Digne héritier de NTM et donc ambassadeur du 9.3, nous avons soumis Fianso à un entretien Seine-Saint-Denis Style lors de son passage au The Beat Festival… Une manière de rendre hommage aux anciens tout en faisant le pont avec la nouvelle génération, à l’image de Sofiane qui nous parle ici de son présent, un peu de son passé mais surtout beaucoup de l’avenir.

Direct issu de la génération Fonky-Tacchini
En plus toutes ces marques sont en train de revenir… c’est marrant de voir les petits s’habiller en Ellesse, Fila… Je trouve ça mortel. Génération Fonky Tacchini… Bon moins Fonky, mais plus Tacchini surtout que je suis de cette génération.

Trop de blabla, trop de plagiat 
Trop de merdes sont étiquetées pera… Ouais un peu quand même. Après cette génération elle s’est construite sur d’autres bases. Tout a changé, on peut plus cracher sur les gens. Tu vois par exemple y’a des artistes que j’aime beaucoup, par exemple certains artistes belges, que je trouve super talentueux, qui sont super forts… Mais à cette époque on ne les aurait sûrement pas calculés parce que c’était d’autres codes, d’autres manières de prendre les choses, les gens. Je suis tellement content de cette évolution que non… trop de merdes sont étiquetées pera… non. Y’a du rap pour tout le monde maintenant mon pote.

Ceux qui ne voient le hiphop qu’avec des samples de pop
Pas qu’avec… avec. Tu vois ce que je veux dire ? Comme Goldman disait, quand la musique est bonne… bonne… bonne.

Seine-Saint-Denis Style! Fous donc ton gilet pare-balles
Tant qu’à faire oui… Mais c’est surtout que j’aime bien les coups de feu dans les morceaux, ça fait un bel effet, ça claque. Et comme en plus Cramé fait partie de mes titres préférés de l’album. C’est une prod de Proof qui a beaucoup travaillé avec Médine. Je l’avais revu en concert au Havre, j’étais sur la fin de mon album, mais il me manquait encore quelque chose, je ne trouvais pas ma sauce en prod et je lui ai dit « je veux les prods de Médine en septembre, fais-moi ça », et il m’a fait ça. C’est un son parfait pour débuter l’album, ça donne l’impression d’être en haut d’un building, d’être en dessus de tout.

Et si t’as le pedigree ça se reconnaît au débit
Et au palmarès!

J’me la raconte pour le 9.3
Ouais… je suis le digne héritier d’NTM et je le revendique haut et fort. Et tu peux leur demander, ils te diront que c’est fianso.

Faut que je mette les M.C.s aux abois, j’suis en mission
Je suis en mission impossible moi… mais impossible n’est pas fianso.

T’façon faut pas que ça traîne parce qu’on n’a plus le temps pour ça
Ouais je n’ai pas le temps, c’est pour ça que je m’impose une rigueur maintenant qui est différente de l’année dernière. J’ai eu un an à assumer très dur alors que j’attendais ça depuis des années… mais j’ai un cancer dans ma vie c’est que j’ai des idées, j’ai tout le temps des idées. Donc je lance mon émission Le Cercle, je monte un label qui est maintenant un label d’Universal, je me tue… je me casse la tête, je signe des jeunes, je cherche les nouveaux talents, je fais du cinéma… Tout ce qui dépasse mes 24 heures est un manque à gagner pour moi.

Saint-Denis, Saint-Denis, Fon-fonky fresh
Le problème c’est que le fonk dont ils parlent et ma funk ce n’est pas la même chose. J’ai un son complètement funk, mais pas fonk. Mais c’est un cliché de rebeu de cité qui est tenace, alors on cultive.

C’est moi la voix qui fout ta téci dans tous ses états
Je ne sais pas si elle fout la téci dans tous ses états, mais en tout cas elle fout la merde. Mais y’a qu’une chose à retenir de tout ça c’est qu’on s’amuse bien. Moi et mes copains, moi et les gens comme moi, on s’amuse bien.

De toute façon, tu kiffes, tu kiffes pas, nicoumouk viendra à toi
Complètement! Et longue vie! Ce qu’ils ont dit à l’époque c’est toujours vrai aujourd’hui. C’est-à-dire que t’aimes ou que tu n’aimes pas cette musique, ce courant ou ses gens, ça viendra quand même à toi. Donc nicoumouk comme les autres.

Ça c’est le Seine-Saint-Denis Style!
Y’a un délire… y’a un truc, mais pas qu’avec moi ou NTM, avec Tandem aussi à l’époque, avec Kaaris. Y’a un affluent qui se crée et je pense qu’on kiffe tous.

Mec pour le Hip-Hop je développe
Je veux développer beaucoup plus que ça, j’ai des grands rêves d’industrie. Donc oui je développe mon émission pour faire découvrir tous ces petits qui n’ont pas forcément l’exposition. Je développe des structures pour qu’on soit maître de nos business. Tu sais ce qu’il faut lancer dans le rap ? Le consulting. Faut juste répondre à des questions que les mecs n’osent pas poser. Le problème c’est de les cibler.

C’est là que l’on comprend mieux « les affranchis »…
Complètement. Les affranchis s’affranchissent. C’est nous qui sommes les propriétaires terriens de ces puits de pétrole alors on va réguler le prix du baril.

Tu t’occupes des petits…
J’essaie oui, mais je ne communique pas vraiment comme ça, car je n’aime pas le côté humaniste. Je ne suis pas un humaniste, enfin oui je suis humaniste, mais je ne suis pas un philanthrope. Mais des fois il faut juste que quelqu’un le fasse donc je le fais, il faut juste faire exister, ça doit juste exister. Rentre dans le cercle ça devait juste exister. Il y des fois des choses que l’on fait juste pour qu’elles existent.

Donc tu te vois bien au-delà d’un simple rappeur.
Oui… en fait c’est tout simple. Ils ne prendront pas le pli tout seul. C’est nous qui avons la température du terrain, c’est nous qui avons la température du public. Donc dans tous les cas, leur update, je parle des personnes installées dans l’industrie, prendra minimum 5 ans. Il faut tout réformer dans le fond, foncièrement tout réformer l’industrie musicale.
Des trucs tout cons, par exemple dans le circuit de production, en termes de coûts, n’importe quelle branche… prenons le mix, les mecs mixent avec des ingés connus, formés par des grands ingés.. ils mixent sur des machines des années 70, créées et conçues pour écouter de la musique sur des chaînes HiFi. Mais le mode de consommation a changé donc forcément la production doit changer. Si la demande change, l’offre doit changer. Ça passe par la rapidité d’exécution, ça passe par tout… ça passe par l’image… tu vois par exemple je discutais avec des mecs sur mes tournées… ce business est à réformer complètement aussi. Les coûts de plateau sont exorbitants, les marges sont ridicules et tu paies des gens chers, pas plus qualifiés que d’autres… tout est à réformer.
L’image… tu prends en France des mecs comme daymolition… Ils peuvent passer d’un clip à gros budget comme Bella de Maître Gims à un truc à 400e pour un petit d’une cité et ce genre de grand écart ils l’assument et je les félicite pour ça. Parce qu’encore plus que le fait de rendre accessible tout ça, c’est pareil que pour le mix. Tu peux tourner avec une Red, avoir des mecs qui courent dans tous les sens avec des rouleaux de scotch, avoir des chefs op, des chefs lumière, des chefs électro, des chefs machins… tout le monde est chef sur un tournage c’est incroyable et ça coûte un bras. Alors à la limite si tu sais que ton clip va être diffusé en télé ok, mais payer 15’000e pour un truc que tu vas mettre sur YouTube je trouve ça ridicule.
Donc voilà, on va leur apprendre à marger. Le jour où on aura compris qu’on peut fabriquer nos propres avions, former nos pilotes, on pourra voyager librement. C’est le défi 2018 Ça, la formation. Il faut former ces gosses. Ils font de l’indé, ils font des chiffres exorbitants et ils ne touchent pas le tiers de ce qu’ils devraient toucher en royalties, en droits voisins ou en produits dérivés.
Donc on va mettre un joli comptoir devant et on va leur dire combien il coûtent les artistes maintenant. Mais on ne va pas faire des artistes, on va former des patrons qui monteront et signeront des contrats avec leur propre structure, qui seront maîtres de leur business. Quand on a son propre bateau, on peut choisir son port.

Qu’on nique tout, le bénéf, le bizness
Oui… oui, mais alors complètement. Ça me prendra 10 ans, mais tu verras, des fois il faut forcer le bébé à manger, car il ne sait pas que c’est bon pour lui. Mais tu dois le faire, pour son bien. C’est un mélange de tout… de bienvaillence, de bonnes intentions et de capitalisme pur. On va les niquer pour de vrai, mais on va rien leur prendre, ils vont nous le donner.

crédit photo : Titouan Garnier pour The Beat Festival