Bois-l’Abbé dans le Val-de-Marne, une jungle de béton et la hiérarchie animale qui va avec. Auteur d’un album qui a certainement bouleversé les classements de fin d’année, La Hyène débute 2020 avec un cuir sur le dos et la rage au micro. Certains titres de son album « Thugz of Anarchy » s’écrivent en chiffres parce que La Hyène peut rapper longtemps, très longtemps…9min45, voir même 20min19 sur « 9’45 » et « 2019 ». Des titres qui renvoient respectivement au code postal du département « 94500 » et à l’année écoulée. Entretien par mails interposés avec un artiste dont le style ferait mentir n’importe quel rappeur actuel prétendument hardcore. 


Reprezent: Salut La Hyène, comment ça va?
En fait j’avais déjà vu passer le nom de ton groupe « 400 hyènes », mais je t’avoue par contre que je n’avais jamais tendu l’oreille. Et là je découvre « Thugz of Anarchy » en fin d’année et c’est la grosse claque. Du coup, pour les lecteurs/trices qui ne te connaîtraient pas, est-ce que tu peux revenir sur tes débuts, faire une petite présentation…? 

La Hyène: Salut, je vais très bien merci. 
Alors pour ceux qui ne me connaissent pas, je fais partie d’un groupe de rap qui s’appelle « 400 Hyènes », originaire de Champigny-sur-Marne dans le 94 de la banlieue parisienne. 
J’ai commencé en solo avec un premier album qui s’appelait « Règlements de compte», puis j’ai enchaîné avec une réédition de cet album sous le nom de « Ennemi d’État », on est alors aux alentours de 2004/2005.
En 2006, je sors le premier album du groupe 400 Hyènes avec mon associé Kpush, cet album s’appellera « Ghetto prodiges ». S’ensuit alors deux autres albums en groupe: en 2008 l’album « Péril jeune », puis en 2010 l’album « l’Esprit du clan ». J’ai ensuite sorti deux albums, en solo, du nom de « Ma violence volume 1 » et «Ma violence volume 2 » en 2012 et 2015. En 2018 j’ai sorti une mixtape, toujours en solo, du nom de  « Thugz Mixtape ». Puis en 2019, me voilà avec l’album « Thugz of Anarchy ». J’ai évidemment participé a beaucoup de compilations et autres projets, des collaborations avec beaucoup d’activistes de la scène Rap Français, comme Lim, Alpha 5.20, Sefyu, Salif, La Rumeur, Niro, 113, Rohff… pour ne citer qu’eux.

Pourquoi « La Hyène » comme blaze? tu te vois comme un charognard dévoreur de carcasses?

À l’origine c’est un surnom que l’on m’a donné dans ma jeunesse, puis avec le groupe 400 Hyènes, c’est devenu un concept. A savoir que si l’on compare la société dans laquelle nous vivons à la savane, alors l’animal le plus représentatif des jeunes des quartiers défavorisés, dans son mode de vie, est la hyène. Puisque beaucoup de points communs nous lient à cet animal. Comme le fait de vivre en meute, de chasser en meute, d’être un animal méprisé, taxé de charognard et qui s’oppose au lion qui dans le concept de 400 Hyènes représente l’État, le pouvoir en place, le système et ses privilèges. Donc le surnom de La Hyène collait à merveille avec le fait de vouloir représenter tous ces gens d’en bas qui luttent et vivent les difficultés sociales et réelles de la vie en cité. C’était également le pseudo idéal pour porter mon rap revendicatif, sans concessions, froid, violent et hardcore.

La Hyène, c’est brut dans le fond mais technique dans la forme. Alors que tu aurais très bien pu te contenter de rapper des trucs hardcore sans te soucier de la forme. D’où t’es venu cette attention particulière accordée aux aspects techniques de ta musique (flows, respiration,…)?

Le fait que ma musique soit revendicative ne doit pas me faire oublier qu’il s’agit avant tout de musique. Je suis dans un cadre artistique, donc même si le message et la puissance des écrits est essentielle pour moi, la technique et la forme doivent être réunis avec le fond. C’est très important. C’est justement de cette capacité à lier les deux qu’en ressort la performance. 

Les Harley-Davidson seraient remplacées par des YZ et le groupe s’appellerait les «THUGZ OF ANARCHY», réunissant toutes origines.

As-tu regardé la série « Sons of Anarchy » ? Si oui, quel est ton perso préféré ? 

Oui j’ai bien regardé la série mais je ne l’ai pas terminé entièrement. Je ne pourrai pas te citer un personnage en particulier, car je ne me reconnais pas vraiment dans  les caractéristiques des personnages de la série. J’ai juste apprécié l’esprit de clan, de fraternité et la solidarité avec les autres groupes venant d’autres régions. Je me suis mis à rêver que ça serait possible de faire ça en mode Thugz, c’est-à-dire en mode « mecs de cités » de partout, avec chacun son clan, son département, chacun ses couleurs mais avec tous les mêmes valeurs. Ils se prêteraient assistance, les uns aux autres, en cas de coup dur. Les Harley-Davidson seraient remplacées par des YZ et le groupe s’appellerait les «THUGZ OF ANARCHY», réunissant toutes origines.

T’es plutôt Galatasaray ou Fenerbahçe ? Boca Juniors ou River Plate ?

Je ne connais pas bien le football turc donc je n’ai pas de club préféré par contre je préfère Boca Juniors à River Plate peut-être parce que Maradona a joué à Boca.

Je pense qu’il y a un aspect générationnel qui entre en compte dans le fait d’apprécier ta musique… A mon avis elle parle plus aux gens qui ont grandi avec le rap des années 90’. Du coup, quels sont les retours des jeunes d’aujourd’hui sur ton album?

J’ai un public très varié en terme de générations. S’il est vrai que la majorité sont des personnes qui ont aimé le rap des années fin 90 jusqu’à la première décennie  des années 2000, beaucoup de jeunes m’écoutent également. ils ont l’impression de découvrir quelque chose de nouveau, de différent. Ce fameux mélange du fond et de la forme que l’on a abordé précédemment, car mes variations de flow, trap ou plus classiques, mes accélérations, mes choix des instrus, tout ça leur parlent aussi. Le coté super hardcore par moment du propos leur plait aussi. Le but de cet album était de réunir justement les générations, je m’en étais fait une sorte de challenge personnel aussi. Je voulais récupérer tous les gens déçus de l’évolution du rap français actuel, réconcilier tous ces gens avec cette musique, mais je voulais également sans prétention, très modestement, éduquer un peu les plus jeunes, leur montrer un peu le concept originel du RAP. Car ils ont été élevé avec du rap sans message et donc quand il se confrontent à mes textes, ils se demandent un peu d’où je sors, en tout cas c’est toujours très intéressant de pouvoir parler avec eux.

A l’avenir, comptes-tu défendre « Thugz of Anarchy » sur scène? Et sortiras-tu d’autres projets ?

Je n’ai actuellement pas de tourneur qui puisse me permettre de faire une tournée et ainsi défendre mon album sur scène, à mon grand regret. J’aurais évidemment souhaité pouvoir le défendre et le présenter un peu partout où cela est possible. Mais  toutefois, j’ai la chance de partager un peu la scène avec mes amis et frères du groupe La Rumeur qui me permettent de présenter quelques-uns de mes morceaux à leur public, en me faisant une place dans leur propre show.  Je les en remercie encore et c’est un très grand honneur pour moi. En ce qui concerne l’avenir, évidemment que j’aimerais sortir encore d’autres projets et je pense ne pas en avoir fini mais uniquement si Dieu veut.

« Echos », extrait de l’album « Thugz of Anarchy » 

par Marty MacFly