Originaire du Lignon, Meija a un passé dans le rap que beaucoup aurait aimé revendiquer. Actif depuis longtemps, touche-à-tout, il a tracé sa route à son image: dans l’ombre, mais avec un public fidèle qui le suit depuis longtemps. En ces temps troublés, il se pourrait d’ailleurs bien que ses titres soient le parfait antidote au confinement. Interview effectuée, évidemment, par mails interposés.

repreZent: Salut Meija, comment ça va? Le clip La Money en ligne depuis le 19 décembre 2019, Cagibi depuis le 24 mars 2020…tout s’accélère. Tu prévois quand ton vrai retour?  

Meija: Ça va bien merci et toi ? Je ne considère pas faire un « retour » car jusqu’à présent je n’ai pas eu de visibilité conséquente, malgré un public solide qui soutient mon travail depuis plusieurs années déjà. J’en profite d’ailleurs pour les remercier sincèrement. Cela dit, la sortie de plusieurs morceaux est prévue pour l’année 2020.

Peux-tu expliquer aux lecteurs/trices quel a été ton passé dans le rap? En fait, revenir un peu sur ton parcours…

Concernant mon parcours, à 13 – 14 ans environ, je me suis intéressé au Deejaying. On m’a appris à scratcher, à faire des passes-passes et à enchaîner les morceaux. C’est à ce moment que certains de mes proches ont commencé à écrire des couplets et à rapper. On a donc créé un premier groupe dans lequel mon rôle était de faire les instrus. En hiver, avec le climat glacial, on se retrouvait les nuits et les après-midis dans des caves squattées. On avait installé des chaises, des canapés et une sono. C’était notre principale activité de loisir. C’est dans ce contexte que j’ai écrit mes premiers couplets (à 16 ans environ). Après m’être familiarisé avec le logiciel Logic Pro, j’ai enregistré chez moi un premier projet avec ce groupe.

Par la suite, avec une quinzaine de rappeurs et beatmakers du quartier, on a mis en place un collectif et on a monté un petit studio. Malgré la productivité de ce collectif en termes d’enregistrement de morceaux, aucun projet concret n’est sorti du studio. J’ai quand-même pu y composer et y enregistrer la majeure partie de mon premier projet solo (Juste pour dire). C’est à cette période que j’ai commencé à collaborer avec d’autres rappeurs et dj’s de la ville.

En gros j’ai commencé la musique par passion. Mais l’écriture et le rap c’était vraiment pour éviter de se faire trop chier. Vu qu’on rentrait difficilement en boîte et qu’on n’avait pas trop d’oseille, c’était un moyen ludique et compétitif de passer le temps.

Si tu devais te situer dans le spectre du rap en français, au niveau du style, comment te définirais-tu?

Clairement parmi les meilleurs! Non mais, plus sérieusement, c’est aux auditeurs de décider. Je ne me restreins pas à une catégorie spécifique, si catégorie il y a. Je pense plutôt que chaque morceau a une direction. Et cela dépend à mon sens vraiment de la prod et de l’énergie qu’elle dégage. Il m’est arrivé de faire des morceaux qui, selon certaines personnes de mon entourage, ne correspondaient pas du tout à mon univers musical. Si ces titres ne sont pas sortis, ce n’est pas que j’en avais honte, mais plutôt parce qu’ils n’étaient pas assez aboutis. Il se pourrait donc que prochainement je chie des morceaux très différent de ce que j’ai l’habitude de chier…

Je fais du rap sérieusement mais le rap n’a rien de sérieux. 

La 1ère phrase du titre La Money : « On combat pas des ogives nucléaires avec un slogan et une pancarte » me rappelle celle d’un autre rappeur marseillais: « On combat pas le racisme avec des bracelets Nike ». Un raisonnement qui pointe du doigt les fausses solutions et aussi le fait de s’attaquer aux conséquences plutôt qu’aux causes. C’est un peu vaste comme question, mais selon toi, comment pourrait-on changer les mentalités pour être plus impactant?

À vrai dire je ne me soucie pas du tout de changer les mentalités… Les gens sont ce qu’ils sont. Je m’applique juste à faire du bon son et à divertir les gens. Je fais du rap sérieusement mais le rap n’a rien de sérieux.

Tu fais souvent du name-dropping dans tes textes et tous les  noms renvoient à une autre époque. J’ai remarqué que tu citais soit des gens morts, soit retraités ou en fin de carrière. Je te les cite tous en vrac: Yaya Touré [Footballeur ivoirien retraité], Omar Sharif [Acteur égyptien décédé en 2015], Albert Spaggiari [Voyou français décédé en 1989], Christophe Lambert, Cobra [Personnage tiré du manga du même nom dont les 1ères publications se sont arrêtées en 1984], Mohammed Ali [décédé en 2016], Charles Aznavour [décédé en 2018] et Oskar Freysinger. Ca s’explique comment? C’est dû à un penchant particulier pour le passé?

Ta question est assez surprenante car ce n’est pas du tout quelque chose auquel j’ai prêté attention. En fait, comme je considère la qualité de la rime très importante, c’est la rime d’avant ou d’après qui me fait citer ces noms. Et comme je n’ai plus 20 ans, peut-être qu’automatiquement ce sont ces personnes mortes, retraitées, ou en fin de carrière comme tu dis qui me viennent à l’esprit. 

Certains plans du clip La Money sont assez crus. Quels ont été les retours?

Les retours sont bons ! La scène qui a le plus choqué les gens est celle du toxico qui prend sa dose devant la gamine. Mais comme toutes les autres scènes du clip, c’est une réalité. Précisons tout de même que, comme dans la majorité des clips et des films, la plupart des plans ont été mis en scène.

Pour l’instant, tu n’apparais pas dans tes clips, ou en tout cas tu n’es pas reconnaissable…c’est une volonté de ta part?

Oui, je suis quelqu’un de pudique. Je pense également qu’il y a des choses plus intéressantes que ma gueule à montrer dans mes clips, ce qui demande une réflexion pour chaque visuel. On verra pour la suite.

Les deux titres cités au-dessus sont extraits d’un EP à venir, intitulé Celebration. Comment se passe l’élaboration d’un EP pour Meija?

La première étape est de passé beaucoup de temps à écouter des prods. J’en ai écouté énormément avant d’effectuer ma sélection. Ensuite, je commence à écrire sur les prods que j’ai choisies. Ça peut aller très vite comme ça peut prendre du temps. Ça dépend du texte, de la direction du morceau et de l’inspiration du moment. Une fois que j’ai plusieurs morceaux, environ quatre, je passe à l’enregistrement au studio. Après je répète ces étapes jusqu’à que j’aie assez de morceaux pour effectuer une sélection des titres les plus pertinents pour un projet. Je parle de projet car je considère que pour parler d’album il faut avoir les conditions de travail, ce qui n’est pas mon cas. Malgré cela, je propose une musique de qualité et rivalise avec ceux qui ont des chars d’assaut alors que je n’ai que des briques en guise d’arme.