Pour être totalement transparent, on n’attendait pas grand-chose du concert de Kery James en se rendant dimanche au Montreux Jazz, on avait surtout fait le déplacement pour Casey. Blasé ? Oui, certainement. Après plus de 20 ans à le suivre sur disques et en live une certaine lassitude s’installe et comme c’est souvent le cas, c’est alors qu’on n’espérait rien de plus qu’un bon concert que la magie a opéré.
L’entrée sur scène de Kery nous mettait une première petite claque, Mouhammad Alix fait son entrée sur scène après l’introduction du speaker qui présente son pedigree. Peignoir au nom de son alter ego, gants aux poings, muscles tendus. On ressent très rapidement qu’il n’est pas venu sur scène pour faire de la figuration, on se dit que le mc n’est plus juste carré, il est cainri dans son show.
Appuyé par un clavier, son DJ, deux backers et l’incroyable Pierre Belleville à la batterie, Kery James va nous mettre dans les cordes durant l’entier de son concert, on est groggy, ses coups sont toujours bien placés. Le boxeur enchaîne ; petits coups, gros uppercuts, travail au corps, l’entier du lexique y passe. Et si certains combattants se contentent de refaire toujours les mêmes phases, répétées à l’entraînement, Mouhammad Alix lui sait qu’il en faut plus pour décrocher des records. Sûr de lui et de son équipe il va là où très peu de ses confrères osent s’aventurer, il sort de sa zone de confort. On a beau connaître parfaitement tous ses coups, tous ses enchaînements, l’espace d’un combat ils sont complètement retravaillés et c’est pour cela que Kery James remporte le match, car il réussit à nous surprendre, à ne pas simplement réciter ses gammes, mais à se donner les moyens pour les réinterpréter. Les juges l’ont donné vainqueur à l’unanimité et il termine son combat bras levés, il a conservé sa ceinture et on se demande bien qui pourra venir la lui prendre.
Le noble art porte définitivement bien son nom, et encore plus quand il s’agit d’enchaîner pour parler musique, de l’amour de la musique, car c’est de cela qu’il s’agit. Kery James aime la musique et ça se ressent, il est dans son élément sur scène et parvient parfaitement à aller au-delà du message, il offre de l’émotion, des émotions qui ne pourraient pas se transmettre s’il se contentait de venir réciter un ersatz de ses albums studio. Non, car il sait maintenant que la scène n’est pas faite pour venir réciter une leçon, il sait qu’un concert est un lieu d’échange, un moment unique durant lequel le public espère recevoir plus. Il sait que la musique est vivante, qu’elle se nourrit des musiciens et réciproquement. C’est pour cela qu’il est largement au-dessus des autres, Kery James a réussi à faire de Kery James un performer et non pas un simple professeur, le défi était de taille, mais nulle montagne ne semble trop élevée pour ce genre d’artiste, chapeau bas Monsieur.

ps: On en oublierait presque de vous dire que Youssoupha est venu sur scène pour son complet sur Musique Nègre, un grand moment aussi.
ps2: Pour ce qui est du live de Casey on voulait aussi en parler, mais Geos l’a tellement bien fait qu’on vous renvoie sur son article.

crédit photo : © 2017 FFJM – Ducrest Marc