour de l’équipe, de faire les choses ensemble. Je suis le premier à me rendre compte que si j’arrive à pouvoir faire des titres qui sont carrés, c’est parce que j’enregistre quelque part où il y a du bon matériel et que l’ingé son bosse bien. J’ai des prods que j’apprécie, qui sont bonnes…Si je trouve que la pochette de l’album est cool, c’est parce que quelqu’un l’a faite. C’est toute une aventure d’équipe, pas toujours la même selon les projets, mais c’est chaque fois grâce à d’autres gens. Donc si au final mon album est réussi [Ndr selon lui], c’est pas juste parce que j’ai écrit et enregistré. Je voulais faire comprendre aux gens que c’est important pour moi qu’il y ait d’autres personnes et aussi que l’on peut arrêter de penser juste à soi.

R : Tu acceptes l’étiquette de « rappeur conscient » ? Tu peux expliquer la signification de ces termes selon toi?
S : Puisqu’il faut une étiquette, oui. J’ai du mal à définir ce que je fais précisément, mais j’ai souvent dit : « je fais du rap conscient ».Pour moi le rap conscient, c’est un rap qui te pousse à cogiter. Avant de se lancer dans l’écriture, tu réfléchis à ce sur quoi tu vas arriver, quel est le thème, le champ lexical. Parfois tu changes juste un mot qui colle plus précisément à ce que tu veux. Pour moi, ce qui fait réfléchir les gens, c’est pas un rap qui passe en club, ce n’est pas construit de la même façon je trouve. D’autant que j’apprécie que les instrus « aident » le texte à se faire écouter et souvent, il faut repasser 4,5 fois un de mes titres pour le comprendre complètement.

R : Comment te vient l’idée d’écrire un morceau à thème comme « train de vie » ?
S : Ca m’est venu en écoutant l’instru à la base. : Je me suis tout de suite imaginé dans un train. Du coup, je trouvais intéressant de reprendre une sorte de métaphore générale sur le train de vie des gens et de reprendre l’idée d’un train qui dirige les gens. Tu n’es pas toujours maître de ce qu’il va arriver, le trajet de rail est déjà posé et tu es dans le train qui lui est sur les rails…

R : J’ai lu la chronique de ton album sur « deepmove.ch ». Parmi les titres que le chroniqueur retient, il y a « message à la jeunesse » et « Je m’excuse au nom de l’homme ». À l’inverse, ce sont les deux titres que j’ai trouvé les plus faibles sur ton album. Sur le premier titre, selon moi, tu adoptes une attitude de « vieux type » paternaliste et moralisatrice; tandis que sur le le 2ème, je pourrais te reprocher le titre-même comme étant prétentieux. Ta défense ?
S : Quand tu dis « paternaliste », « moraliste » ; c’est clair que c’est dans une idée de morale. Je ne vais pas le cacher. Ca peut être reçu comme ça et tant mieux, parce que je trouve que si la musique peut permettre de faire passer des tonnes de choses, dont d’éventuelles morales, ça peut-être reçu différemment. Après, je fais deux couplets sur « la jeunesse », mais le troisième couplet dans l’autre sens. Si t’as bien écouté le titre, tu remarqueras que je dis « on », je me replace dans cette jeunesse à qui je parle. Et le morceau finit sur une touche plus positive.
Pour reprendre« je m’excuse au nom de l’homme », j’ai fait un refrain ou je dis « Je m’excuse au nom de l’homme, pardon de ne pas vouloir faire plus que ce que l’on me donne ». Dans ce refrain, je me mets à la place de n’importe qui, de quelqu’un qui aurait pu écouter mon couplet et se reconnaître. À la fin, je dis que ça va sûrement continuer comme ça, mais qu’on en est conscient…ça relate bien le fait que je suis conscient que je vais pas faire changer les gens avec une chanson. Mais je l’ai pas fait en me disant : « attendez, je vais excuser la terre de toutes les erreurs qu’on fait », c’est pas du tout dans cette idée-là. C’est plus un état des lieux, une constatation. Je laisse une touche de positif en disant : « un jour où l’autre j’aurai ma revanche »…

R : Reviens sur cette phrase, justement. Explique-moi le côté « positif » d’avoir une revanche et par rapport à quoi ?
S : C’est plus par rapport à l’idée : « un jour où l’autre je serai quelqu’un de totalement sans reproches ». Si nous étions comme cela, ce genre de texte n’existerait pas. Et puis ce n’est pas forcément que positif parce que ça démontre encore un état d’esprit laxiste général que l’on a : Si ce n’est pas aujourd’hui, je repousse à demain, on a le temps…

R : Et pour celle-là : « Peu d’écoute, nan c’est franchement pire/ La porte de la compréhension me semble étrangement fine ». En suivant une logique ordinaire, plus la porte est fine et plus la compréhension devrait être facilitée…
S : Quand je l’ai écrit, j’ai pas pensé à la largeur de la porte en elle-même. J’ai pensé : Une fois qu’elle est ouverte, quelle est la place pour passer ? Ici du coup, l’espace est restreint, tu peux plus passer d’un endroit à un autre, tu peux plus « entrer » dans la « salle » de la compréhension.

R : Ta vision du rap suisse ?
S : C’est la même vision que je peux avoir du rap en général : l’origine ou le lieu où est enregistré un titre n’est pas l’important. Mais pour revenir à la Suisse précisément, je remarque que c’est en plein essor et de partout. Tu vois de plus en plus de groupes se créer, tenter de faire des trucs et ça c’est cool. Après ça introduit obligatoirement des trucs qui ne vont pas me plaire, c’est l’effet de « masse », mais je préfère ça plutôt qu’il n’y ait que 4 mc’s dans le pays. Je pense qu’en règle générale, il y a quand même des ambiances, des façons de dire les choses propres aux modes de vie de chaque mc. C’est avec les collaborations et les contacts que j’ai avec certaines personnes de France ou d’ailleurs que je remarque que la Suisse a de plus en plus une image de rap « authentique », que les mc’s n’ont pas encore tous pété les plombs, c’est positif ça aussi !

R. Actualités ?
S. L’actualité, c’est mon album qui est dans les bacs en Suisse romande ainsi que sur Itunes. Également 2 clips qui vont se faire ce mois et quelques collaborations externes au projet. J’ai commencé déjà le prochain album depuis plusieurs mois, donc il y a de quoi faire !

R : Que signifie pour toi « repréZenter » ?
S : Pour moi c’est être fier de qui nous sommes et de ce que l’on fait. Et ça, peu importe le domaine. C’est aussi avoir l’envie de rassembler, je pense. Rassembler les gens avec qui tu as une vision commune par des idées ou des actes : transmettre. Certains transmettront de l’espoir, d’autre feront comprendre qu’ils aiment ce qu’ils font, etc. Il existe des tonnes de façon et c’est pour ça que chacun le ressent à sa façon. C’est apprécier son passé et croire au futur aussi, c’est positif de représenter !