C2C Interview + Review

Parce que chez repreZent on a des esclaves très productives, on peut vous proposer le combo interview+review du crew de djs C2C qui était de passage dans nos contrées. On vous laisse donc en leur compagnie, le tout rythmé par Sophia.

repreZent.ch : Votre EP, « Down the Road », est sorti au mois de janvier et a eu un très bon accueil, en espériez-vous autant ?
Atom : Oui on espérait… On espère même toujours plus! On est vraiment content des retours qu’il y a eu. On ne savait pas forcément à quoi s’attendre. On espère un maximum que cela fonctionne. Pour l’instant c’est plutôt positif.

repreZent.ch : Ce succès a d’ailleurs provoqué un engouement des maisons de disques qui s’est récemment conclu par une signature…
Greem : Ouais c’est un travail qui a été fait depuis longtemps de la part des managers lorsqu’ils ont annoncé le projet et fait écouter des trucs au fur et à mesure qu’on bossait. Finalement, dès qu’il y a eu de l’engouement autour du projet, la sortie de l’EP, les salles qui se remplissent, etc. les maisons de disque ont commencé à s’intéresser aussi à notre taff. Par le taff qu’on a pu faire via Hocus Pocus et Beat Torrent, je pense qu’ils avaient déjà la puce à l’oreille et, en effet, des maisons de disque se sont déplacées pour notre premier concert parisien et qui ont été intéressé. On a pu faire un topo et un comparatif des différentes personnes intéressées.

repreZent.ch : « Down the Road » est très libre. On peut sentir dans la vibe de l’EP qu’il y a plein d’ambiances différentes. Vous n’avez pas peur qu’une maison de disque essaie de vous mettre dans une « boite » ?
20Syl : Le rapport qu’on a avec les maisons de disque est bien précis : on reste producteur de notre musique. La collaboration se fait à l’étape de la distribution et de la promotion des projets. Ce qu’ils ont vu justement dans C2C et qui a fait énormément réagir le public et créé un engouement c’est le côté atypique et libre du projet comme tu peux le décrire. Je pense, justement, que les gens avec qui le feeling est le mieux passé sont les gens qui nous ont dit : « ouais nous c’est ce coté atypique qui nous intéresse dans C2C ». Sachant que l’album était déjà quasiment terminé avant qu’on choisisse exactement avec qui on va travailler, il n’y a pas vraiment de soucis.

repreZent.ch : On vous catalogue comme « Electro/Hip-Hop ». Quand j’ai vu cela, je me suis dit « oh non, encore un projet à la « Guetta/Snoop Dogg » » alors que « Down the Road » est très loin de cet univers. Comment avez-vous échappé au mauvais côté du mélange ?
20Syl : c’est une question de prod’. Je pense, à la base. Une question de direction, d’inspiration. C’est vraiment pas notre registre.

Greem : Ouais dans tout ce qu’on a pu faire avant on n’allait pas y passer du jour au lendemain. Quand tu écoutes déjà les trucs issus de nos différentes formations, entre Beat Torrent et Hocus Pocus. Après, ce qu’on a pu faire dans les show DMC, il n’y a pas cette vibe. Je trouve assez étonnant que quelqu’un se dise « ah merde ça va se transformer en cela ». Quand tu regardes les racines, je pense pas qu’on allait tomber dedans. En plus, je ne sais même pas si nous-mêmes, dans les interviews, on s’est défini comme « électro-hip-hop » parce qu’on trouve encore ça trop réducteur. Ça nous enferme dans une case. On ne va pas défendre un style électro hip-hop. C’est tout de suite les deux grosses entités auxquelles on va nous rattacher, mais on puise dans plein de musique. S’il faut nous classer on va dire Electro Hip Hop mais c’est encore réducteur.

20Syl : C’est vrai que sur le EP si tu prends par petites parties… tu regardes F.U.Y.A, il est purement électro orchestral. Down the road est plus électro blues. Etc. Il n’y a pas vraiment de morceaux électro hip-hop. Il n’y a pas de rap à part sur The Beat et du coup ce titre est plus un morceau de hip-hop old school, il y a moins le coté électro pour le coup. C’est vrai que l’étiquette du concept du projet elle marche, mais finalement, quand tu écoutes le projet, c’est pas du tout ce que tu ressens

repreZent.ch : Une fois n’est pas coutume, le sample n’est pas qu’un ingrédient, mais un véritable instrument. Comment les intégrez-vous dans vos titres ? Est-ce que vous construisez les morceaux autour d’eux ?
Atom : Il y a des samples, mais il y a pas mal de titres où on ne part pas du tout d’un sample. Sur la plupart des titres, voir tous, on a rejoué le sample ou on a réadapté quelque chose ou encore rejoué quelque chose pour le remplacer.

20Syl : La particularité c’est qu’on créé nos propres samples finalement. On applique la méthode du sampling mais en créant notre matière première. On n’est pas des compositeurs qui avancent avec une partition devant le nez et qui jouent ce qui est écrit. On va enregistrer des petits bouts de sons à gauche et à droite et on va mélanger tout ça. Mais, on produit la matière première pour la plupart des titres.

repreZent.ch : En parlant d’instruments, vous utilisez vos platines comme un instrument…
Atom : Bah déjà c’est une culture, une passion qu’on a depuis plusieurs années. Le fait d’utiliser la platine pour faire autre chose que jouer des disques comme un DJ classique. Mais, plutôt, par diverses manipulations et technique réussir à jouer de la platine comme si c’était un instrument. Je pense que c’est vraiment dû à cela. C’est vraiment notre manière de jouer notre musique et notamment en live. Mais, dans le studio, c’est beaucoup plus large que ça. Certains morceaux sont apparus comme cela…au bout de freestyle, comme ça, on branche les platines, on joue les quatre on essaie quelque chose. Mais, il y en a d’autres qui sont venus d’une compo, d’une prod sur l’ordi ou avec une guitare. Il y a plein de choses possibles. Je ne sais pas si ça répond à la question complètement…(rires)

20Syl : Je pense que techniquement on n’apporte pas une révolution dans les scratchs parce que les scratchs qu’on fait, les phrasés de scratchs, etc ne sont pas des trucs extraordinaires. Maintenant, je pense que la révolution est dans la manière avec laquelle on l’intègre dans un morceau de musique, c’est vraiment là où il y a un virage et une évolution. On l’a toujours fait avec C2C et c’est pour ça, je pense, qu’on s’est fait reconnaître.

repreZent.ch : Du coup, vous vous considérez comme des DJ ou des musiciens aux platines ?
20Syl : disons que notre instrument qui nous permet d’interpréter notre musique est la platine. Donc oui, sur scène on est des musiciens, on n’est pas des DJ qui vont jouer la musique des autres. Chacun, à chaque morceau, à un instrument différent entre les mains qu’on lance, manipule, déstructure, découpe. On a plus un rôle de musiciens que de DJ au sens club.

Greem : on a aussi un rôle de VJ maintenant. VJ-musiciens

repreZent.ch : 20Syl, quand on s’est vu au Royal Arena l’été dernier, tu nous a annoncé un projet sans limites. Ce qu’on entend bien sur l’EP. On peut écouter chaque morceau de « Down the Road » et entendre un univers différent à chaque fois. Pourtant, cela s’emboite bien et on est face à des ambiances très musicales. Comment vous est venue l’idée de pousser les limites, de vous donner carte blanche ?
Greem : C’était pas un postériori de base. On ne s’est pas dit : « bon allez maintenant on se lâche ». Naturellement, on le faisait déjà pour les DMC et même quand on s’est réuni pour travailler les bases de cet album on avait en tête le modèle du show de 2005 qui était pour nous un peu le show parfait et qui a été le plus apprécié et visionné et, en plus, où il y a ce mélange de différents univers et différentes sonorités de divers pays. Du coup, on se disait qu’on devait prendre ce show en exemple et marier notre univers avec des drums super lourds et des samples de tout horizon. Voilà, vraiment sans se donner de limite ni se dire « voilà on va faire un truc plus formaté avec des couplets, des refrains ». Par contre, si un morceau s’y prêtait, s’il y avait un invité qui rap, chante, etc. ça collerait. Pour un autre, il pouvait tenir instrumentalement. On n’était pas à se dire tout le temps qu’il fallait absolument un refrain ou un truc chanté. On a pris toutes les libertés, mais on les prenait aussi avant.

Atom : Chez C2C, ça a toujours été ça. Vu qu’à la base on avait, pour faire notre musique, les platines, pleins de disques, de vinyle, on devait piocher dedans. Pour trouver de la matière, à un moment, il fallait aller chercher dans tout ce qui était disponible pour ne pas se limiter à un seul style. Ça a toujours été comme ça. Il y a aussi eu l’envie de retourner sur C2C après les projets dans lesquels on était peut-être plus « formaté ». On a Hocus Pocus, qui est un groupe de rap avec des instruments et Beat Torrent, deux DJ électro-clubbing. C’était deux formats dans lesquels on était un petit peu enfermé. C’est quelque chose qu’on a voulu, mais ça fait du bien, avec C2C, de se libérer.

20Syl : Ce qui donne une liberté aussi c’est de voir que ce que les gens aiment dans ce que tu fais c’est cette folie, cette espèce de projet où, en effet, tu ne te poses pas la question de dans quel style on va travailler. Le succès du show DMC, notamment sur internet, nous a encouragés à aller dans cette direction où on ne se donne pas de limite. De pouvoir, un jour, prendre des instruments asiatiques et le lendemain faire un morceau très pop. C’est finalement le public qui nous a donné cette liberté parce qu’on sait qu’on avait des gens qui nous attendaient pour un projet atypique dans lequel on pouvait s’éclater.

repreZent.ch : Comment est-ce que vous gérez la scène à quatre DJ ? Est-ce qu’il y a de la place pour l’improvisation ?
Atom : Comme on a l’image en plus…t’as du voir quelques vidéos sur internet….l’idée est d’illustrer le son avec de l’image, des animations, des formes. On a chacun un écran devant notre set et on a chacun une forme géométrique qui évolue tout au fil des morceaux et du show. Ça nous oblige à suivre une trame. Du coup, ça ne laisse pas forcément de place à l’improvisation. Ça demande déjà tellement de boulot de préparer la musique, le contenu de l’image, de faire un storyboard et de construire une progression. On a des petites plages, sur certains morceaux, où on va se dire « de tel point à tel point c’est un peu freestyle, on a chacun nos sons et on trip un petit peu ». Sur la globalité, c’est très carré.

repreZent.ch : vous nous préparez un film alors ?!
20Syl : c’est un montage animé en temps réel.

repreZent.ch : Ce soir vous jouez dans un des derniers lieux alternatifs genevois. Vous avez l’habitude de jouer dans les grandes salles de France. Qu’est-ce que ça vous fait de jouer dans des salles plus underground ?
20Syl : on est habitué vu qu’on l’a fait déjà avec Hocus Pocus ou Beat Torrent. C’est quelque chose qui a toujours été présent pour nous dans la tournée. C’est aussi dans ce genre d’endroits qu’il y a quelque chose de plus intimiste qui se passe où les gens vont peut-être plus se lâcher que dans les grandes salles comme le Palladium – je n’en garde pas un souvenir impérissable d’ailleurs. C’est ces petites salles qui font vivre un peu les gros Lives et c’est dans ces endroits où on sent l’énergie du live. Donc c’est toujours intéressant de venir là.

Greem : ce genre d’endroit me fait penser un peu au Rockstore de Montpellier. Tu sais ce genre d’endroit, les clubs, cafés-concert un peu rock’n’roll. Il y a souvent de bonnes ambiances là dedans

repreZent.ch : Et les projets futurs dans tout cela…il y aura un album en septembre, les festivals cet été…
Atom : On verra, mais on prévoit…c’est sûr qu’Hocus Pocus et Beat Torrent ça repartira derrière, mais… Pour l’instant on se focalise sur C2C

Greem : Il y a des break dans nos formations respectives. Jusqu’à septembre, on va amener des choses. Il y aura beaucoup de dates cet été, mais il y aura aussi du contenu musical et visuel sur internet. On va aussi continuer de faire des trucs, des collaborations et d’autres surprises.

repreZent.ch : Quelle est votre définition du mot « repreZent » ?
Atom faire parti d’un groupe, d’une famille, d’une équipe, d’un pays. D’agir, de la représenter. Porter les valeurs de ce groupe et d’agir (rire) pour le bien de sa famille. Non, mais je ne sais pas. C’est pas forcément quelque chose qui me parle beaucoup.

Greem : on représente C2C, on porte les couleurs de notre logo. (rires)

Atom : je n’ai pas l’impression de représenter, que ce soit la ville Nantes ou mon pays.

20Syl : C’est vrai que dans les projets qu’on a faits on n’a jamais été les fers de lance d’une scène ou d’un crew. On a toujours essayé de faire des choses en marge avec une certaine originalité.

Review
21h15. L’interview est terminée. Plus que quelques minutes avant le show. L’Usine se remplit à vue d’œil. Ça bouscule, pousse, écrase. Les plus téméraires arriveront ainsi vers les premiers rangs. Peu importe qu’ils soient étouffés par la danse effrénée qui s’annonce. Ils veulent sentir la vibe de C2C de plus près.

La salle s’éteint. Elle laisse place au réveil du jeu de lumière naissant. Quelques scratchs et la musique lance la foule vers l’euphorie. Genève accueil comme il se doit les quadruples champions du monde de DMC. Les égarés qui seraient venus en curieux comprennent vite l’ampleur du set. Des mixes carrés, alliant beats effrénés à VJing de qualité. C2C sont bien plus que DJ qui passent des disques. Ce sont des DJ musiciens qui utilisent leurs platines comme de réels instruments. Chaque ambiance s’emboite à une autre avec précision et sans faux pas.

Ils nous jouent les pièces principales de « Down the Road » leur dernier EP. « Someday » démarre dans un calme envoutant. Une voix soul nous invite dans l’univers groovy du morceau. La fin du set approche et « The Beat » enflamme l’Usine. Les murs de l’un des derniers lieux alternatifs de la ville tremblent au rythme de ce titre autant entrainant que captivant. Les DJ s’éclatent, s’affrontent en battle, échangent leur platine en plein morceau. Tout surprend, étonne et passionne. Un peu trop de superlatif, me direz-vous. La vérité est qu’il n’y a rien de négatif à soulever. On entendra certaines personnes dire qu’un titre est moins bon, mais la globalité est convaincante. On soutient le succès de ce retour vers un DJing et des productions plus authentiques, amassant le fric grâce à sa qualité et sans l’avoir cherché par des créations commerciales.

A l’heure du rappel, l’Usine ne veut pas s’arrêter. Le show écrit son dernier chapitre sur des touches latines, de samba, de charleston, de jazz. C2C représente la musique avec un M majuscule, celle qui est faite avec passion et qui réunit tous les genres dans une explosion de lumière.