repreZent a profité de son concert au The Beat Festival pour allé discuter avec Roméo Elvis. Un entretien durant lequel on revient évidemment sur l’explosion du rap francophone mais aussi et surtout dans lequel on en apprend plus sur l’artiste.

2017, Bruxelles est arrivé, serré dans une caisse…
Ah ouais, on commence avec la question classique. En fait ce qui s’est passé… on est un pays qui a su utiliser les réseaux sociaux pour montrer qu’on avait des individualités, comme en Suisse en fait, avec SWK par exemple. En Belgique tout le monde se connaît, donc y’a des connexions différentes qui peuvent se faire, une sorte de soudain, comme si tout arrivait en un coup alors qu’en fait c’est parce que chacun épaule un autre, y’a une unité qui s’est créée et qui permet à chacun de bénéficier de l’aura de l’autre. 2017 n’est que la suite de ce qui se préparait en 2016 où on commençait à parler de l’année du rap belge. Je crois que l’on peut dire maintenant que le rap belge est installé, on n’en parlera plus comme d’un phénomène, mais comme un style.

Justement, tu parlais de « la question classique » sur le rap belge, mais pour nous, depuis la Suisse, je pense qu’on a beaucoup à apprendre de votre réussite, car nos situations sont similaires, particulièrement vis-à-vis du grand frère Français.
Bien sûr on a aussi eu ce complexe pour s’affirmer, pour devoir expliquer ce que c’était que le rap belge, sur la raison d’être du rap en Belgique. On n’assumait pas cette étiquette de « rap belge », on ne prenait pas ça au sérieux alors que maintenant c’est un atout. Avant le rap belge était un peu considéré comme une blague, avec en plus tout l’historique des vannes des Français sur les Belges… comme pour les Suisses en fait. Donc oui on avait un peu ce complexe, mais je pense que maintenant c’est fini.

Est-ce que l’on pourrait dire que les Belges ont ouvert la porte au rap francophone et non plus français ?
Je ne sais pas si on peut dire que c’est les Belges, alors oui, en termes de chiffres, de quantité on est plus présent, mais les Suisses le font aussi à leur manière. Moi je me suis intéressé au rap francophone via Makala donc en fait c’est super réciproque comme phénomène, la musique passe d’un pays à l’autre.

Voilà pour les questions générales, mais si on s’intéresse plus à toi… est-ce que tu te souviens de ta première rencontre avec le Hiphop ?
Y’avait pas mal de monde qui en écoutait dans mon école, donc j’en entendais sans vraiment l’écouter en tant que tel. Mais ma première rencontre avec le Hiphop elle s’est plutôt faite via MC Solaar. Quand j’étais petit, il fréquentait mon père, du coup je l’ai rencontré quand j’étais très jeune et c’est ça que j’identifiais comme étant le rap. Donc j’en avais une très bonne image quand j’étais petit malgré tout ce qu’on a pu dire sur le rap par la suite.

Ça me fait plaisir que tu parles de Solaar, car j’écoutais tes sons dans le train en venant à Genève et je trouvais qu’il y avait, surtout dans la musicalité, une touche de Soon E MC dans ton rap… du coup est-ce que la référence te parle ?
Oui, c’est typiquement le style de rap que j’aimais, avec ce côté très chill, le flegme dans le rap… le reptile tranquille se faufile et gobe… des trucs comme ça. Avec ma grosse voix, ça crée un contraste, c’est ce que j’essayais de faire au début.

Mais tu as su évoluer aussi… même si tu resteras toujours dans la catégorie des mcs, on sent que tu es influencé par diverses influences.
J’écoute autant du rap que des groupes de rock, de la pop… tout ce qui touche au rock, au blues j’aime bien. Et comme ça se rapproche du rap ça se retranscrit facilement… enfin ça se relie facilement entre eux. J’en ai toujours écouté et maintenant que je maîtrise bien le rap j’ai envie d’essayer d’aller chercher dans ces trucs que j’aime.

Des nouveaux horizons qui semblent plus faciles d’accès pour les rappeurs d’aujourd’hui… il y a 20 ans les styles étaient plus cloisonnés, qu’est-ce qu’aurait été Romeo Elvis il y a 20 ans ?
Je ne suis pas certain que j’aurais été attiré de la même manière par le rap. C’est sûr que ça m’aurait plus, car c’est une forme d’art qui est très brute qui utilise les mots, c’est un art qui me parle et m’aurait de toute manière parlé. Je ne peux pas concevoir que je n’aurais pas aimé le rap. Mais c’est sûr que ça m’aurait parlé différemment… plus le rap s’est démocratisé plus le rap m’a parlé en tant qu’individu qu’en tant que spectateur. Pouvoir découvrir des Fuzati, des mecs qui me ressemblaient plus au niveau social comme Lomepal. C’est quelque chose qui s’est passé dans les dernières années, je suis le fruit de ce que je fais maintenant en fait. À l’époque j’aurais fait du rock en fait.

Cette démocratisation du rap se retrouve dans l’affiche même de The Beat, un festival où se côtoient des artistes tels que toi, Caba et JeanJass, Damso, Sofiane, Kaaris ou encore Lorenzo. Une affiche qui semblait impossible avant tant les publics étaient différents alors qu’aujourd’hui le public peut passe d’un Sofiane à toi sans problème.
La seule conclusion que je pourrais faire c’est que ça me rend mega heureux. Je suis très très content de réussir à pouvoir toucher les gens dans plusieurs registres. Je sais que je pouvais assez facilement aller dans le pathos, dans le sensible, je sais que c’est quelque chose que je peux maîtriser et je suis très content de voir que le peux toucher des mecs qui viennent juste s’enjailler et ressentir l’énergie d’un concert… le public de maintenant à un côté rock’n’roll à fond… je ne peux pas l’expliquer, mais ça me plaît énormément. Je n’ai pas envie que ça change parce que je trouve que l’on s’ennuie vite pendant un concert en fait, je suis content de pouvoir varier les styles et que ça plaise, que ça accroche.

Le rap c’est mieux demain.
Toujours. Le rap c’est un style progressiste, une musique qui va vers l’avant. Donc c’est mieux demain, toujours.

Et toi demain t’es où ?
Au Bataclan. Dans des belles salles… demain c’est un Bataclan, un Olympia, des Zeniths… des grosses tournées, la suite de mon projet qui va arriver pour la troisième fois avec le Motel. Et en même temps je ne sais pas, on prévoit des trucs, mais on ne sait jamais ce qui arrive…

photo : Titouan Garnier pour The Beat Festival