Une fois n’est pas coutume on vous parle d’actu ciné sur repreZent. Direction outre-Atlantique avec la nouvelle production de Netflix qui se porte sur LA QUEEN du Hip-hop, Roxanne Shanté !
La majorité des lecteurs de repreZent savent sans aucun doute qui est Roxanne, mais laissez nous tout de même vous expliquez, question de placer correctement le contexte, parce que le sujet est important ! Roxanne Shanté est LA MC qui a courageusement gagné sa couronne et a détenu l’autorité souveraine du royaume Hip-hop dans les années 80 ! On ne vous apprendra pas grand-chose en vous disant que dans le monde du rap il faut savoir s’imposer, une rime bien placée peut transpercer telle une balle de 9 mm. Et la meilleure, en son temps, dans cet exercice fut Shanté !
C’est dans le milieu des années 1980 à ses 14 ans que Lolita Shanté Gooden entre en force sur scène, à l’époque où Kagol Kid se plaint dans une chanson (« Roxanne, Roxanne » un classique du rap) à ses amis, d’une certaine Roxanne (personne fictive) qui repousse ses avances. Ce qui mettra de l’eau dans le gaz… ? C’est un conflit entre les U.T.F.O (Kangol Kids, Educate Rapper, Doctor Ice, Mister Master Ice) et Mr Magic, Tyrone Williams ainsi que Marley Marl. Les U.T.F.O ayant annulés un concert organisé par les animateurs de l’émission radio « Rap Attack », de quoi allumer le feu aux poudres !
C’est à ce moment que Marley Marl propose à Lolita Shanté (qui s’était déjà fait remarquer lors de rap battles dans le Queens à New York) d’enregistrer un morceau qui lui permettrait de prendre sa revanche sur Kangol Kid et ses acolytes. Marl compose un beat en samplant l’instru de « Roxanne, Roxanne », Lolita ne fait pas de quartier, le combo est explosif, et les U.T.F.O prennent cher ! Ce titre intitulé « Roxanne’s Revenge » lui procura son nom d’artiste Roxanne, mais le plus important, il l’inscrira au Panthéon du hip-hop. Ce morceau est le premier « diss » (embrouille) de l’histoire du rap mais surtout une affirmation de soi, un moyen efficace de se placer en tant que femme dans ce milieu très masculin. Suite au succès assez surréaliste de son single, Roxanne Shanté doit faire face au monde sans vergogne de l’industrie de la musique, où elle fera face à des hommes peu honnêtes, parfois sans limites.
C’est donc la vie de la rappeuse que le biopic de Netflix retrace. « Roxanne, Roxanne » parle de la pression exercée sur la jeune fille qu’elle était et par extension de l’échec (collectif) à préserver les femmes de potentiels prédateurs.
L’idée du film est née de la volonté des réalisatrices Mimi Valdez (déjà reconnu pour son travail pour « Dope » en 2015 et « Hidden Figures » en 2016) et Nina Bongiovi (Fruitvale Station [2013], Dope [2015]) de rencontrer l’artiste et de raconter son histoire. D’abord très surprise Roxanne accepte avec enthousiasme « Vous savez quand les femmes décident de quelque chose — je ne dis pas que les hommes soient différents — elles s’y mettent vite ! »
Elles se sont rapidement mises d’accord pour ne pas retracer sa vie dans un documentaire, mais sous la forme d’un biopic (Roxane Shanté extrêmement soulagée qu’on ne lui propose pas un porno). Productrice déléguée elle a eu son mot à dire. Présente quotidiennement sur le tournage, elle s’assure que les scènes restent naturelles. Son souhait étant de raconter son histoire telle qu’elle était, de montrer au public à quel point les choses n’ont pas été faciles pour elle, en dehors des projecteurs.
Le sujet du film n’est donc pas la musique ou l’histoire du hip-hop dans les années 80, mais de relater une réalité, celle du destin d’une femme. Il y a quelques séquences musicales dans le film, mais celles-ci ne construisent pas l’essence même du film. « … et c’est à ça, je pense que les gens diront que c’est vraiment un film de Roxanne Shanté. Ça ne raconte pas l’histoire du hip-hop des années 1980, mais quelque chose qui s’est passé à cette époque. Il y a des séquences musicales dans le film, mais la seule raison pour laquelle ils s’y trouvent, c’est que j’ai connu des moments de musique extraordinaires dans ma vie. »
Le film se concentre sur la manière dont, déjà enfant, Roxanne Shanté a été manipulée et maltraitée, par des hommes qui prétendaient vouloir son bien. Ce film montre les différentes formes d’abus et de harcèlements qu’elle a subis, l’omniprésence quotidienne de la pression masculine dans sa vie de jeune fille. « Laissez-moi vous expliquer quelque chose. » Quand j’avais 14 ans, j’ai fait un disque intitulé Roxanne, Roxanne, également connu sous le nom de Roxanne’s Revenge. Depuis, tous les hommes que je rencontre — qu’ils aient 8 ou 80 ans — m’abordent en me disant : « Roxanne, Roxanne, I wanna be your man! » (Roxanne, Roxanne, je veux être ton homme !). Imaginez de vivre ça tous les jours, avec des gens qui s’adressent systématiquement à vous de cette façon… »
« Roxanne, Roxanne » est un film qui se place de manière très naturelle dans le contexte actuel de mouvements tels que #metoo. Pour Roxannne Shanté la mobilisation ne doit pas se faire uniquement à Hollywood, mais au sein d’un public plus large. Il ne lui a pas fallu attendre d’être une célébrité pour subir le harcèlement, dès le début de sa très jeune carrière les abus ont été présents. Un père absent, des violences domestiques, la drogue, l’alcool, la maternité à un très jeune âge, elle n’a pas été ménagée. Roxanne apprend dès l’enfance à être indépendante « Ma mère me disait toujours : “Tout ce que tu fais, tu peux le faire seule. Tu n’as besoin de personne. »
C’est certainement cette dynamique qui la pousse, très jeune, a trouvé de la confiance et du courage, à s’imposer malgré tout ! « … Je crois que c’est d’avoir été témoin, en première loge, d’une peine atroce : le déchirement que l’on ressent quand on a placé toute sa confiance en quelqu’un, qu’on lui a confié tout ce qu’on possède, qu’on pense que cette personne vous soutient et qu’elle vous brise le cœur. J’ai dû me souvenir que je devais être responsable pour d’autres, et cette responsabilité m’est tombée dessus très tôt… »
par Marie-Belle

« Roxanne, Roxanne » est disponible sur Netflix.
Réalisation et Scénario : Michael Larnell
Musique : RZA
Producteurs : Nina Yang BongioviMimi ValdesForest WhitakerPharrell Williams
Producteurs délégués : Roxanne ShantéMichael Y. ChowMichael Shen
Acteurs Principaux : Chanté Adams, Mahershala Ali, Nia Long, Elvis Nolasco, Kevin Phillips, Shenell Edmonds