Rockin Squat au Royal Arena, photo : NICO SKGZ – AIIIGHT.FR

La tournée « L’âge d’or du rap français » réunit un plateau très large composé d’artistes ayant plus ou moins influencé le rap français de la fin des années 90. Et si la configuration était un peu différente au Royal Arena, avec comme représentants les Sages Po, le Ministère A.M.E.R et Assassin, le concept global de cette tournée reste de jouer sur le côté nostalgique des auditeurs. La question nous piquait les lèvres, demander à Rockin’ Squat comment Assassin s’était retrouvé là…
L’idée de cette tournée est bonne et c’est pour ça qu’on a accepté d’y participer. Sur beaucoup de dates que l’on a faites, ce qui ne sera pas forcément le cas ce soir parce que le contexte n’est pas le même, on n’est pas du tout face à notre public. L’âge d’or c’est un concept qui draine beaucoup de gens qui ont connu le rap à travers la radio et la télé, donc plutôt vers 97, 98, d’après ce que j’ai pu observer. Donc ce n’est pas du tout notre public vu que l’on ne passait pas à la télé ou à la radio… Pour Assassin c’est donc très intéressant de jouer devant un public qui n’est pas acquis, qui ne nous connaît pas… qui n’a pas forcément cette culture Hiphop. Donc nous on en retire que du bénéfice. 

Une façon des plus intelligentes de toucher un nouveau public donc et qui a également le mérite de remettre, d’une certaine manière, Assassin sur le devant de la scène médiatique.
Oui, ça nous fait pénétrer des médias qui ne s’intéressaient plus à nous depuis peut-être « Touche d’espoir ». Mais on s’est jamais arrêté, on a toujours tourné toute l’année, on est toujours en train de travailler sur des projets. On sort des morceaux, ça ne s’arrête jamais parce que « game » ou pas « game » pour nous c’est pas un jeu. Quand je prends la parole, ce n’est plus un jeu… je l’ai dit en 89… c’est toujours bon en 2017. 

1989, 2017… Assassin était là pour les débuts, vous avez traversé ce fameux âge d’or et vous continuez aujourd’hui, demain ?
On a des racines plantées dans l’histoire même de ce mouvement, mais notre tête est dans le futur. On est l’un des fils directeurs de cette culture donc de toute façon, peu importe où je joue, ce que je joue comme morceau ça reste qui on est et qui je suis donc c’est toujours intéressant. Et puis il y a des enfants, je vois des gens de 14 ans à nos concerts, 12 ans… quand « Touche d’espoir » est sortie, ils n’étaient même pas nés. Même quand j’ai sorti « confession d’un enfant du siècle », ils avaient 4 ans… la vie est en éternel mouvement, donc tant que tu es actif, tant que tu donnes à des gens, tu plantes des graines qui vont faire des fruits. Et je pense qu’Assassin, ou ma carrière solo, de ce que je développe, vu que l’on n’est pas beaucoup à développer ce Hiphop-là. Ça ne peut que faire du bien à cette culture. Même si je ne dénigre pas tous les autres côtés, mais c’est un tout et on fait partie de ce tout.

Une particularité qu’Assassin a entretenue au fil des années sans jamais se renier, même si le chemin a été, et est toujours, semé d’embûches, comme si une main invisible ne voulait pas que le message d’Assassin passe…
On nous a mis en dehors parce qu’on est un groupe qui est au contrôle de ses affaires et que l’on fait ce que l’on veut donc ça nous met en dehors du « game ». Parce que ce « game » il est contrôlé par les gros labels et par les gros médias mainstream. Parce que le « game » est devenu la pop depuis très longtemps. Donc comme le « game » nous a mis hors « game » on a créé le nôtre.

Assassin, comme tu le disais, fait partie d’un tout, pourtant vous êtes très peu à occuper le même terrain…
parce qu’il y a finalement très peut d’êtres humains qui occupent ce terrain là, ce n’est même pas une question de rap, c’est une question de citoyen, beaucoup de pères de familles, de mères qui ne sont pas de ce mouvement-là, et encore les femmes l’ont beaucoup plus, elles sont beaucoup plus conscientes du monde dans lequel on vit vu que c’est un monde d’hommes qui oppressent la femme aussi, donc elles sont beaucoup plus conscientes. Mais on est dans un monde d’hommes qui est aujourd’hui gavés par la télévision, par tout ce qui est rapide, léger, donc c’est complètement normal.

Et pourtant… et pourtant Assassin, Rockin’ Squat, vous n’arrêtez pas, vous continuez votre lutte, n’y a-t-il pas un sentiment de lassitude à répéter ce message depuis des années sans vraiment voir les choses changer ?
Sans même se la péter, on fait changer les choses, on le voit sur les gens qui ont été réceptifs à ce que l’on a fait, beaucoup viennent nous voir en nous disant qu’ils ont persévéré dans les études grâce à la musique d’Assassin, qui ont complètement changé de cap en découvrant notre musique. Beaucoup de fans de notre musique sont des gens très actifs, c’est très rare de tomber sur des gens qui végètent et qui écoutent notre musique. La façon dont on a composé nos musiques, y’a des références musicales de partout, ce n’est pas uniquement le message, on est dans la musique. Quand tu tombes sur nous, ta vision devient à 360 degrés automatiquement ou si non cela veut dire que tu passes à côté…

Une vision à 360 degrés qui se retrouve également dans l’engagement de Rockin’ dans les favelas de Rio de Janeiro puisqu’il y organise depuis quelques années un festival du film, mais pas que…
il n’y a pas que le rap pour faire passer notre message, par exemple mon festival (Planeta Ginga) à Rio de Janeiro dont c’est la 4e édition cette année se penche sur énormément de points sociaux à travers différentes formes d’art, le cinéma, mais aussi la sculpture, la photographie, la reforestation, la musique, le sport…

Rockin’ Squat est en quelque sorte un hyperactif de l’engagement, pourtant tout son travail ne trouve pas forcément écho dans les médias.
C’est en cherchant que l’on trouve, c’est sûr que si t’es devant TF1 ou CNN à chercher se qui se passe tu ne verras pas mon actualité. Mais par contre si tu cherches tu verras que je suis actif tous les jours de l’année. Et pour ceux qui ne veulent pas chercher ? Et bein on va leur dire de chercher… parce que c’est en cherchant que l’on trouve… et c’est en cherchant que l’on vit même. You better dig.

Par contre il n’y avait pas besoin de chercher pour trouver la présence de Booba à son festival, certains puristes y avaient même vu une sorte de trahison, Booba représentant selon eux l’antithèse de Rockin’ Squat… Au contraire, je pense qu’il y a beaucoup de points qui nous raccordent avec Booba, beaucoup. L’indépendance, sa créativité, le fait d’être quelqu’un qui crée beaucoup, qui monte beaucoup de projets… mais surtout qui n’attend sur personne. C’est un peu le seul indé avec nous qui a vraiment les couilles bien accrochées et qui fait ce qu’il fait peu importe ce que lui dicte le vent. Il va là où il a envie d’aller, comme Assassin, comme moi.

Voilà des paroles qui ne pouvaient que faire plaisir aux fans de Rockin et de Booba qui se cachent en nous, ce rapprochement entre les deux mcs nous emmène à penser au futur, sur l’évolution de Rockin’ Squat. Le message évolue avec les années, il devient plus mature, moins étriqué, même s’il était déjà très ouvert il le devient encore plus. Mais au final je pense qu’une des clefs c’est l’amour. Je suis quelqu’un qui est amoureux. Tant que tu es amoureux tu as les yeux qui pétillent donc voilà, tombez amoureux.

De l’amour, on dit oui. Et un peu de musique aussi ? J’ai sorti deux singles (ndlr: son dernier clip 1ere Pyramide) , j’en ai un qui va sortir en septembre, ça s’appelle « S.A.L » et un album va suivre derrière. On est en train de se battre pour le sortir parce que pour le coup on est vraiment en indé. On a eu des gros problèmes juridiques avec deux des trois grosses majors en France et l’impact a été dans le monde entier. Du coup on est grillé pour sortir des trucs, même en distribution avec Warner et les groupes Universal donc ça nous laisse très peu de choix… Mais on va faire comme on a toujours fait, on sortira ça tout seul, mon album arrive.

L’Odyssée suit son cours…