Vendredi soir au Royal Arena nous avons rendez-vous avec une légende vivante du rap et ce n’est pas sans une certaine émotion que nous saluons Kool G Rap et nous installons à ses côtés pour un entretien d’une quinzaine de minutes alors qu’il vient de quitter la scène. Et même si la question peut paraître un peu convenue, on ne peut s’empêcher de lui demander ce qu’il ressent d’être là, en Suisse, en 2017. C’est un sentiment très agréable, avoir cette chance de pouvoir me produire dans des endroits où je n’étais jamais allé auparavant, pouvoir ressentir toute cette énergie positive qui se dégage du public. Jamais je n’aurais pu imaginer être ici avec vous en ce moment quand j’ai débuté. À l’époque mon horizon se limitait aux rues de mon quartier, vous imaginez bien que je ne peux qu’être très heureux d’être ici, avec un public qui continue de me suivre, d’apprécier ce que je fais. Je crois qu’il faut que je remercie la table de cuisine de ma mère, c’est grâce à elle que je suis là, c’est sur elle que tout a commencé, c’est là que j’ai écrit mes premières rimes.

On vient de faire un saut dans l’espace et le temps, nous voilà maintenant dans les années 80, est-ce que Kool G Rap veut s’y replonger avec nous ? Ça devient difficile de me souvenir exactement de mes premières rimes, j’ai écrit ça quand j’avais 14 ans, maintenant j’en ai 49, ça nous fait remonter le temps, mais nous rappelle aussi que tout cela reste proche. Et alors cette première rime ?

En live c’est mieux, alors il faut cliquer.

Mais c’est également sur cette table qu’a été écrit le texte de « It’s a demo » par exemple, l’histoire s’écrit souvent sur des tables, la nôtre était sur celle d’une cuisine du Queens.

Kool G Rap a, bien légitimement, reçu des hommages des plus grands, de tous ces rappeurs qui ont touché notre génération, comment ressent-il cela ?
C’est un incroyable honneur que de se dire que tous ces grands mcs sont reconnaissants de mon travail.. Jay-Z, Nas, Big Pun, Eminem, 2pac, Biggie, Mobb Deep, Wu-Tang… tous ces mcs que je considère comme étant les meilleurs, des gens dont je suis fan. Recevoir cet honneur de leur part, ce retour, c’est impressionnant, c’est un énorme honneur. Un honneur qu’il se rend lui-même lorsqu’on lui demande si Kool G Rap aurait pu influencer Kool G Rap. Totalement, si j’étais quelqu’un d’autre que moi qui écoutait ce que je faisais à l’époque j’aurais sans aucun doute été influencé par Kool G Rap. Ce mec déchire, il est incroyable… je pense que je me serais dit ça, j’aurais eu la même réaction que la première fois que j’ai entendu Nas, que lorsque j’ai découvert Eminem… Kool G Rap est à l’origine de ce rap qui nous a tend marqué, de cette fameuse Golden Era, quel regard porte-t-il sur cette période ?
C’est à cette époque qu’une multitude d’artistes différents a réellement émergé, il y avait une émulation folle… Quand G Rap ou Rakim faisaient quelque chose on savait que c’était eux, Tribe Called Quest avait leur vibe qui leur était propre, ils étaient dans une certaine zone. EPMD occupait un autre terrain, Slick Rick, LL Cool J… chacun avait son univers et on était bombardé de tellement de sons, de vibrations, de style différents, mais qui était tous relié par une force similaire à celle qui portait le blues. C’était une période très riche.

On fait alors un parallèle avec aujourd’hui, avec ce qui se passe dans le rap depuis quelque temps… Oui je pense que l’on peut dire qu’il y a une sorte de renaissance du rap actuellement, depuis quelque temps en fait, mais oui, on peut ressentir cette énergie qui revient, que le rap retrouve son impact. Mais qu’est-ce qu’on pouvait attendre d’autre d’une musique qui a plus de 40ans… combien de temps a duré le disco ? Et à l’époque le disco c’était dingue, mais il n’a pas résisté, le Hiphop est toujours là, le rap s’est sans cesse renouvelé pour continuer à vivre jusqu’à aujourd’hui, pour vivre demain. Nous voilà de retour en 2017, la boucle est presque bouclée, mais lui, est-ce qu’il continue d’écouter du rap ? Je n’écoute pas tout ce qui se fait, mais certaines choses me touchent, j’aime beaucoup Migos, sincèrement je trouve remarquable ce qu’ils font. Sinon J. Cole bien évidemment et Kendrick, c’est le meilleur.

Le passé, le présent, le futur… voilà quelque chose qui pourrait définir le Hiphop, qu’en est-il de sa définition ? Le Hiphop c’est le combat, le Hiphop c’est la douleur, le Hiphop c’est le bonheur, le Hiphop c’est prendre sa chance. Le Hiphop c’est quelque chose qui peut ressembler des gens tout autour du monde, qui relie des humains à travers les continents, au-delà des frontières. Le Hiphop c’est de travailler pour avoir ce que l’on veut, ou pour perdre ce que l’on a. Le Hiphop peut être relié à tellement de choses qui font la vie, qui font qui l’on est. Le Hiphop c’est le blues d’aujourd’hui.

Et repreZent ? repreZent c’est tenir les rênes de son business, arriver à ce point où plus personne ne peut se comparer à toi, où tu deviens, qui tu es vraiment, où tu deviens unique, que tu sors ta tête du groupe.

photo : NICO SKGZ – aiiight.fr