Alors que la tournée célébrant les 20 ans de « l’École du Micro d’Argent » touche à sa fin, pourquoi ne nous arrêterions-nous pas sur l’album sorti 6 ans après ? Je ne sais pas si on est beaucoup dans mon équipe, mais je fais partie de ceux qui pensent que le meilleur album des Marseillais date de 2003. 15 ans après rien n’a changé, 15 ans après, si on prenait le temps de le réécouter ? De le mettre en perspective avec une actualité chargée ?

Chez nous on dit — avec raison — que l’on ne peut pas prétendre faire du rap sans prendre position, et qui s’accorde sur cette maxime ne peut assurément pas passer à côté de Revoir un Printemps. De balance ton porc jusqu’au dirigeant humiliant des « pays de merde » tout sonne comme si l’album sortait demain.

«Le silence de la douleur est parfois bien plus fort que le bruit de la rage»

Résolument féministe cruellement dans l’air du temps, tout y était, tout y est encore — Fruits de la rage — résonne dans l’ombre de #balancetonporc et #metoo. C’est ce genre de morceaux à côté desquels on passe et pourtant ils sont des baffes à ceux qui attaquent le rap à coup de clichés des années 90. Une écriture léchée qui glisse sur une prod brute, et qui rappelle aux gens venant d’ouvrir les yeux que le problème date…

«Là où l’fort tue le faible […] où la société t’congratule et t’accepte une fois la fortune faite»

C’est en lisant un article sur une pétition demandant au WEF (World Economic Forum de Davos) de ne pas inviter Donald Trump que j’ai eu envie de faire réécouter cet album. Pas de Trump au WEF ? A d’autre, pas de WEF! Là est le vrai combat. Bienvenue c’est la révolte, frontale, le cocktail pavés-baffes. Bordel elle est passée où ? «Cri plus fort car les grands de ce monde ont égaré quelque part leurs sonotones». On pourra débattre à vie de ce qu’est LE rap, d’ailleurs il est comme LA Suisse, il n’existe pas. Mais MON rap c’est lui. Ce truc «entre enfer et paradis» où la plume devient arme de poing. Évidemment il n’est jamais mort, et ce n’était pas mieux avant, mais il faut transmettre le témoin, il faut continuer à le faire vivre. Qu’il redevienne parfois aussi dur que le béton qu’il l’a vu naître.

«J’en place une pour les bouts d’choux fraîchement débarqués»

Le titre éponyme qui est une parenthèse de douceur, une parenthèse d’amour simple qui montre que souvent les plus jolis mots ne naissent pas que dans le feutré. Dans notre panthéon, il y a aussi «des parties d’billes sous le préau» Revoir un printemps c’est ce qui fait le liant entre la révolte et l’objectif. L’objectif c’est peut-être de voir « son sourire au lever quand j’émerge », entre espoir, révolte et utopie IAM avait trouvé une recette agréable, fine et terriblement actuelle.

«La boue? J’en ai gardé le goût dans ma bouche»

Le monde a besoin de Mental de Viet Cong, de s’offusquer, et c’est un des piliers du Hip-Hop que de rester « intensif dans l’offensif ». En 2017 le rap s’est mis au sommet, une année dorée, réunissant les vieux de la vieille avec des jeunes qui cassent les codes et amènent cette musique toujours plus loin, si en 2018 on remettait la révolte au cœur de tout ? Si «on prenait nos distances face au rentable pour montrer aux sceptiques l’incroyable force de c’mental»?

L’album s’ouvrait sur un couplet résumant cette volonté : « Tel qu’on le voit l’échiquier du monde est complexe; chaque jour est un combat dans c’contexte; […] On appelle ça une verbale insurrection; La stratégie d’un pion». Ne «rêvons pas de pouvoir, mais uniquement de vivre libre». Car n’est-ce pas là tout ce qui doit demeurer quand on fera le bilan ?

par Julien