16 Juillet 2020, le rendez-vous était pris à 17 h au centre commercial de La Valentine dans le 11èmearrondissement de Marseille. Presque aussi éloigné du centre-ville que La Savine, il m’a fallu bien 45 minutes pour rejoindre en bus une zone commerciale comme il en existe tant d’autres en France. Relo arrivait en voiture et comme l’heure de pointe occasionnait un léger retard, il me l’indiquait poliment par message: «Je suis dans les bouchons sur l’autoroute, je vais avoir 10 min de retard, je pense. Désolé». Même la demi-heure n’aurait pas été retenue contre lui, tant l’entretien s’est révélé cohérent. Rencontre avec un parolier déterminé, chiffré «treize» dans la mentalité et indépendant à l’heure où vous lirez ces lignes.

RepreZent: Avant, ton nom de scène était Napo. Est-ce que ton changement de blaze s’est opéré à cause du youtubeur?
Relo: Exact. Dans la musique, et je pense encore plus à Marseille, on prend conscience trop tardivement de l’administratif. Quand je me suis inscrit à la Sacem [Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, NDR], il y avait des conflits entre lui et moi. Comme il a été plus intelligent et qu’il a déposé le nom avant moi, je me suis fait avoir sur ça. Bon finalement, Relo c’est une expression de mon secteur qui veut dire poto, frérot, donc ça va. Les gens s’embrouillent parfois parce qu’ils m’appellent Relo et des fois je leur réponds : «Ça va Relo? ». Mais malgré ce changement de nom, les gens à Marseille continuent à m’appeler Napo, c’est mon surnom depuis que je suis petit.

Rappeur des Bouches-du-Rhône (13), du 13e arrondissement de la ville avec 13 titres sur un projet qui s’intitule «Plume 13». Est-ce que par hasard tu habites un bâtiment 13 au 13e étage? 
Relo: Nan, je n’ai jamais habité un bâtiment 13. Par contre, à l’époque, on envoyait nos clips à 13 h. Le signe que je fais avec la main, même si des gens ne l’ont pas capté, c’est le 13. 

Du coup avec «Plume 13», ça faisait longtemps que je n’avais pas écouté un album en entier et transféré dans mon ipod la quasi-totalité des titres pour les écouter afin de prêter attention aux textes.
Relo: Ah ouais ? Et ben je pense qu’au départ, je suis plus un parolier qu’un rappeur. Moi ce qui me fait kiffer, c’est l’écriture. C’est pour ça que des fois j’écris pour d’autres artistes…

… donc tu pourrais faire autre chose que du rap? Écrire un livre par exemple?
Relo: Je peux te le dire franco : si à la fin de ma carrière, je peux juste écrire pour les gens, je suis aussi content. Et ça fait depuis un an et demi, deux ans, que je note des idées pour un recueil, plutôt qu’un livre.

Pour rester sur un de tes textes, tu dis à un moment: «Bordel, ce que je kiffe l’anonymat». Ne pas montrer ta tête, avancer caché, c’est pour être jugé plus sur ta musique que ton image?
Relo: C’est le critère numéro un. D’où l’intérêt d’être assez profond et précis dans ma musique, de sorte que les gens me connaissent réellement à travers elle. Et aussi parce que je me suis rendu compte quand j’étais petit que je me foutais complètement de ce à quoi pouvaient ressembler les artistes. Par exemple, Le Rat Luciano, qui est une légende ici, j’ai découvert son apparence à seize ans. C’est pour ça que j’ai voulu perpétuer ça et dans un son qui s’appelle « Là Où », je dis : « On fait de la musique qui s’écoute avec les oreilles, qui ne s’entend pas avec les yeux ». J’essaie d’écrire le mieux possible pour t’embarquer dans mon univers et que tu captes ce que je vis à travers ça. Qu’est-ce que tu t’en fous que je porte une paire de requins, que je sois blanc, noir ou métis. Ce n’est pas ça qui m’intéresse. Je veux que tu me juges sur mon travail et sur ce que je peux t’apporter dans ta vie. Et le deuxième critère, c’est le confort de vie. Même si les gens disent : « Ce n’est qu’une casquette et des lunettes… », mais crois-moi que personne me reconnaît quand je ne porte ni l’un, ni l’autre… à part si tu me connais dans la vraie vie. Il y a juste ma voix que les gens arrivent à reconnaître, parfois. Je tiens à ma vie de famille, à être tranquille. Autant en concert, je suis la personne la plus accessible du monde, je peux passer une demi-heure avec une personne inconnue, autant dans ma vie de tous les jours…

« Qu’est-ce que tu t’en fous que je porte une paire de requins, que je sois blanc, noir ou métis. Ce n’est pas ça qui m’intéresse. Je veux que tu me juges sur mon travail et sur ce que je peux t’apporter dans ta vie. »

Relo

… ça te fatiguerait que des gens t’arrêtent pour prendre des selfies? Et tu ne penses pas que c’est générationnel ce rapport à l’image?
Relo: C’est peut-être une question d’éducation, mais je suis très pudique. Je suis très mal à l’aise avec ce délire de starification. Je comprends largement les gens qui aiment ça et je ne critique personne.

Et pour ta deuxième question, il y a deux choses : Se dire qu’il faut garder un souvenir, parce que tu ne croiseras peut-être plus jamais la personne avec qui tu fais une photo et le fait que certains veulent prendre des photos sans savoir qui tu es en tant qu’artiste, juste parce que leur pote en a pris une. Après bien entendu, c’est générationnel, même si le fait de faire une photo avec un artiste que tu apprécies a toujours existé. Mais aujourd’hui, beaucoup trop prennent des photos pour exister sur les réseaux.

Et n’y a-t-il pas également chez toi une part de rejet quant aux réseaux sociaux? Parce que je t’avais contacté en 2018 pour une interview et tu m’as répondu que cette année [rires].
Relo: Ce n’est pas moi qui gérais mes réseaux avant [c’est une personne de Néochrome, un label avec lequel Relo était en partenariat jusqu’à mi-avril environ, NDR], ça ne fait qu’un mois et demi que c’est le cas. Il y a plein de gens qui avaient un peu la haine contre moi [rires]. Je suis quelqu’un de très accessible, je rigole tout le temps. Des mecs me croisaient au studio, on rigolait ensemble et sur les réseaux ils se disaient : «D’un coup, il me snobe». Ça m’est arrivé plusieurs fois et je répondais : «Désolé gros, ce n’est pas moi qui gère mes réseaux».

Effectivement, il y a une part de rejet également quant au fait que je ne voulais pas être sur les réseaux, j’étais contre ça. Je voulais vraiment me concentrer sur la musique. Maintenant que j’ai décidé d’être tout seul, j’ai bien vu que j’étais obligé d’être sur les réseaux pour effectuer ma promotion et répondre à l’attente des supporters. Je préfère le mot supporter plutôt que fan.

Mon titre préféré du projet, c’est «Concentré». La prod’ est folle, j’ai envie de conquérir le monde en l’écoutant, je me le mets souvent en roulant à vélo dans les rues de Genève [rires]. Et il y a le refrain avec cette ligne «Toute ma vie cachetée sous blister». Premièrement, tu es le premier que j’entends utiliser ce terme. Et de deux, à quoi fais-tu référence?
Relo: [Rires] Il y a une dédicace pour les gens à vélo en plus au 2e couplet : «A l’époque on freinait en mettant la semelle sur la roue arrière du BMX». C’est une prod’ du collectif marseillais Skenawin Music. Et « blister », c’est pour la partie cellophanée du CD. 

Je trouve que tu es un des derniers mc à rapper ta ville, j’appelle ça un «rappeur de proximité». Tu cites des noms de rues, de bâtiments. Pour tout de dire, une année je voulais commencer à découvrir Marseille à travers les textes de «Marseille en vrai (remix)» et «Marseille en vrai». J’étais pas loin de passer à la boulangerie de Baille, mais je l’ai jamais fait [rires]. Du coup, je reviens sur quelques lieux/personnes et tu m’expliques ce qu’ils sont ou ce qu’ils représentent pour toi.

La Corniche Kennedy?
Relo: Pour tous mecs de quartiers ou mecs d’en-ville [comme son nom l’indique, c’est une expression qui signifie habiter en ville, NDR] quand t’es jeune, ce sont les soirs où on ne fait rien, on fait le grand tour et on passe par la corniche Kennedy. C’est un beau coin, t’y as la vue sur la mer, c’est éclairé, il y a des palmiers.

Chez Rara?
Relo: C’était un snack d’Air-Bel, dans le 11e, qui a fermé.

Le Cercle de St-Barnabé?
Relo: Un terrain de boules, dans le 12e. C’était un peu compliqué de trouver quelque chose dans le 12e, parce que c’est un quartier un peu huppé, avec une démographie assez vieille. Ce n’est pas le « Carré d’or », constitué par les 3 P « Perrier, Paradis, Prado » ; mais ça reste assez prisé.

Les tours de Picon?
Relo: Quand tu arrives par l’autoroute Nord, tu arrives directement dans les quartiers nords, dans le 15e et le 14e. Et le quartier Picon, ça se trouve d’un côté de la L2, la nouvelle voie rapide. Tu as Picon, Busserine d’un côté et Font-Vert de l’autre [quartiers de Marseille, NDR]. Y a une polémique au sujet de ces tours, parce qu’ils les ont détruites pour construire la L2, mais ils n’ont pas touché au Macdo à côté.

Le Spécial?
Relo: C’est un snack à l’avenue Saint-Antoine dans le 15e. Où d’ailleurs il y en a beaucoup : turcs, pizzas, poulet braisé, tout ce que tu veux. Et certains samedis soirs, il y a une queue incroyable.

L’Hôpital Nord?
Relo: Il a mauvaise réputation à Marseille, malgré le fait qu’il y a de très bons, dit-on, chirurgiens et spécialistes. Trop de patients sont négligés là-bas. D’ailleurs la Provence avait relayé un fait divers : y a un mec une fois qui est venu calibré parce que justement il trouvait qu’ils ne s’occupaient pas bien de sa mère.

Le groupe des Oliviers?
Relo: C’est Puissance Nord. Un groupe, pour ma part, qui a une réelle importance dans le rap marseillais, mais qui n’est pas reconnu à sa juste valeur.

Et pour le remix que l’on n’arrive pas à embarquer.

En plus de rapper ta ville, tu apportes un soin tout particulier au contenu. J’allais dire que c’est une question de générations. Mais en y regardant de plus près, à Marseille, chez les plus jeunes dans le game (YL, Kofs), comme les plus âgés (RED.K, Soso Maness), cette attention est présente. Est-ce que ça ne serait pas une spécificité marseillaise? 
Relo: Oui, depuis toujours, c’est une spécificité marseillaise. Ce n’est pas pour rien que les gens disaient avant : “On aime le rap marseillais”. Aujourd’hui, c’est plutôt : “On aime les rappeurs de Marseille”. Ici on a des codes, des styles d’instrus qui se sont un peu perdus aujourd’hui. A la base, dans un album marseillais, il y a beaucoup de thèmes, beaucoup de constats. Selon ma modeste analyse, on copie trop les codes de Paris de nos jours.

Pour rester sur le rap marseillais, j’ai l’impression que vous replacez de nouveau le nom de la ville sur la carte alors qu’à un moment, j’ai eu le sentiment que vous passiez par une période creuse. Qu’est-ce que tu en penses?
Relo: Il y a eu une période creuse, effectivement. Je ne dis pas qu’il n’y avait pas de rappeurs, bien au contraire. Tu avais des Kalash l’Afro ou des Carpe Diem [groupe composé de Reso, L.O., Picrate, Teddy et RED.K, NDR] qui étaient très forts par exemple. Mais les seuls qui tenaient le pavé sur le plan national durant cette période c’était Soprano, Alonzo et Keny Arkana Après, je pense juste que ça correspondait à peu près à la période creuse nationale, autour de 2003 jusqu’à “Zoo” de Kaaris. Même s’il y a eu des mc’s exceptionnels comme Salif, Nessbeal, Despo; le rap ne vendait pas. Et pourtant les trois que je viens de te citer font partie pour moi des dix meilleurs rappeurs de l’Histoire du rap. Nessbeal il fait partie des seuls rappeurs dont j’achetais tous les albums. Sa qualité d’écriture était dingue, j’aimais trop. Et Salif est dans le top 3 du rap français pour moi.

Concernant la période creuse à Marseille, je dirai depuis 2005 jusqu’à Jul en 2014. Lui, il a plu parce qu’il a ramené des textes d’un jeune de cité. Qu’on aime ou pas, c’est un bosseur, il travaille et il a les codes marseillais. 

“Ce n’est pas pour rien que les gens disaient avant : ‘On aime le rap marseillais’. Aujourd’hui, c’est plutôt : ‘On aime les rappeurs de Marseille.’

Relo

Si tu étais obligé de choisir entre ne plus rapper ou ne plus soutenir l’OM, que choisirais-tu?
Relo: Ne plus soutenir l’OM, ce n’est pas possible… je ne rappe plus, j’écris en cachette pour les gens, tant pis. Ce n’est même pas un truc que tu choisis, c’est en nous. Combien de Marseillais se sont dit : ‘C’est bon, nique sa mère, je ne regarderai plus cette équipe de chèvres…’. Et au match suivant, 21 h pétantes, on est devant la télé. 

Un dernier mot?
Relo: Je suis rappeur solo, la plupart des gens qui m’entourent dans mon processus créatif sont toujours les mêmes depuis des années. Comme équipes de beatmaking, il y a Skenawin Music composée de Ladjoint, Member-K, Pavillon Noir, Professeur Skenawin, Nass, Franklin, Curtis et Don Beatz ainsi que Nico lox. Comme autres équipes ou beatmaker, t’as aussi Fabio Giovi, Nef, Lido ou Just Music.

A la réalisation des clips, Caktus et Deucis Sensa. Et en studio je suis toujours avec mon acolyte Allen Akino, artiste très talentueux de Marseille, je vous conseille son titre ‘Flou’.

Par Marty Macfly

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