fashawn royal arena

Alors qu’il prépare un projet pour la fin de l’année, repreZent s’est entretenu avec Fashawn avant son concert au Royal Arena. L’occasion pour nous de revenir sur ses débuts dans le Hiphop, mais surtout d’en savoir plus sur sa vision du rap, sur l’importance du message et ce qui définit un MC à l’heure où les rappeurs sont à la mode.

En guise de prologue… est-ce que tu te souviens de ton premier souvenir en lien avec le Hiphop ?
Oh oui je me souviens, je ne sais pas si je dois être embarrassé par ça, mais je pense que non… Mon premier souvenir est ce mec d’Oakland… je crois qu’il se faisait appeler MC Hammer. Il avait les plus grands pantalons de l’Histoire, le genre de pantalon que tu pouvais conseiller à quelqu’un qui avait un énorme cul. Bien plus large que l’imagination pouvait l’imaginer. Mais pour ma défense je dois dire que j’étais bien trop jeune pour savoir de quoi il parlait, de ce qu’il représentait. Mais il faut quand même reconnaître que c’était puissant pour un gars comme moi né en 1988, j’étais un enfant à cette époque.

Et plus tard, est-ce que tu te souviens d’un morceau qui t’a marqué, cette chanson qui te fait dire que tu es fait pour le rap ?
Ça doit certainement être Tupac Shakur et « Dear Mama ». Ce son m’a touché, il me parlait directement, d’une façon vraiment personnelle. Il y avait quelqu’un à la télévision, ce soldat, ce guerrier qui partageait la même histoire que moi… une maman dans la drogue, un père absent… et il n’en avait pas honte, il arrivait à en tirer une certaine fierté, à mettre en avant ce qu’il avait dû affronter pour devenir celui qu’il était. Oui c’est certain, Tupac m’a marqué. Dear Mama… so many tears…

Et quels sont les autres artistes qui t’ont ensuite inspiré ?
C’est facile, mais je dois citer Biggie, « Ready to Die » est l’un de mes albums favoris… « Machine Gun Funk » est l’un de mes sons favoris… « Everyday Struggle », j’écoute ce morceau chaque jour. « 36th Chambers », Wu-Tang bien entendu. ATCQ, DeLaSoul, Soul of Mischief, D.I.T.C… Diggin in the crates, chaque membre était incroyable. Big L RIP… Il y en a tellement… Canibus aussi sur certains sons. Hi-Tek, Talib… Slum Village, Jay Dee bien sûr… Je suis à fond dans les 90 s en fait.

Ce qui peut paraître un peu étrange puisqu’à cette époque tu n’étais qu’un enfant finalement, toi qui es né en 88…
Je crois que l’on peut dire que j’ai fait mes devoirs, c’est important de connaître ce qui a fait le rap « do the knowledge »… et c’est dans cette période que j’ai trouvé le plus d’inspiration… quand j’allais à l’école au début des années 2000 la période était, comment dire… c’était l’époque des lecteurs CD portable. J’allais à l’école… en fait pour ma part c’était plutôt des cassettes… Tout le monde écoutait Faboulous, 50… mais moi j’allais à l’école en écoutant mes vieilles cassettes et je continue de kiffer ces sons aujourd’hui.

Ça semble important pour toi que les rappeurs fassent leurs devoirs…
Oui ça l’est. Il faut avoir la connaissance du passé, de pouvoir connaître les pères qui t’ont permis d’être là, d’être reconnaissant envers ceux qui t’ont ouvert les portes qui te permettent d’être là. C’est impératif en fait. Tu dois savoir d’où tu viens si tu veux aller de l’avant, savoir où tu vas. Tu ne peux pas comprendre ce qu’est le Hiphop si tu ne sais pas ce qu’il a traversé.

Et donc tu sais où tu vas ?
Absolument, je vais au sommet. (rires)

Et comment est-ce que tu t’y prends, parle-nous un peu de ton processus créatif.
J’ai vraiment commencé la prod il y a genre 2 ans du coup maintenant tout mon processus est différent, je crois pouvoir dire qu’il est enfin ce qu’il devait être. Je comprends beaucoup mieux la structure musicale des sons, je peux jouer avec, structurer mes textes de manière à ce qu’ils soient en symbiose avec la musique. Je peux enfin faire ressortir ce qui vient de mon cœur.. commencer par une demi-mesure, un kick, une grosse basse… faire couplet-refrain ou enchaîner 10 couplets. Je n’ai plus de limite et ça me permet de pouvoir créer un son avant de connaître le thème ou l’inverse.

Mais du coup qu’est-ce qui est le plus important pour toi, le beat ou les paroles ?
Pour moi les paroles, pour moi. Parce que lorsque je ne serai plus ici je veux que les gens se souviennent de moi pour ce que j’ai écrit parce que finalement quand la musique s’arrête tout ce qui te reste c’est la poésie, le texte. C’est comme ça que je me ressens en tant que MC. Ce n’est peut-être pas la même chose pour un producteur, mais en tant que MC je veux que l’on se souvienne de moi pour mes textes et mon message.

Tu emploies le terme MC, c’est devenu plutôt rare à l’heure des rappeurs…
Bien sûr, je ne suis pas un rappeur. Alors oui je rappe, mais rapper c’est juste une action, un truc que tout le monde peut faire. Je suis un MC, un Maître de Cérémonie et quand je monte sur scène, que ce soit pour 45 minutes ou pour 2 heures… tu m’appartiens. L’endroit et le public m’appartiennent. Je suis le maître de la cérémonie, je suis celui qui contrôle au M.I.C., c’est moi.

Concernant le message, tu es né à une période, à un endroit où tout n’est pas vraiment facile entre les différentes communautés et on a malheureusement l’impression que rien n’a changé, que les choses empirent…
Je pense qu’il est important que je transmette ma vérité. Mais ce n’est que ma vérité, elle ne devrait refléter finalement que moi, mais il se trouve qu’elle est la même pour beaucoup d’Américains et plus particulièrement les Afro-américains… Par exemple lorsque j’ai été arrêté par la police, je ne pensais qu’à une chose, je me réjouissais d’être en prison, car cela signifiait qu’ils ne m’auraient pas tué avant. Ça m’a complètement retourné l’esprit de penser à ça. J’espérais juste que les policiers soient assez gentils pour juste me mettre en prison et ne pas me tuer. Et ce genre de sentiments vient s’incruster dans la musique, dans ma musique. Mais ça ne doit pas forcément être quelque chose qui touche les Afro-Américains, ça peut être n’importe quoi… ça peut être tout simplement des textes sur le rap à une période où tout semble être pourri. Il faut faire face à sa réalité et en tirer le meilleur à travers la musique.

Mais est-ce que le rap a changé ?
Mec, je n’ai pas envie qu’on me prenne pour un vieux type… Mais oui il y a quelque chose de radicalement différent, c’est devenu quelque chose qui… quelque chose que je ne reconnais pas en fait. C’est peut-être uniquement aux USA je ne sais pas parce que lorsque je suis dans des endroits comme ici je ne ressens pas la même vibe… mais oui le rap a changé, il est devenu quelque chose de différent.

Tu évoquais le « real hiphop », mais qu’est-ce que c’est finalement pour toi ?
Pour moi c’est briser des murs de verre partout. C’est parfait, c’est imparfait, c’est beau, c’est dégueulasse… tout est réuni, c’est cru, c’est dangereux. C’est comme regarder en bas d’un ravin avec ses chaussures au bord du précipice. C’est l’odeur de la crasse quand tu marches dans la rue… C’est une cigarette sur un canapé, c’est un Blunt à un barbecue, une Corona vide sur ton tapis quand tu te réveilles… c’est ça le hiphop pour moi. C’est prendre part à la bataille, transformer toutes les choses négatives qui t’entourent en armes qui te feront gagner la guerre.

repreZent
Cela voudra toujours dire quelque chose pour moi… Tu vois là je porte un maillot de Fresno, j’ai des tattoos sur mes mains… je vais toujours représenter d’où je viens. C’est cette vérité crue que je représente lorsque j’entre dans un studio. repreZent, repreZent comme le disait Nas.