Sofiane Caribana photo par Titouan Garnier

C’est avant son concert au Caribana que Sofiane nous a accordé quelques minutes pour faire le point sur ses nombreuses carrières, Affranchis Music et la Suisse. 

Lors de notre dernière rencontre, il y a deux ans au Beat Festival, tu nous avais parlé de quelques projets qui allaient voir le jour… On peut dire que t’es un homme de parole.
T’as vu que j’ai fait tout ce que j’ai dit ou pas ? Je suis dans le déroulement du plan. Je peux même te dire que tout se passe mieux et plus rapidement que prévu. Je pense qu’on a bien géré, on ne s’est pas laissé dépasser, toutes les nouvelles initiatives et les nouveaux biz qu’on met en place se pérennisent, ça prouve que c’est du costaud, que ça tient. Quand je vois des artistes comme Soolking qui sont platine… Les trois premiers projets que je sors sur Affranchis Music sont platine, moi même je sors de 4 platines en 2 ans… Je ne peux être que content en regardant le chemin parcouru. 

Des sorties prévues chez Affranchis ?
Il va y avoir le deuxième album de Soolking, le deuxième de Heuss L’Enfoiré, je vais ressortir un album et là on développe le champion lyonnais Zeguerre qui fait un gros buzz en ce moment et le petit Sifax qui est un pur produit du 93. C’est vraiment le chouchou des cités actuellement. Donc voilà, on a nos deux petits artistes à développer en fin d’année, les deux autres sont déjà des stars, tout va bien.

Soolking, c’est quand même un truc de fou…
C’est énorme… mais c’était mathématique Soolking de toute façon. On a fait en sorte que ça se passe au mieux, mais que ce soit avec nous ou quelqu’un d’autre je sais pas… c’était écrit pour Soolking. Et je pense que ça ira bien plus haut encore, son caractère international est en train de sortir, on a un gros hit avec la chanteuse albanaise Dhurata Dora, on est disque d’or en Suisse et dans plein d’autres pays en Europe, on est platine en France… Pour un premier album je ne sais pas si tu trouves ça encourageant mais moi je trouve ça énorme. Donc logiquement on a de très gros espoirs pour le deuxième album, toujours en développant cette partie internationale, c’est un artiste « world music » qui est amené à se produire dans les plus grands festivals du monde. 

Ça doit aussi te faire quelque chose de sortir un Algérien non ?
En fait on est tous Algériens dans Affranchis, tous. Les compositeurs, les rappeurs… et on n’a même pas fait exprès… y’a que Zeguerre qui est renoi… mais ça c’est fait très naturellement avec Soolking. Mais évidemment le fait que ce soit un Algérien c’est une très grande fierté, mais s’il était venu d’ailleurs on aurait été fier aussi… c’est beau parce qu’on participe à son histoire. Parce qu’au final c’est pas mon histoire, il fait partie de la mienne, je fais partie de la sienne… Et c’est vrai qu’il a une histoire, une histoire bien particulière et il la raconte au fur et à mesure des albums il se livre un peu plus, ça va avec ses étapes de carrière. Il se livre un peu plus maintenant… et on a encore beaucoup de choses à apprendre sur Soolking et il le fait beaucoup mieux en musique qu’en interview, je pense qu’il y aura beaucoup de titres qui décriront son parcours, ses envies, sa manière de voir les choses et puis vraiment ce côté globe-trotter.

Et là t’es un interview à parler de tes artistes…
C’est ce qui me fait le plus plaisir, c’est quand on parle de mes artistes, j’ai un vrai rapport avec eux, on n’a pas du tout un rapport de production froid, de producteur à artiste.. non, on a un vrai rapport, on s’aime tous beaucoup, on se protège beaucoup, on se facilite les choses… mes artistes ne chialent pas pour rien c’est des mecs avec qui j’échange beaucoup, on se parle… quand j’ai des difficultés je leur dis, quand j’ai des doutes je leur dis, on a des réflexions ensemble sur les titres, sur les directions artistiques… ils participent à mes albums, je participe aux leurs et chacun participe avec les autres, c’est vraiment beau ce qui se passe.

On te retrouve un peu partout, tu fédères les artistes, t’es une sorte de dj Khaled qui saurait rapper…
C’est gentil ça… on me voit un peu comme ça, comme le mec qui réunit les artistes depuis « 93 Empire » ou « Rentre dans le cercle » mais la réalité c’est qu’il y a beaucoup de monde qui a envie de faire des trucs ensemble mais la fierté de chacun fait que… des fois il suffit juste d’une personne qui fasse le premier pas, qui dise « on y va les gars », c’est tout.

T’as cette capacité finalement…
C’est juste du culot en fait, du culot dans le sens où je sais que vous n’allez pas le faire entre vous alors donnez-le-moi… mais je n’emmène pas les gens au casse-pipe, je les emmène dans ce que j’estime être des grands projets, des belles choses… Mais tu vois un projet comme « 93 Empire » je fais en sorte qu’il profite à tous les artistes. Y’a du gros single, y’a du gros clip, y’a de la rotation radio, y’a des concerts, y’a du gros média qui tombent… ça fait du bien à tout le monde. Et puis le fait de faire des grandes choses, beaucoup plus que le succès commercial finalement. Le fait que je puisse partager un titre avec NTM qui a refait un titre 20 ans après… C’est plus marquer le truc que faire du biz des fois.

Et puis tu revendiques également le fait de te réapproprier ce qui nous appartient…
C’est à nous… c’est à nous. C’est nos vies, c’est notre culture.

Mais justement, comme réagit le monde de la musique face à cette reprise en main des choses ?
Il s’adapte, il n’a pas le choix… il s’adapte.

Et toi comment tu t’adaptes ? 
Le problème que j’ai maintenant c’est qu’importe la direction que je prends, l’artiste que je signe, le feat que je fais, l’émission que je lance, je ne suis plus la seule personne impactée, j’engage mes artistes avec moi, j’engage l’image de mon label… ne serait-ce que demain, si je rentre dans un clash pour moi c’est trop cher… t’imagine, ça voudrait dire emmener tous mes artistes avec moi, tous mes partenariats, mes engagements…

Finalement ça te protège un peu aussi…
Ca me contraint et ce n’est pas plus mal…

De toute manière, de l’extérieur, on te sent bien en dessus de ces clashs…
J’essaie de l’être.

Le rap, la production, le management… c’est que quelques facettes de ta vie puisque tu touches presque à tout depuis quelque temps…
C’est mes kiffs, je me fais mes kiffs. Je vais retourner au Festival d’Avignon pour une nouvelle pièce de théâtre cette année, j’ai accepté une série sur Canal Plus qui sortira en septembre, j’ai joué au cinéma l’année dernière… je dois aussi refuser beaucoup de choses parce que je ne veux pas m’inventer des vies dans un nouveau métier, je reste foncièrement dans la musique. Mais je m’interdis moins de choses que par le passé. Quand c’est assuré avec les artistes, que tout roule, que les petites équipes sont autonomes, que les albums sont en voie d’être rendus, que tout va bien, je me permets d’aller me faire une récréation. Quand je me permets d’aller faire ce genre de choses c’est qu’il n’y a pas un de mes artistes qui a besoin de moi à ce moment-là, que mes différentes entreprises n’ont pas besoin de moi 24h sur 24.

Et le rap suisse… tu suis un peu ?
Y’a pas mal de gars que je suis comme Di-Meh, Makala, des mecs de Genève… y’a aussi mon gars Astreet que je vois toujours… Oui, jee regarde ce qui se passe.

Et venir soutenir les artistes suisses ça te dirait ?
Bien sûr que je kifferais, c’est d’ailleurs pour ça que je ne refuse jamais une invitation en Suisse, surtout que c’est une des meilleures destinations pour les artistes. On ne va pas se mentir, la Suisse et le Canada, c’est les deux endroits où on kiffe aller. 

A contrario pour les artistes Suisses c’est compliqué…
L’industrie suisse c’est… je parle pour Universal parce que je les connais… La branche suisse se fait souvent supplanter par la branche française. Dès qu’un artiste commence à faire parler de lui en France, même s’il est Suisse il va être attrapé par un label en France… pareil pour les Belges. Faut s’organiser je pense. C’est une école, vous avez encore ce côté Hiphop partageur, le côté business malsain n’est pas encore arrivé mais il est nécessaire. Le côté entreprise, le côté bénéfice est important. Qu’on le veuille ou non, c’est ce qui fait que certains s’intéressent dont les plus gros médias. L’école suisse c’est pas une école neuve, y’a du gros qui se fait faut s’organiser… peut-être qu’il faut que quelqu’un vienne et dise « venez, on fait les trucs ensemble ».

Et pourquoi pas toi alors ?
Pourquoi pas moi… je le vois complètement… vraiment. J’ai envie. En tout cas je peux te dire qu’Affranchis Music viendra en Suisse très prochainement, on parle de faire des plateaux, de faire nos propres festivals en Suisse et puis « Rentre dans le cercle » suivra naturellement…

Les Affranchis Music Suisse c’est donc envisageable…
Complètement.

photo par Titouan Garnier