Ghostface Killah & Adrian Younge – Twelve Reasons To Die

Le Ghostface Killah ne meurt jamais. Après avoir contribué au succès du Wu-Tang Clan dans les années 90 et sorti des classiques en solo tels qu’Ironman ou Supreme Clientele, il s’est aventuré dans le monde du RnB sur Ghostdini: Wizard of Poetry in Emerald City et continue de sortir des collaborations comme le prouve le récent Wu-Block avec Sheek Louch. Bref, le Ghost est, sans contestation possible, l’un des membres du Wu-Tang les plus prolifiques et n’hésite pas à sortir des sentiers battus. Et il nous revient en ce premier semestre de 2013 avec le producteur Adrian Younge pour nous présenter le projet Twelve Reasons To Die, une sorte de bande-originale inspirée des films de gangsters italiens des années 60, le tout narré par RZA. Immersion dans le monde sombre et mafieux de Tony Starks et des De Lucas…

Comme je l’ai brièvement évoqué précédemment, le concept de l’album est la résurrection du personnage joué par Ghost, à savoir Tony Starks, dans le monde mafieux pour se venger de ceux qui l’avaient tué, les puissants De Lucas et leur fille, dont Tony était éperdument amoureux et pour laquelle il a plongé dans la criminalité. Pourquoi 12? Parce qu’à sa mort, la fille des De Lucas, a pressé 12 vinyles avec les restes du corps de Tony et en a envoyé un à chaque membre de la famille. Bref, tenez-vous bien car le Ghostface a soif de vengeance et va tout mettre en œuvre pour que cela soit une vraie boucherie…et après l’écoute du projet, je peux vous affirmer qu’il n’a pas failli à sa tâche, protect ya neck!

Après une introduction en douceur par une voix féminine qui nous dit de faire attention à ne pas croiser le regard du Ghostface Killah, sur Beware of the Stare; Tony Starks part réellement en guerre contre les De Lucas et il ne compte pas faire de compromis. Son flow est tranchant et son storytelling rempli de haine dès le début, comme l’atteste Rise of the Black Suits où Ghostface est parfaitement accompagné par une boucle de piano magnifique:

« Young aggressor, born into the life of crime
I would walk down the streets strapped with two nines
Bitch smacking, jacking niggas, G dub stacking figures
Police drive by, I was click clacking triggers
Jay De Lucas put me with the fam to grow
I was a boss amongst white boys rocking the flow
I had hoes, bankrolls and minks by the dozen
My rise to power was quick, they just wasn’t
 »

Le Ghost est plus déterminé que jamais et fait étalage de son talent à la plume, comme au micro sur toutes les tracks présentes sur cet album. Il est amoureux et aveuglé sur Center of Attraction où Cappadonna essaie de le raisonner et de lui montrer que les De Lucas veulent sa peau sur une production planante de l’excellent Adrian Younge. Murder Spree, quant à elle, porte bien son nom puisque chaque MC présent (Ghost y est accompagné d’U-God, Masta Killa, Inspectah Deck et Killa Sin) pose son flow agressif sur un beat rapide propice à la situation. Sur The Rise of the Ghostface Killah, ce dernier déchire tout avec une férocité rarement égalée et des paroles crues à souhait dignes d’un bon vieux thriller bien glauque:

« Cripple ‘em from they knees, take they legs out (Nigga you know the steez!)
I’m a nighthawk, eagle eye, power of mind control
Faster than the speed of light, you catch a big hole
Ruthless, six bodies hung in the meat room
The butcher shop, I call it the body shop
Start from the bottom, killin’ all the way to the top
Carve my name in your skin, pull a stocking mask over your face for recognition
No time for remission, attack till there’s no one left in the position
 »

Quentin Tarantino n’aurait certainement pas renoncé à mettre en images les faits relatés par notre ami Tony Starks…Preuve que le Ghostface Killah est toujours au top, même 20 ans après l’âge d’or du hip-hop et du Wu-Tang, qui est d’ailleurs toujours très bien représenté sur cet album. Cela ne surprendra bien entendu personne, connaissant le talent du bonhomme qui n’a rien perdu de son énergie. Les productions atypiques, par contre, sont plus surprenantes pour un album labellisé Wu-Tang. Intéressons-nous donc au deuxième personnage derrière ce chef-d’oeuvre, Adrian Younge. Après l’acteur, voici désormais le metteur en scène…

Connu pour être derrière la BO du film Black Dynamite ou pour son récent travail avec les Delfonics, groupe de soul des années 60 (d’ailleurs, leur leader, William Hart, apparaît sur Ennemies All Around Me) et dont il a gardé des touches dans ses productions, Adrian Younge a sauté sur l’occasion de collaborer avec le monstre qu’est Ghostface Killah. Et si les instrumentales très orchestrales et soul du producteur peuvent faire peur à quelques irréductibles du son bien raw, il est incontestable que l’alchimie entre les deux est parfaite, ni plus ni moins. Le travail d’Adrian Younge est perfectionniste. Chaque son de piano, chaque ligne de basse, chaque beat de batterie est parfaitement placé et contribue à créer une atmosphère digne d’un film qui donne des frissons et à donner à l’album une impression de travail plus qu’abouti. La voix féminine de Beware of the Stare nous plonge directement dans un monde sombre et brumeux, comme une ruelle de Little Italy en pleine nuit. Sur Ennemies All Around Me, on retrouve presque l’ambiance d’un bon vieux western avant un duel à l’ancienne opposant Tony Starks à un De Lucas, avec la voix de William Hart rajoutant de la tension par-dessus. Après avoir parfaitement accompagné Ghostface Killah sur la tempête lire la suite