dosseh the beat par Titouan Garnier

C’est après son excellent concert donné le soir de son anniversaire au Beat Festival que repreZent a pu s’entretenir avec Dosseh. L’occasion pour nous de revenir sur ses débuts dans le Hiphop mais aussi et surtout de parler de la construction de sa carrière, de son regard sur le rap d’aujourd’hui, de son évolution.

Quel est ton premier souvenir avec le Hiphop ?
Mes premiers souvenirs… c’est l’époque où je commençais à rapper dans ma chambre, à m’enregistrer sur mon poste cassette, je m’enregistrais même pas sur des instrus mais sur des morceaux, avec les voix derrière… je n’avais pas d’instrus donc j’enregistrais ma voix par-dessus le morceau. Voilà, premier souvenir.

Est-ce qu’il y a un morceau qui t’a fait réaliser que c’était ça que tu voulais faire, que tu voulais rapper ?
Le premier morceau de rap qui m’a fait avoir le déclic ? Là je parle du morceau qui m’a fait avoir le déclic, pas le premier morceau de rap que j’ai découvert donc… je pense qu’en fait c’était California Love de 2Pac. Quand je l’ai entendu, quand j’ai vu le clip j’ai voulu être lui. Ça m’a donné envie de rapper… avant ça je kiffais, j’écoutais du rap sans avoir spécialement envie de plus, mais lui quand je l’ai vu j’ai eu envie d’être comme lui, de faire comme lui.

Avant la sortie de ton dernier album, tu déclarais que « Yuri » t’avait confirmé en tant qu’artiste et que tu espérais que « Vidalossa » te permette de vraiment percer. Je pense qu’avec quelques mois de recul on peut dire que tu avais vu juste…
Le boulot qui a été fourni a été fait dans ce sens-là, tout ce que je peux dire c’est que jusqu’à présent tout se passe comme prévu. À chaque nouveau projet on va plus loin, c’est parfait tu vois.

En tant qu’auditeur en tout cas on peut remarquer un avant et certainement un après « Vidalossa », dans la manière d’écrire, de poser, des flows, de chants… est-ce qu’il y a eu comme une sorte de déclic ?
Non y’a pas eu de déclic, c’est simplement une évolution logique. Ce que je fais dans « Vidalossa » ç’a été amorcé dans certains morceaux de « Yuri », c’est une évolution logique pour moi. Je mène ma vie d’artiste comme ma vie, ma musique évolue comme ma vie évolue tout simplement. Mes influences évoluent, mes envies musicales aussi… j’évolue tout simplement.

On a pu t’entendre dire que tu évoluais entre deux mondes, entre deux générations de rap, mais là on te sent clairement inscrit dans le monde d’aujourd’hui… t’as jamais eu peur de ne plus être dans l’air du temps ?
Non parce que je pense qu’à partir du moment… tu sais le rap c’est un art vivant, c’est un art qui se renouvelle tout le temps, qui s’inspire de nouvelles tendances, qui avance. Donc si t’aimes le rap et la musique d’une manière générale ça se fait naturellement, t’es pas dans ce genre de réflexions… Ce n’est même pas des questions que je me pose en fait, je fais. En fait c’est tout, je fais et voilà.

Ça t’évite de rester enfermé dans un truc finalement…
Ouais, mais comme tu dis qu’ils restent enfermés dans leur truc ! Les gens fermés qu’ils le restent finalement, qu’ils continuent de s’autocongratuler avec des faux principes à deux balles comme si le rap c’était une religion et donc qui ne doit pas bouger. Non le rap c’est une musique ma gueule, c’est une musique, c’est un divertissement… en tout cas à la base c’est du divertissement. Après tu l’utilises pour faire ce que tu veux, pour diffuser des messages politiques, sociaux ou juste pour divertir, amuser les gens. Ce que tu veux, mais ça reste une musique à la base, tu chantes sur une instru, peu importe, ce que tu dis dessus, mais t’as eu la démarche de mettre de la musique derrière ce que tu dis donc c’est musical, donc c’est un divertissement. Et bein voilà, une fois que tu as compris ça y’a plus de problèmes, je ne vois pas ce qui pourrait te bloquer. À part juste vouloir faire de la merde en fait. Pour moi la seule limite c’est de savoir si ce que tu fais est bien ou non. Mais y’a pas de limites à avoir du moment que tu restes toi, que t’n’as pas l’impression de te travestir.

Justement en parlant de rester soi-même, tu deviens de plus en plus toi dans tes textes, tes morceaux sont très introspectifs… c’est aussi avec l’âge que ça vient ?
Je ne sais pas si c’est avec l’âge, sûrement un peu… avec l’âge et les années qui passent dans la musique. Tu prends en expérience, tu prends en assurance, tu te décomplexes sur pas mal de trucs. Il y a certaines choses qui avant t’aurais peut-être bloquées, mais avec le temps tu te désihinibes un peu… tu te livres un peu plus, tu donnes plus de ta personne.

Si on regarde un peu ta carrière, t’es à l’inverse des trajectoires actuelles, ta progression s’est faite petit à petit, chaque année on attendait Dosseh… de ne pas avoir éclaté rapidement au final c’est un avantage ?
En fait tant que ça va dans ce sens c’est positif, tant que tu montes c’est positif parce que tu construis un truc qui est solide. J’aurais pu emprunter des chemins beaucoup plus rapides, même s’il n’y a aucune assurance que ça marche finalement. Je pense que notre manière de faire, notre manière de bosser, elle est cohérente, elle est costaud. Elle a posé des fondations qui sont bien ancrées, solides. On essaie de construire quelque chose de vraiment grand. Le rap pour moi c’est un moyen d’arriver à plein d’autres choses donc le taff qu’on fait, la manière dont on le fait, c’est pour permettre ça.

T’en parles d’ailleurs dans tes textes, de cette envie de laisser quelque chose derrière toi.
Totalement, déjà de laisser quelque chose, mais aussi d’accéder à plein de choses. Et pas uniquement les choses matérielles, je parle d’une manière générale là.

Je pense que l’on peut dire que tu as laissé quelque chose avec « Habitué »…
J’espère… l’avenir nous le dira.

Il est gravé à mon avis, ce morceau à ce truc… et il devient encore plus grand quand on te voit le faire avec un orchestre symphonique (NDLR : lors des sessions Hiphop Symphonie), ça fait quoi pour un rappeur de se retrouver là ?
C’est lourd tout simplement… déjà c’est un tout autre exercice que de chanter sur une instru normale. C’est un tout autre délire, y’a un autre rythme, c’est une autre approche du même morceau. Toi même ça te fait redécouvrir ton morceau, ça te fait le voir différemment. C’est magnifique. L’orchestre… ils étaient géniaux. On nous a bien briefés, on était bien préparé, on a bien répété… et franchement c’est lourd. C’est une expérience à refaire.

Pour revenir sur la différence entre les générations, tu disais que c’était beaucoup plus difficile d’être un bon rappeur actuellement qu’il y a 20 ans…
C’est ce que je pense en tout cas. Le game d’aujourd’hui il est plus dur, c’est plus dur de faire sa place dans le game d’aujourd’hui qu’à l’époque. C’est ce que je pense. Aujourd’hui t’as des mecs qui sont vraiment talentueux, mais tous terrains. Les mecs chantent, ils ont du flow, des phases, de l’attitude, des images de fous… Ils dégagent un truc de star. Ils sont complets. Avant t’avais moins cette obligation, cette exigence d’être complet. Déjà avant limite on ne voyait même pas ton visage, on ne savait pas qui tu étais… On était beaucoup moins centré sur l’image, on pouvait écouter un mec pendant des années sans connaître son visage, c’est dans L’Affiche ou Radikal que tu découvrais sa tête… Aujourd’hui c’est mort, il faut que tu dégages quelque chose directement, que tu sois quelqu’un. C’est beaucoup plus compliqué aujourd’hui je trouve.

Et pour terminer, la question d’un vieux… C’est quand qu’on va entendre un morceau de Dosseh qui commencerait avec le gimmick « C’est Pit au mic » ?
Peut-être qui sait ? C’est possible, c’est très probable que ça arrive. Après je ne sais pas s’il va entrer en disant « C’est Pit au mic »…

Il est obligé…
(rires) En tout cas, c’est très probable.

photos par Titouan Garnier