repreZent s’était fixé une mission prioritaire lors de Festi’Neuch à savoir s’entretenir sérieusement avec les quatre membres de Murmures Barbares. Et si l’on s’en tient à ce qui suit, on peut dire que la mission est parfaitement réussie puisque l’on parle de leur futur album, mais aussi de leur vision du rap, de leur façon de créer ou encore de comment ils perçoivent ce qu’ils font. C’est d’ailleurs notre première question…

repreZent : Comment pourriez-vous nous définir la musique de Murmures Barbares ?
Hook : Je dirais que c’est du post-rap, ce qui vient après le rap donc… Plus sérieusement, on est actuellement en train de préparer un deuxième album et je pense qu’on peut dire que ce sera du prog-rap, du rap progressif donc, avec des structures totalement différentes des habituelles 8/16/8/16… On va aérer les choses.
FlexFab : Pour moi, c’est un rap qui sort des sentiers battus, un rap hybride qui mélange plus qu’une instrumentale hiphop et du rap. On est tous influencé par beaucoup de choses en dehors du rap, avec Murmures Barbares on est plus dans un mélange de styles que je n’appellerais peut-être pas du rap en fait… faudrait trouver un nouveau nom… je trouve qu’on fait pas juste du rap.
 
Ce serait réducteur qu’on dise de vous que vous faites juste de rap alors ?
FlexFab : Non c’est pas réducteur parce que oui en un sens on fait du rap vu qu’Idal rappe, mais au niveau des instrumentaux c’est un peu plus évolué que ce qu’on entend généralement par rap. J’y suis pour rien moi, c’est Hook qui a fait tout ça, mais y’a une autre dimension dans ses prods que simplement des batteries et des samples.
Idal : Pour reprendre ce que disait FlexFab, je pense que rap comme étiquette c’est plus une information technique qu’une information de style dans le sens où techniquement je rappe, mais d’un point de vue sonore on a vraiment un mélange des plusieurs influences et surtout on essaie de casser certains schémas… En fait, je pense qu’on a tous de l’intérêt pour le rap en tant que musique, mais pas forcément en tant que vecteur pour absolument devoir faire passer un message… même si on le fait parce que ça me tient à cœur… mais je pense qu’on aime avant tout le rap pour la musique, l’énergie qu’il s’en dégage.
Wark : Je pense qu’on peut dire qu’à la base Murmures Barbares c’est du rap, clairement. Idal c’est un mc, y’a même pas à se poser la question. Mais on est dans une sorte d’exploration des structures de notre musique, on se sert du rap comme base, mais on se laisse influencer par pleins de choses qui font qu’on arrive à un résultat qui ne ressemble pas aux autres, qui n’est pas commun par exemple « La pute ou le bourreau » où typiquement y’a aucune voix sur le refrain. C’est radicalement différent des structures classiques du rap dont on essaie de s’affranchir, mais tout en gardant ce qui nous intéresse.
 
Finalement vous êtes typiquement dans un courant qu’on peut ressentir aux USA avec par exemple un Travi$ Scott qui correspond parfaitement à votre définition… sauf que lui n’a pas besoin de justifier ce qu’il fait, de trouver une « légitimité rap » à son travail, ça va de soi.
Hook : Je pense que les ricains sont beaucoup moins « puritains » au niveau du rap que ce qu’on peut l’être en Suisse ou en France. Ils s’en battent les couilles de ces trucs. Tu peux avoir un joueur de basket qui se met au rap et du coup c’est un rappeur, les gens ne se posent pas la question… Rick Ross c’est un rappeur, ils s’en foutent de ce qu’il faisait avant de le devenir… Alors qu’ici tu dois absolument rentrer à 100 % dans le cadre pour pouvoir dire que tu fais du rap. C’est juste que les gens ne considèrent pas simplement ça comme une musique, ils se demandent si tu as l’attitude, les habits qui vont avec, est-ce que ton beat répond à tel ou tel critère… Et comme nous on se fout de ce genre de considération c’est peut-être là qu’on rejoint les ricains, dans notre démarche, on ne va pas chercher à savoir ce qu’il faut qu’on fasse pour qu’on dise de nous qu’on fait du rap, nous la seule question que l’on se pose c’est « qu’est-ce qu’on a envie de faire comme musique ? ». Il se trouve que notre point de départ c’est le rap et c’est sur ces bases qu’on construit, on n’est pas des musiciens à la base, on n’a pas de formation musicale, on sait faire du rap parce… désolé les mecs… parce qu’il n’y a pas besoins d’être musicien pour faire du rap, ne serait-ce que techniquement et du coup, en partant de là on se permet de faire ce qu’on veut. C’est-à-dire que si tout d’un coup on veut faire tout un morceau sans aucune batterie on le fera. Si Idal veut se mettre à chanter qu’il le fasse… si Wark veut scratcher de la flûte moyenâgeuse bein c’est parti.
Wark : On est totalement décomplexé par rapport à la musique, à notre musique en fait.
Hook : C’est ça… on a ce côté décomplexé qui nous permet de nous en foutre, l’important étant que ça nous plaise, on n’a rien à prouver à personne.
 
Fondamentalement vous venez de nous prouver que Murmures Barbares c’est du rap… le rap qui se fout des barrières, qui fait avec les moyens du bord et ses inspirations, du vrai rap quoi…
Wark : C’est une vision du rap…
Idal : Quoiqu’il en soit la réalité est que le rap s’ouvre de plus en plus et on le doit surtout à ce que font les Américains… Tout ce qu’on a pu dire sur les carcans du rap je pense que ça nous a marqués parce qu’on a grandi avec, qu’on a fait du rap à cette époque-là, mais c’est clairement en train de disparaître. Mais pas uniquement dans le rap ricain, en Suisse aussi il y a beaucoup de choses qui se font, qui sont totalement décomplexées. On est issus de cette génération du rap qui était très cloisonnée, qui restreignait beaucoup les artistes et maintenant c’est tout simplement en train de tourner et c’est pour ça qu’il y a tant de choses intéressantes qui se font, parce que justement on arrive à lâcher du lest par rapport à tous ces codes.
 
Le rap c’est mieux demain…
Idal : ouais, ça me va très bien… c’est le premier stettment par rapport à cette phrase de merde sur lequel je suis d’accord.
 
Et toi FlexFab t’en penses quoi de tout ça ?
FlexFab : On partage la même idée globale du truc… on dénigrera jamais le rap parce que c’est ce qu’on aime, c’est ce qui nous fera de toute façon vibrer, c’est ce qu’on écoute. On aime le rap, mais après y’a vraiment, en tout cas pour ma part, certains aspects du rap que j’aime de moins en moins et surtout qui me lasse et c’est là où je me retrouve dans Murmures Barbares, de ne pas être limités, de ne pas devoir se dire qu’on a un public qui aime le boom bap et qu’on doit continuer là dedans… On a un public assez large, ça touche du monde, nos parents écoutent volontiers du Murmures Barbares, leurs amis aussi… tout comme des jeunes viennent nous écouter. Mais c’est vrai qu’on a un public assez large et ouvert qui nous permet de partir où on en a envie.
 
En début d’interview vous nous disiez que vous étiez en train de travailler sur un nouvel album de Murmures Barbares… ça va être comment ?
Hook : On a dernièrement fait quelques tests de morceaux, un truc où t’as une batterie qui arrive juste à la fin… au niveau du texte on a fait un essai dans lequel Idal tient presque deux minutes avec quatre mesures… donc bien prog-rap comme je le disais avant. Après on a de la chance parce qu’Idal a cette capacité à toujours rester très musical, ça tient aussi à notre façon de travailler, y’a une réelle collaboration, ce n’est pas qu’il arrive avec un texte fini ou moi qui vais vers lui avec une prod… On travaille vraiment en symbiose… dans mon exemple on avait fait une base de beat avec Wark, ensuite on s’est retrouvé les quatre, on a retravaillé les trucs, on a enlevé les batteries, épuré le tout… Idal aussi a épuré son texte… et on reconstruit tout ensemble, le morceau se modèle au fur et à mesure, il est en constante évolution, et le sera encore plus en live ce qui nous permettra de le jouer… Le but qu’on a c’est de devenir une sorte de band à nous tout seul, mais comme on n’est pas des musiciens on le fera avec des sampleurs, des pads, etc… Mais l’idée c’est de pouvoir prolonger un morceau comme on en a envie sur le moment. On tend à beaucoup plus de liberté.
 
Ce n’est pas trop compliqué au niveau de l’écriture tout ça ?
Idal : Je suis peut-être avantagé par une nature un peu bordélique, ou alors c’est que je m’emmerde à devoir suivre un schéma que je n’ai pas choisi donc du coup assez rapidement j’ai commencé à faire des trucs de treize mesures ou des trucs un peu foireux comme ça… Mais finalement je me dis qu’en se forçant à suivre des structures trop carrées genre couplet-refrain-couplet-refrain tu perds une intensité du morceau où le texte vient te faire perdre l’énergie de la musique… c’est un peu paradoxal ce que je dis parce que j’ai des textes assez denses quand même, mais dans ma manière d’écrire j’essaie d’avoir deux niveaux d’écoute où tu peux écouter le morceau simplement pour sa musicalité, sans chercher à comprendre ce que je dis.
Hook : D’ailleurs ça me fait penser à un truc qu’il nous expliquait, à propos de ce morceau avec quatre mesures de texte, qu’il avait écrit plus, mais que ces quatre mesures-là étaient l’essence du texte, de ce qu’il voulait dire… que tout le texte qui viendrait s’y ajouter ne serait que du remplissage.
 
repreZent : Rick Rubin like this.
Murmures Barbares : ahahahahah