En décembre dernier se tenait le Highway Festival à Bulle, confortablement installé et profitant de l’air vivifiant de la Gruyère, repreZent a pu s’entretenir avec Alonzo. Il en ressort une interview sans langue de bois dans laquelle l’artiste se livre complètement.

Une chose nous a fait très plaisir à l’écoute de ton album, cela faisait un bout de temps qu’on n’avait pas entendu un artiste repreZenter autant…
C’est vrai que ce mot vient d’une autre génération, je n’ai pas fait attention, mais c’est vrai que je le dis souvent. Mais ça reste quelque chose de très important, il faut se rappeler que j’ai un parcours avec mon groupe, je suis d’une génération qui a vu le jour à la fin des années 90 et c’était quelque chose de très fort pour nous, pour notre génération. repreZenter son coin, son quartier, sa famille… repreZenter le rap, le mouvement Hiphop. C’est vrai qu’avec le temps ça c’est un peu perdu, mais cet album s’appelle 100 %, je me livre pas mal, alors il fallait revenir aux sources sur certains morceaux.

D’ailleurs tu le dis « Je rappe comme un minot de 17 ans »…
Tu sais quoi ? Ça m’amuse, je me dis que la passion est encore là et tant qu’il y a la passion tu vas essayer d’être performant, d’aller chercher de nouvelles mélodies, de nouveaux flows, t’entourer des bonnes personnes pour faire progresser ta musique.

Justement, dans cet album tu t’es entouré d’un Suisse…
Oui tout à fait, y’a un de vos beatmakers qui a placé pas mal de prods sur cet album, il s’appelle Argo. Je l’ai rencontré pour la première fois il y a quelques mois, vu que Spike Miller est le réalisateur de tous mes disques, c’est lui qui filtre les prods qu’on nous envoie. C’est donc Spike qui dans un premier temps est en contact avec les beatmakers, dont Argo qui a placé des prods sur des morceaux très importants d’ailleurs. Bagarre, Génération X-Or… ses prods sont sur presque tous les clips que l’on a déjà sortis. Bagarre est certifié single d’or…

Et comment se passe le filtrage des prods ?
On sait ce que l’on veut, dans quelle direction on veut aller… Spike est à la réalisation de l’album, il a son schéma en tête, un peu comme un entraîneur de foot qui a son 4-4-2, il sait exactement ce qu’il peut intégrer pour ne pas que l’on s’éparpille. C’est important quand tu fais un album de ne pas s’éparpiller, qu’il y ait une colonne vertébrale, un schéma.

Tu parlais de 4-4-2, c’est super classique finalement… mais il faut aussi y laisser la place pour un créateur, une sorte de Neymar ou de Messi qui fait basculer le match. C’est d’ailleurs un peu ce qui se passe dans ton album…
Je pense que c’est tout simplement la musicalité qu’il y a en moi qui s’exprime. Les albums c’est des périodes de ta vie. Si tu reviens quelques années en arrière on a pu découvrir Règlement de compte, c’était un disque assez revanchard, très egotrip. Après est venu Avenue de Saint-Antoine, il y avait déjà des thèmes un peu plus posés, mais avec encore une bonne partie de morceaux destinés aux clubs. Là, mon état d’esprit actuel sincèrement il est plus apaisé. J’avais besoin de me livrer sur pas mal de titres, besoin d’écrire. Qu’il y ait une évolution musicale aussi… c’est des périodes. Je n’ai pas calculé ça avant de rentrer en studio, c’est en composant que l’on s’est rendu compte que cet album serait très personnel. Un album dans lequel je me livre beaucoup, il y a pas mal de balades…

Justement, tu reviens souvent sur toi, ton parcours, ta vie… 2 054 fois j’ai fait le tour de la question. Pourtant t’es toujours là. La question ne trouve pas de réponse où elle change à chaque fois ?
Non elle trouve pas de réponse… Parce que ça fait quand même… on dirait pas comme ça… mais ça fait quand même une vingtaine d’années que je fais de la musique. C’est un métier usant, il faut toujours se remettre en question, y’a des hauts, y’a des bas… ça te prend beaucoup de temps, tu vois peu ta famille. Les gens ne le voient pas comme ça, car ils n’ont que la vitrine concerts-clips, mais à l’intérieur y’a énormément de taff. Donc oui je me pose la question de savoir jusqu’à quand je vais continuer… et je ne trouve pas de réponses parce que je suis encore un passionné. Je ne me force pas à la faire, j’en ai besoin pour l’instant, donc je continue.

Toujours cette même passion… c’est là qu’on a toujours 17 ans finalement.
Exactement. Voilà… et qu’on fait les cons en studio et qu’on se marre bien.

Tu parlais de ce revers de la médaille, je pense que tu l’exprimes très bien dans Papa Allo… T’avais besoin de l’exprimer de cette manière, publiquement ?
En fait je n’ai pas pensé vraiment à ça… tu sais on est un peu égoïste en tant qu’artiste. Certaines fois on écrit des morceaux que pour nous et ensuite bizarrement on se rend compte que ça touche les gens. Parce que finalement on n’est pas seul dans cette situation. Moi j’avais la topline, j’avais la prod et c’est un thème que je voulais aborder depuis longtemps. Je trouvais que c’était le bon moment, mon fils a 13 ans, il y a des mots que je n’arrive pas forcément à lui dire comme ça, directement. Et en chanson ça paraît toujours plus simple, va savoir pourquoi. Donc je me suis mis à lui parler et ça a donné ce titre qui a touché pas mal de parents, pas mal d’enfants… tant mieux. La musique c’est un partage. Mais à la base je l’ai fait pour moi.

C’est un peu la même démarche pour le titre avec Sopra ?
Ça faisait déjà un petit moment que l’on avait plus fait de collaboration, on a fait Rihanna sur son dernier album, mais c’était plus fun, plus egotrip et les gens qui connaissent notre groupe savent très bien qu’on s’est fait sur des morceaux à thème, des morceaux très poignants. Donc je voulais pour cet album 100 %, un morceau touchant, où on se livre. Un morceau dans lequel on se met à nu. Sa carrière solo a explosé, la mienne aussi. Et on a peu de temps pour se voir comme avant. On se croise sur des plateaux. Donc on a décidé de se dire les choses, de se rappeler que la musique c’est bien, mais que la famille c’est important, qu’il faut prendre le temps de se voir. On a des enfants, il faut qu’ils se connaissent… On a donc décidé de se mettre à nu comme on le faisait avec la Psy4.

Tu dis quand même que la musique a tué ton bon fond… avec ce que tu viens de nous dire, on ne peut que dire que tu te trompes.
Quand je dis que ça tue mon bon fond, c’est plus que dans la vie tu n’as pas besoin d’être tout le temps en compétition. Si tu as un travail plus ordinaire, tu te lèves, tu vas travailler, tu fais en sorte que ta famille ne manque de rien, que tout le monde soit en bonne santé… Mais quand tu fais un métier comme le mien, t’es en compétition matin, midi et soir et quelque part c’est obligé de te toucher à l’intérieur. Tu dois maîtriser ton ego, il y a beaucoup de paramètres à prendre en compte et des fois j’ai l’impression que ça me touche de l’intérieur, que ça me mange. Après j’essaie d’avoir toujours les pieds sur terre, de m’entourer de bonnes personnes qui sont là pour me dire quand je chavire. Mais c’est un métier qui te travaille, un métier qui touche ton bon fonds. C’est une impression, après je ne sais pas.

Une chose qui m’a marqué à l’écoute de ton album c’est que tu passes d’une chose à son contraire… dans un morceau t’es très street, tu parles de business, etc. puis juste après tu as un discours très traditionnel sur le mariage, la famille…
Ça fait partie de moi, je le fais depuis le début, ça fait partie de ma vie. Cette émotion, cette violence, cette envie de s’en sortir… Je suis un homme marié donc que je dis épouses-la je sais de quoi je parle. Quand je parle des enfants, j’en ai donc je sais de quoi je parle. J’ai vécu dans un quartier donc quand je parle d’une certaine violence je sais de quoi je parle. Ça fait entièrement partie de moi… c’est aussi pour ça que cet album s’appelle 100 %. Je ne peux pas me mentir à moi-même et essayer de ne faire ressortir que mon côté positif. Parce que tout ce que tu entends dans cet album fait partie de moi. Ces contradictions vont avec. Je les assume depuis le début. C’est ce qui fait la force de cet album et surtout l’authenticité d’un artiste.

Et pour terminer, on est un peu obligé de te le demander… Les Psy4… ?
On va certainement refaire quelque chose, mais c’est un peu trop tôt là pour revenir. Il faut laisser vivre la légende en fait. Le dernier album c’était il y a 4 ans, c’est tôt… On va pas revenir juste pour jouer sur la mémoire de ce que l’on a fait, on aime avancer donc on fera quelque chose qui nous correspondra à ce moment-là. Si on revient c’est pour faire un nouvel album pas pour la nostalgie. Alors bien évidemment si on fait une tournée on va jouer nos classiques. mais c’est encore tôt… y’a pas encore assez d’attente je pense… inch’Allah.

crédit photos : globull