Le 25 novembre le peuple suisse est appelé à se rendre aux urnes pour voter sur trois objets. Afin de vous permettre d’y voir un peu plus clair et, pourquoi pas, vous inciter à voter, repreZent (enfin Mr Seavers) vous résume le tout.

Initiative populaire « Pour la dignité des animaux de rentes agricoles »
Voilà typiquement un objet de votation marqué du sceau « Swiss made », le peuple est appelé à voter sur les cornes des vaches. Et si cela peut paraître ridicule, il n’en est pourtant rien. Derrière cette initiative se trouve un vieux paysan qui toute sa vie s’est battu contre l’agroalimentaire et pour une certaine notion du respect de ses bêtes. Il a donc refusé d’écorner ses vaches, partant du principe qu’une vache avait des cornes et que la rentabilité ne justifiait pas la torture. Mais voilà, ce genre de petite décision a des incidences, il lui est par exemple devenu impossible de vendre son bétail puisque ses vaches à cornes ne peuvent être accueillies dans des étables dites modernes. Ce bon vieux monsieur a donc mis toutes ses économies dans son initiative dont le but est simplement de défrayer financièrement les agriculteurs qui décideraient de ne pas écorner leurs bêtes. Et comme se battre contre le système ça ne passe pas, du coup on se moque de lui. Rien que pour ça on a envie de le soutenir, même si la vraie raison est que l’on pense que cet agriculteur sait bien mieux que nous ce qui est bon pour lui et ses confrères.

Initiative populaire « Le droit suisse au lieu de juges étrangers »
En politique suisse il y a certains signes qui ne trompent pas, par exemple lorsqu’une initiative est lancée et uniquement soutenue par l’UDC. C’est le cas de celle dite pour l’autodétermination. Au départ il y a une votation dont certaines applications juridiques étaient contraires aux droits humains, du coup le Tribunal fédéral a rendu un arrêt afin de la rendre compatible aux conventions signées par la Suisse. L’UDC n’aimant pas qu’on la contredise elle est parti en guerre contre cette décision. Mais comme s’en prendre au Tribunal fédéral aurait été un suicide politique, l’UDC a ressorti une vieille crainte bien ancrée dans l’inconscient collectif; celle de la mainmise de l’étranger sur les décisions politiques suisse (cf. l’histoire de Guillaume Tell). Succès garanti, la fan base de l’UDC étant toujours très prompte à défendre l’indépendance de la Suisse. Mais comme c’est leur habitude, pour ne pas dire un signe de fabrique, le texte proposé est bancal, il ne résout rien et s’il est accepté il mettrait la Suisse dans une situation très inconfortable puisqu’elle devrait, par exemple, se retirer de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH). Mais c’est certainement ce que veut l’UDC, avoir les coudées franches pour ensuite proposer des initiatives encore plus abjectes (par exemple rétablir la peine de mort, la torture, l’incarcération des mineurs, la vente d’armes à des pays en guerre, etc.).

Base légale pour la surveillance des assurés
Pendant des années, les assurances sociales avaient recours à des détectives privés afin de contrôler que les personnes au bénéfice d’une rente y avaient bel et bien droit. Mais voilà, une personne n’a pas apprécié d’être espionnée jusque dans sa cuisine, du coup elle a fait recours, le Tribunal fédéral a rendu un arrêt; ces enquêtes ne reposaient sur aucune base légale et devaient donc être arrêtées. Pour permettre aux assurances de continuer d’espionner en toute tranquillité le parlement a fait une nouvelle loi qui a été acceptée, la majorité des élus étant d’accord. Mais voilà, un jeune homme de 21 ans, Dimitri Rougy, a trouvé cela scandaleux. Il a donc lancé un referendum contre cette atteinte à la sphère privée et devinez quoi ? Il a réussi. On va donc voter. Entre temps certains partis politiques, on rejoint la course et ce qui devait n’être qu’une formalité ne l’est plus. Mais du coup, on parle de quoi ? D’un côté il y a ceux qui pensent qu’il est inadmissible de donner plus de droits à des détectives privés mandatés par des assurances qu’à la police, que la sphère privée est sacrée et que rien ne justifie de fouiller dans la vie des gens parce qu’une infime minorité triche. De l’autre il y a les partis politiques favorables à cette loi, ceux qui pensent que tous les pauvres sont des tricheurs et qu’il faut absolument les débusquer. Leur credo est simple « si tu n’as rien à te reprocher alors cette loi ne doit pas te faire peur », mais voilà, ces mêmes partis refusent que l’on mette notre nez dans leur financement, ils défendent la sphère privée lorsqu’elle concerne leur financement, les cadeaux qu’ils reçoivent de divers lobbys… Mais au-delà de ce genre de considération, il y a tout simplement le fait que les partisans de cette initiative jugent plus important de lutter contre quelques fraudeurs qui ne coûtent pas si cher à la collectivité plutôt que de mettre des moyens pour de lutter contre la fraude fiscale et autres joyeusetés. Chacun ses luttes finalement, les plus riches mettant les moyens pour défendre les leurs en persuadant le peuple que la menace vient des pauvres, et le pire c’est que ça marche.

Mr Seavers